La carrière d'Enrico Macias, forte de sa culture judéo-arabe et de son expérience du malouf, est essentiellement nourrie par ses sentiments de déchirure et les peines amoureuses. En 1962, avec l’air de fête qui lui collera à la peau durant toute sa carrière, il signe de très jolis textes qui, pour certains, deviendront des incontournables de ses spectacles comme « Adieu mon pays » et « L’oriental ». S’ensuivent ensuite de très belles mélodies comme « Chiquita » et « Oh guitare, guitare ».
Après son passage à Bobino en 1963 et sa rencontre avec Jacques Demarny, qui deviendra son complice en écriture, c’est le début de la carrière que nous lui connaissons. Le million d’exemplaires de « Enfants de tous pays », qui fut son plus grand succès, et d’autres textes comme « Ma maison, ma maison », lui permettent de devenir l’idole de dizaines de milliers de pieds-noirs. Désormais, les succès s’enchaînent avec « La femme de mon ami », « El Porompompero », « L’île du Rhône », etc.
En 1964, il crée « Paris, tu m’as pris dans tes bras » et « Les filles de mon pays », amplifiant ainsi sa notoriété et sa popularité. Après « Il reste aujourd’hui » en 1963, c’est avec « Vieille terre » qu’il fait son deuxième clin d’œil à ce qu’on appelait à l’époque, « la terre promise ».
L'Olympia est la plaque tournante de tous ses concerts. Il s’est fait le plaisir de s’y produire très souvent. Soucieux d’élargir son public pour ne pas se limiter à être le seul représentant des pieds-noirs, et sur les conseils de Marcel Amont, il décide de délaisser sa guitare le temps de quelques couplets pour être libre de ses mouvements et transformer ses spectacles en une « fête orientale » où le public peut retrouver la chaleur et les rythmes de l’autre rive de la Méditerranée.
L’année 1965 est marquée principalement par deux titres très importants dans sa carrière : « Mon cœur d’attache » et « Vous les femmes ». Commencent alors de longues tournées en Belgique, en Italie, en Espagne, en URSS qui, cependant, ne mettent pas son inspiration à mal puisqu’il continue avec son complice en écriture à enchainer les succès : « Où est donc la vérité », « Je t’aimerai pour deux », « Jamais deux sans trois » ….
Lire aussi: Recommandations concernant les fusils turcs
Sa visite en Israël en 1967 le sensibilise encore plus profondément si besoin était, aux tragédies engendrées par les conflits et les guerres. Dans cet élan, suivant son cœur naturellement généreux, il se lance dans son combat pour la fraternité et la paix et s’en fait le messager. « Non, je n’ai pas oublié » écrite l’année précédente en réponse à ceux qui lui reprochaient de renier ses racines lui donne cette profonde conviction d’être le messager des causes justes.
L’expression de ses sentiments sincères lui vaudra d’être considéré comme un rêveur, un utopiste. Mais l’on comprendra plus tard qu’il était le témoin de son époque avec un « Le port est triste » qui fait sûrement référence à l’ « EXODUS » est l’un de ses titres phares qui annoncera un sincère engagement en faveur de la paix. Cette même année lui inspire, lors d’un voyage dans le nord, un autre de ses grands titres : « Les Gens du nord ».
En 1968, le public ne pouvait deviner qu’Enrico venait de signer un contrat avec le grand label qu’était « Philips ». Cette année là voit la naissance de « Aux talons de ses souliers », « Le feu des gitans », « La vie dans la vie » et la série de succès qui s’ensuivent. « Avec Enrico, ça a démarré sur une entente très amicale. Nous nous sommes reconnus quelque part et je pense que ça allait au delà du fait que nous ayons vécu tous les deux en Algérie.
