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Dans les années 1930, les relations européennes sont tendues, marquant le début d'une course à l’armement naval entre la France et l’Angleterre d’un côté, et l’Allemagne et l’Italie de l’autre. Année après année, chacun enfreint les traités de Washington et de Londres sur la limitation des armements navals. En France, la menace est prise au sérieux.

Apparu au milieu du 19e siècle, le cuirassé est un navire de guerre symbole de pouvoir et de domination navale. Alors que le Richelieu se construit à l’arsenal de Brest, la construction du Jean Bart, deuxième de la série, commence aux Ateliers et Chantiers de la Loire de Saint-Nazaire en décembre 1936. Le chantier de Penhoët voisin participe lui aussi à cet ambitieux projet.

Le 6 mars 1940, le navire est mis à flot pour son achèvement dans la forme de construction qui prendra son nom. En mai 1940, l’Allemagne lance une grande offensive contre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Les frontières sont menacées. En quelques semaines, c’est l’invasion.

L'Évasion de Saint-Nazaire

Le 18 juin 1940, alors que les troupes allemandes sont aux portes de Nantes, la construction du Jean Bart n’est pas achevée. Fleuron de la Marine française, le navire doit échapper aux mains de l’ennemi à tout prix. Il doit quitter Saint-Nazaire.

Les chantiers accélèrent sa construction. Pendant un mois, 3 500 ouvriers se relaient jour et nuit. La tranchée devant permettre sa sortie jusqu’à l’estuaire fait l’objet d’un creusement acharné. Sans elle, pas d’évasion.

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Le 18 juin 1940, tout s’accélère. Le compas gyroscopique, instrument de navigation indispensable, est livré à 19h. La mer sera haute le lendemain matin à 4h. Cette courte fenêtre est la seule chance de sortie. Les remorqueurs de la Compagnie Générale Transatlantique et les pilotes de Loire sont prêts. L’ordre est de gagner le Maroc.

À l’équipage de 375 marins et aux trois douzaines de soldats territoriaux s’ajoutent 159 ouvriers réquisitionnés pour parachever le navire pendant le voyage. Le cuirassé atteint Casablanca le 22 juin, entier.

Attaques et Modernisation

Malgré cette fuite héroïque, le Jean Bart est de nouveau attaqué à son arrivée dans le port marocain. Cette fois, l’agresseur n’est pas allemand mais américain. Les Alliés, redoutant que la France ne livre sa flotte à l’ennemi, préfèrent la bombarder.

Il faut attendre la Libération pour que le cuirassé rejoigne Brest pour être enfin achevé. En 1953, sa mise en service officielle sonne faux, le Jean Bart est déjà obsolète face à l’avènement des nouveaux géants des mers militaires : les porte-avions.

Le Nord-Caper : Un Chalutier Réquisitionné

Construit et lancé par les chantiers de Dunkerque en 1907, le Nord-Caper est un chalutier, parfois aussi désigné « goélette à vapeur ». Ce navire de 418 tonnes et de 46 mètres de long, propulsé par une machine de 690 chevaux, porte fièrement le nom d’une baleine des côtes norvégiennes et islandaises, chasseuse de hareng, imposante et agressive.

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Ce navire est initialement basé à Arcachon, exploité par la « Société des Pêcheries du Golfe de Gascogne » pour des campagnes sur le grand banc de terre-neuve l’été, et à l’approche des côtes africaines l’hiver. L’équipage perd un homme au cours de cette campagne : le cuisinier Julien Leclere, né à Dinan en 1869, est porté disparu en mer.

En 1910, le Nord-Caper aborde accidentellement un navire anglais qui est coulé. Le chalutier est vendu en 1911 à la Société « La morue française » de Boulogne.

On loue les qualités de ce navire : « De même que le Nord-Caper baleine, le Nord-Caper chalutier était lourd, agressif, coriace, endurant. Il pouvait aller en Amérique et en revenir sans charbonner en route et sans prendre d’eau douce. Parmi la foule disparate des chalutiers, harenguiers, cordiers de la côte française, c’était un échantillon magnifique, un dreadnought de la pêche.

