Les Pistolets en plastique, réalisé par Jean-Christophe Meurisse, est une œuvre qui divise et interpelle. Sorti le 26 juin 2024, ce film d'1h36 s'inspire de l'affaire Dupont de Ligonnès, un fait divers tragique qui a marqué la France. Après Oranges sanguines, Jean-Christophe Meurisse poursuit sa satire au vitriol de notre société, nous la peignant ici friande de faits divers, de préférence sanglants.
Le film explore l'affaire Dupont de Ligonnès à travers plusieurs trames narratives. On suit notamment deux enquêtrices amatrices lancées à la recherche du tueur de Nantes, l'arrestation d'un faux coupable, et l'exil de de Ligonnès en Argentine. Léa et Christine sont obsédées par l'affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement.
L’intrigue se tisse à partir de trois fils parallèles qui vont, peu à peu, se rejoindre. Deux femmes, « enquêtrices web » fraîchement récompensées par un diplôme FB, se lancent sur les traces de Paul Bernardin, qui a tué toute sa famille avant de disparaître. Un homme - Michel Uzès - , identifié par un indic comme étant l’assassin, est arrêté à son arrivée à l’aéroport de Copenhague par la police danoise. Pendant ce temps, le vrai Paul Bernardin, nouvellement marié, coule des jours heureux en Argentine.
Jean-Christophe Meurisse, connu pour son cinéma burlesque et brutal, met les pieds dans le plat avec ce film. Le nom du meurtrier, Xavier Dupont de Ligonnès, est remplacé par celui de Paul Bernardin.
Avec Les Pistolets en plastique, Jean-Christophe Meurisse persiste et signe en s’inspirant cette fois-ci de l’affaire Dupont de Ligonnès, qu’il déplie en plusieurs trames narratives. Meurisse s’amuse des errances de la police française et montre combien les fantasmes de l’époque créent des comportements irrationnels. Et tandis que des détours par l’Argentine doublent la satire d’un parfum de film d’aventure, Les Pistolets en plastique troque progressivement le rire contre une prise en compte de l’horreur collective à l’œuvre dans ce fait divers devenu un mythe national.
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Le cinéaste se rêve comme le sale gosse du cinéma hexagonal, n’hésitant pas à pousser le plus loin possible les curseurs de l’outrance pour brosser un portrait satirique de la société française. Dans la pure continuité du décapant Oranges Sanguines, le film joue avec le feu, pousse les limites du politiquement correct, sur fond de comédie noire.
Le film pose la question des raisons de l’attraction qu’exerce le crime sur beaucoup d’entre nous mais aussi celle du vrai et du faux, de la violence et de sa représentation. Quant au spectacle de la violence, a t-il une fonction autre que celle de satisfaire nos instincts les plus bas ? Et ne contribue-t-il pas à sa dangereuse banalisation ? Ou, au contraire, a t-il une valeur cathartique ? Exorcise-t-il nos terreurs ? Mieux, nous évite-t-il de passer à l’acte ?
Jean-Christophe Meurisse a voulu faire une comédie noire, mélangeant humour et horreur. Le réalisateur explique : "C’est ce que j’aime : le mélange. Ce que je n’aime pas : rester dans un registre unique. Je veux que tout soit tendu, aussi bien dans la narration que dans la forme. On ne sait pas sur quel pied danser.
Au-delà du grotesque, Jean-Christophe Meurisse vise aussi à installer une forme de malaise qui pose davantage question. En témoigne une séquence particulièrement longue, où les deux détectives en herbe rencontrent une voisine de de Ligonnès qui se met à débiter un interminable monologue d’injures racistes et homophobes. À la fois convenu et paresseux, le « gag » invite à se moquer de la France moyenne. Il est difficile de ne pas voir dans l’étirement de cette tirade une forme d’autosatisfaction un peu crasse à l’idée de choquer le spectateur. Cette tendance à la provocation facile et puérile atteint son acmé avec la reconstitution aberrante de la tuerie, qui tombe comme un cheveu sur la soupe vers la fin du film.
Entre les enquêtrices du dimanche, les policiers incapables, le suspect à deux doigts de devenir dingue, le tueur en vacances, la voisine à l’interminable monologue raciste, Les Pistolets en plastique ne manque jamais de surprendre et de décaler notre regard sur ce qui nous entoure : la paranoïa, la violence, les certitudes, l’état de notre santé mentale, etc. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, la chute est inévitable.