On peut aussi parler de « Mektoub » (Destin): Enrico et moi étions faits pour faire un bout de chemin ensemble. Probablement parce que je lui apportais les paroles qu’il avait envie de chanter et lui, la musique sur laquelle j’avais envie d’écrire. En effet, après s’être retiré du duo qu’il formait avec son frère jumeau et depuis les succès d’ « Enfants de tous pays », « Les millionnaires du dimanche » et « Les gens du nord », Jacques Demarny est habité d’une inspiration sans limites, signant des dizaines de textes pour Enrico qui, en mélodiste d’exception qu’il est, les met en musique dans le même élan créateur.
Ainsi, dès le début des années 1970, les « tubes » s’enchainent. « Paris s’allume », « La lampe d’Aladin », entre autres, ne sont que les premiers titres qui marquent la fertilité de cette décennie. Mais « Le grand pardon » est vraisemblablement le titre le plus marquant pour la carrière d’Enrico en cette fin d’année 1970. Quelques mois plus tard, Demarny lui propose un texte écrit avec Gabriel Marouani et qui s’intitule « Dix ans déjà ».
Lire aussi: Fusil Darne Calibre 12 : Détails Techniques
L’amour (de Suzy) occupe également une place de choix parmi ces créations. On peut citer, entre autres, « J’ai le cœur qui bat », « J’ai pleuré de joie », « C’était le bon temps », « Pourquoi parler d’amour », « Si c’était à refaire »… À défaut de sortir un 33 tours par année, ces années 1970 sont quand même caractérisées par la sortie moyenne de cinq ou six titres par an, chansons tantôt sentimentales, tantôt engagées mais le plus souvent festives.
En 1977, il emprunte la musique de « I faredj rabbi » pour un hymne à la Paix qu’il intitule « La folle espérance ». L’année d’après, sous la plume de Claude Morgan, il compose avec Jacques Demarny « Les étrangers », un vibrant hommage aux travailleurs immigrés.
L’année 1979 est très riche en chansons (sortie de l’album « La poésie de la méditerranée ») et est marquée par le plus important évènement de la vie d’Enrico Macias : la rencontre avec Anouar El Sadate et le spectacle qu’il donne aux pieds des pyramides.
Parmi les passages à l’Olympia les plus remarqués de ces années là, on peut citer ceux de 1972, 1974, 1976 avec Ajda Pekan et 1977 avec Los Reyes. Ce dernier spectacle est caractérisé par la qualité supérieure des arrangements musicaux sous la direction de Jean Claudric et, pour la première fois, une parfaite déclinaison d’une structure de nouba (sous formes de 3 m’çaddar), avec « Ifaredj rabbi ».
Jean-Michel Boris dit : « Enrico Macias est un musicien populaire au vrai sens du terme, un grand artiste dont les airs donnent immédiatement envie de danser et de chanter. À chaque fois qu’il est à l’Olympia, c’est la fête. Toute la salle reprend ses chansons en chœur, les femmes se mettent un foulard autour de la taille et montent sur la scène en poussant des youyous.
Lire aussi: Calibre 16: Le Fusil Nemrod
Le premier évènement marquant du début de ces années 1980, est le départ d’Enrico de chez Philips pour rejoindre l’équipe de Trema fondé par le duo Régis Talar et Jacques Revaux. Ce changement de maison de disque marque la fin d’une ère et le début d’une nouvelle expérience au sein d’une cellule qui, loin de lui être étrangère, lui permet de travailler comme en famille.
Sans omettre Claude Morgan qui lui a écrit « Les étrangers » l’année précédente, le second évènement est l’arrivée de Didier Barbelivien dans le staff des auteurs d’Enrico. En effet, ce grand artiste commence magnifiquement sa collaboration avec notre chanteur en lui signant dès 1980 des titres très importants tels « La France de mon enfance », « Le juif espagnol » ou encore la musique de « Pour toutes ces raisons, je t’aime » qui deviendra l’hymne à l’amour dédié à Suzy. Cette collaboration lui permet aussi de créer « Le mendiant de l’amour » qui, depuis 1995, clôture chaque tour de chant à l’Olympia.
L’année suivante, Didier Barbelivien est à l’origine de nouveaux succès dont, entre autres, « C’est une femme », « L’instituteur » ou encore « Je porte plainte contre mon cœur ». Mais qui est plus à même de traduire les sentiments d’Enrico que Jacques Demarny ? Fin 1981, il met en musique un texte en hommage à Anouar Al Sadate qui vient d’être assassiné, « Un berger vient de tomber », né de la douleur d’Enrico dont la plume a glissé spontanément pour donner naissance à une merveille de rimes uniformes. À la suite de l’assassinat de Yitzhak Rabin en octobre 1995, il refusera de faire une autre chanson estimant que c’est un autre berger qui vient de tomber.
L’année 1982 est marquée par la sortie d’un single comprenant « Une fille à marier » et « Il avait raison », mais l’évènement le plus important cette année là, c’est le passage à l’Olympia pour fêter ses 20 ans de carrière, un spectacle grandiose classé par thèmes (Chansons souvenirs, chansons enfantines, tableau Israélien, tableau oriental) et présentant pour la première fois « Sur le même bateau ». Il s’ensuit une longue tournée à travers la France et à l’étranger.
Fort de son succès de l’Olympia 1982 qui sort en vidéo l’année suivante, Enrico poursuit ses tournées durant l’année 1983 qui s’achève avec la sortie d’un nouvel album dont le principal titre est « Un homme comme toi » mis en musique par Jacques Demarny et qui reprend le générique de « Jeux sans frontières » émission culte du grand Guy Lux.
En 1984, c’est Jacques Revaux qui rejoint l’équipe pour collaborer dans « Générosité » et « Je n’ai pas vu mes enfants grandir ». Ces deux titres figurent sur l’album sorti la même année qui comprend également « Luther King » et « Le fusil rouillé ». Sur le texte de Claude Morgan et la musique d’Enrico et Didier Barbelivien, c’est Roger Loubet qui affine les arrangements de « Constantina ». Sûrement la plus belle chanson de l’album qui, avec « Je n’ai pas vu mes enfants grandir », sera rééditée sur un single en début d’année 1985.
Quelques temps plus tard, c’est le passage à l’Olympia où Enrico chante en compagnie d’Astrid et Lionel Teboul. En dehors du fait qu’il soit un grand guitariste, Enrico est un mélodiste confirmé. Il nous en fait la parfaite démonstration avec « Mon chanteur préféré » qui sera le titre de l’album sorti en 1986.
Il y allie improvisation au luth (l’instrument de Raymond), prières et malouf, l’ensemble décliné au sein d’une belle mélodie orientale pour célébrer un vibrant hommage à son père spirituel. Le malouf étant à l’honneur dans cet album, il reprend également les notes d’une vieille valse traditionnelle pour l’apposer sur un très joli texte intitulé « Jouez guitares ».
Une autre reprise vient s’ajouter à ces 10 titres. Il s’agit de « Quand j’étais tout petit » qu’il a chanté avec Lionel Teboul lors de l’Olympia 85 mais réadapté avec un texte « chronologique » retraçant en quelques points sa merveilleuse histoire d’amour avec Suzy. « Aime-moi, je t’aime » est un nouvel hommage qu’il rend à celle qui est tout à la fois l’épouse, la mère de ses enfants, la confidente, l’amie fidèle, en un mot la moitié indissociable de Gaston.
À nouveau sur les routes pour une longue tournée nationale et internationale, il sort en 1987 une compilation de 17 titres qui fêtera ses 25 ans de carrière. Laissant progressivement place aux « compact discs », les vinyles commencent dès 1988 à disparaître. Après un premier essai avec « Mon chanteur préféré » en 1986, Trema édite le premier CD d’Enrico comportant plus de titres que le 33 tours éponyme, pour consacrer et immortaliser le grand succès de l’Olympia 1989.
C’est ainsi que commence l’année 1990 pour notre chanteur. Elle s’achèvera en le plongeant dans un nouveau projet qui verra le jour l’année suivante. Paix, cause féminine et cosmopolitisme caractérisent ce nouvel album avec des titres comme « Les enfants d’Abraham », « Les femmes de pardon » ou « Paris voyage ». Des airs gitans et surtout de la musique orientale viennent l’agrémenter dans de très belles compositions comme « Come on bye bye » et « Gitano ».