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Derrière nos imaginaires et notre intérêt pour les monstres se cache une réalité que l’on se refuse à voir crûment : le tueur tue, pour de vrai. Et le film ne manque pas de le rappeler lors d’une scène aussi intense que douloureuse. D’un coup, on ne rit plus, la fascination se transforme en dégoût. C’est certainement la plus grande force du film : sa capacité à marier humour et gravité, bêtise et réflexion, le tout avec une mise en scène riche. On est à la fois dans la parodie du film policier, dans la comédie sociale, la romance superficielle, avant de virer vers le film d’horreur, gore et implacable.
Sous cette apparente comédie noire, les messages critiques pullulent. C’est donc deux femmes, dont l’une est mère de famille et ne cesse de se faire appeler par son mari, incapable d’appuyer sur le bouton “on” du micro-ondes, et une vieille fille qui se lance sur les traces d’un meurtrier. En parallèle, Michel Uzès (Gaëtan Peau), victime d’une lourde erreur juridique, est de loin le personnage le plus perdu dans cet univers absurde et trash .
Les personnages sont totalement caricaturaux et, pour la plupart, ce sont des ratés complets. En ce sens, Léa et Christine illustrent cette société bercée dans l’illusion qu’Internet est aussi la réalité. Zavatta (Anthony Paliotti), inspecteur de renom, vit une douche froide lorsque sa femme lui remet brutalement les pieds sur terre. Et Uzès va, lui, de désenchantement en désenchantement…
Les personnages du film Les Pistolets en plastique n’ont donc pas un destin très joyeux et tous s’enfoncent dans une spirale de faits grotesques. Se déploie ainsi toute une galerie de portraits, mettant en scène des personnages aussi bouffons qu’inquiétants, qui tendent un miroir grossissant à notre goût pour le sensationnel, à notre fascination voyeuriste, en même temps qu’à notre propension à banaliser la violence.
A scénario grotesque, voire glauque, mise en scène burlesque. En parallèle, la bande originale du film ne va pas dans la demi-mesure et donne par moment envie de se boucher les oreilles. En effet, les grandes envolées musicales allant jusqu’à saturation, aussi bien que les longues montées en puissance d’un bip répétitif, font vibrer les tympans les plus sensibles.
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Certaines scènes, très trash, sont également sous le signe d’une couleur omniprésente dans le cadre. De plus, tout le montage est marqué par un rythme soutenu. Ne serait-ce que dans les premières minutes où les cartons du générique du début viennent entrecouper brusquement la conversation des personnages. L’entièreté du film se calque sur une volonté de faire les choses rapidement, qui, si elle peut prendre au dépourvu, est au final assez réussie.
Le film met en scène une galerie de personnages interprétés par :
L'équipe technique comprend :
Présenté au Festival de Cannes dans la sélection «La Quinzaine des Cinéastes», Les Pistolets en plastique est un film décapant et extrêmement drôle, impertinent et un modèle d’écriture et de casting parfait. Certains spectateurs peuvent ne pas adhérer à l'histoire, mais il y a de vraies bonnes idées et des séquences très réussies à la manière du film de Les Nuls.
Jean-Christophe Meurisse s’inspire d’une affaire qui, pour des raisons qui mériteraient d’être étudiées par un symposium de sociologues et de psychologues, passionne un certain nombre de français depuis 13 ans pour en faire un film déjanté, à la fois comique et horrifique.
D’un coup, on ne rit plus, la fascination se transforme en dégoût. C’est certainement la plus grande force du film : sa capacité à marier humour et gravité, bêtise et réflexion, le tout avec une mise en scène riche.
Jean-Christophe Meurisse explique : "J’ai une manière un peu surréaliste, un peu cadavres exquis, de trouver des titres, comme pour mon film précédent, « Oranges sanguines ». Ces « Pistolets en plastique » sonnent bien, car tout le monde est un peu en plastique.
L’affaire Dupont de Ligonnès inspire à Jean-Christophe Meurisse une farce noire sur une France assoiffée de violence, alternant le jouissif et le stérile. Entre deux coups de scalpel et de sécateur de jardin, ils déplorent le voyeurisme morbide du public français : “non mais les gens sont complètement accros à la violence, il n’y a que ça qui marche…”
Les Pistolets en plastique est moins, comme on a pu le lire, un film sur l’affaire Dupont de Ligonnès qu’un film sur la France dont a accouché cette affaire. Un homme vient de massacrer sa famille : le pays est sur les dents.
Tout l’hexagone est électrisé par le crime : qu’on s’en indigne, qu’on s’en indiffère, qu’on en soit injustement accusé ou qu’on l’ait soi-même commis, on n’échappera pas à son empire, c’est-à-dire à une sorte de spirale collective de sado-masochisme.
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