La même année, plusieurs singles reprennent quelques titres de cet album mais en créent d’autres tels « Un amour, une amie », « Ma guitare à mon fils » ou « Pour ton mariage ».
En 1992, c’est la sortie dans les bacs d’une compilation de 11 titres intitulée « Pour ton mariage » et qui reprend les principales chansons de l’année précédente. Dans un esprit très convivial et festif, Enrico fête ses 27 ans de carrière à l’Olympia et Sylvain, Jean Claude et Jocya y sont à l’honneur pour chanter respectivement: « Le violon de mon père », « Ma guitare à mon fils » et « Pour ton mariage ».
Puis, c’est la sortie en 1993 d’un superbe album intitulé « A Suzy » dans lequel on peut apprécier la chanson qui a donné son nom à cette œuvre. Enrico y chante aussi la triste histoire de la chasse des juifs et des arabes d’Espagne et rappelle ce malheureux exode des deux communautés sous le titre « les clés de Tolède ». La nostalgique « Rien n’a changé », « Nous les Africains » et « Dieu de l’espérance » sont d’autres titres qui figurent sur ce CD.
Entre plateaux de télévision et quelques représentations en France, l’année 1994 s’achève avec la sortie du célèbre « Le meilleur d’Enrico Macias », un choix subtile de 19 de ses anciens titres avec en inédit, « Enfants de tous pays » en Italien.
Après la classique chanson française, le disco, le cha-cha-cha et quelques autres genres musicaux, c’est le reggae qu’Enrico expérimente en 1995 dans un hommage à Johnny Halliday. « Et Johnny chante l’amour » est le titre de cet album dans lequel il met en musique un cri du cœur destiné à Suzy intitulé « Parle moi de toi ». « Papy », « Brésil » et « La dernière prière » expriment ses sentiments sur la nostalgie, le voyage et la paix. Enfin, « Le chanteur de la famille » est un clin d’œil à Raymond bien-sûr mais aussi à la tradition festive des familles.
Du 2 au 21 Novembre de cette même année, c’est l’incontournable passage à l’Olympia où il triomphe sous la direction de Pino Latucca et avec les arrangements de Jean Claudric. La choriste Laurya Lammy fait une prestation très remarquée à ses cotés et, avant d’entamer le final dans lequel il regroupe « L’oriental », « El porompompero », « folklores arabes » et « Le mendiant de l’amour », c’est au tour de Deborah Morgan de faire son apparition sur scène pour l’accompagner dans « La dernière prière ».
Cette même année, Jacques Demarny devient président de la Sacem et à la même période Enrico est invité à New York par Boutros Boutros-Ghali qui lui explique que dans le cadre des programmes humanitaires de l’ONU, il a l’idée de créer un nouveau corps diplomatique qu’il nommera « Messagers de la paix ». Son remplacement par Kofi Annan n’écarte pas cette idée et en Juillet 1997, Enrico rejoint Michael Douglas, Barbara Hendricks, Muhammad Ali, Luciano Pavarotti……dans cette mission, au service du secrétaire général, pour la paix et les droits de l’enfance.
Occupés par leurs nouvelles responsabilités, et n’étant donc plus libres de consacrer beaucoup de temps à l’écriture, Enrico Macias et Jacques Demarny marquent un ralentissement dans leur élan créateur. Regis Talar produit donc en 1997, sous l’étiquette d’Europe 1, un double album de 32 titres des meilleurs succès en version live à l’Olympia de 1964 à 1995. C’est ainsi que, pour la première fois, on peut écouter ces enregistrements améliorés par la nouvelle technologie numérique. Trois merveilleuses reprises viennent compléter ce produit. Ce sont l’expression du profond respect d’Enrico pour 3 monstres de la chanson...
tags: #le #fusil #rouille #enrico #macias #analyse