Il tenait la mer comme un grand cétacé, ne craignant ni les coups de tabac, ni l’abordage des icebergs en dérive, magnifique à voir, sur sa route de retour, campagne de pêche terminée, soutes pleines, enfoncé jusqu’au plat-bord. Tel un grand buffle chargeant, à travers la jungle, il fonçait à onze nœuds dans les plus hautes lames, sans daigner les escalader, les écartait d’un coup d’étrave formidable et, sans perdre une parcelle de sa vitesse, passait.

Furieuse d’être ainsi bousculée, la mer s’abattait sur lui de tout son poids, sans arriver à crever son pont, à arracher ses panneaux, à tordre ses rambardes.

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Après le début de la Grande Guerre, comme les chevaux pour l’Armée, de très nombreux navires civils vont être réquisitionnés par la Marine pour servir de bâtiments auxiliaires. C’est le cas notamment des chalutiers de Boulogne. Le Nord-Caper est réquisitionné le 11 décembre 1914, d’abord affecté comme « arraisonneur » à Calais puis inscrit le 19 août 1915 sur la liste de la flotte comme « aviso auxiliaire », basé à Brest.

Le lieutenant de vaisseau Pierre Bouchard en prend le commandement le 22 août 1915. Ce commandement sera malheureusement de courte durée : l’intéressé est victime d’une violente chute le 23 septembre dans la cale du navire. Le premier commandant du Nord-Caper, le lieutenant de vaisseau Pierre Bouchard, trouve la mort suite à un accident à bord le 23 août 1915. Il sera porté mort pour la France.

Le lieutenant de vaisseau Edmond Lacombe le remplace dès le 24 septembre au commandement de l’aviso auxiliaire. Le nouveau commandant est un officier expérimenté : issu de l’école polytechnique en 1896, il fait le choix d’une carrière dans la Marine. Il sera notamment affecté sur le cuirassé le Charles Martel en Méditerranée, puis sur le croiseur le Descartes à bord duquel il effectue une campagne en Extrême-Orient. Il retrouvera ensuite la métropole sur les cuirassés le Carnot puis le Jauréguiberry puis, breveté torpilleur, sera nommé second de l’Espadon, avant de rejoindre le Cassini.

En mer comme sur terre, on comprend en 1915 que la guerre ne sera pas courte comme espéré, mais s’installera dans la durée. Au blocus allié se mettant en place sur les côtes européennes, l’Allemagne répond par la guerre sous-marine. Au cours de l’année, cette menace sous-marine allemande s’étend en Méditerranée, mettant en péril le commerce allié. Les torpilleurs français et britanniques en Méditerranée sont insuffisants à protéger un aussi vaste espace maritime.

Le chalutier atteint Malte le 20 octobre 1915, venant au mouillage à la Valette près des cuirassé la France et la Vérité, ainsi que du croiseur Châteaurenault. L’aviso y reçoit ses ordres : il est affecté à la « division des chalutiers de la mer Egée », basée à Milo. Il aura bien pour mission de se renseigner sur les bases de ravitaillement des sous-marins et d’orienter les torpilleurs qui escortent les convois.

L’équipage n’aura pas le temps de profiter de l’escale, la situation est urgente : une vingtaine de navires de commerce ont été attaqués pour le seul mois d’octobre 1915, seize ont été coulés. Le dimanche 24 octobre, le chalutier repère à la mer deux canots portant des naufragés. Ces canots portent le nom du navire l’Amiral Hamelin, coulé quelques jours plus tôt par un sous-marin actif dans le secteur.

Le Nord-Caper est en vue des côtes crétoises le 4 novembre. Le 7 novembre au matin, passant le feu de Sidero à l’extrémité Est de la Crète, le navire va rencontrer un adversaire inattendu : une voile est repérée sur bâbord, il s’agit d’une goélette que l’on soupçonne de se livrer à la contrebande de guerre.

Le commandant fait mettre au poste de combat pour préparer une visite, et un canot est mis à la mer pour inspection. On aperçoit soudain à la jumelle des uniformes ottomans sur le pont du navire. Le rapport de force est en défaveur du Nord-Caper, mais il est trop tard pour rappeler le canot. Pour lui venir en aide, le lieutenant de vaisseau Lacombe décide de profiter de l’effet de surprise pour monter à l’abordage.

L’assaut est furieux : le commandant fait tirer à bout portant un coup de la pièce de 47 mm en enjoignant ses hommes à prendre d’assaut le navire ottoman. L’iconographie illustrant les récits de l’événement montre des sabres et haches d’abordage, rien n’est moins certain.

Il semblerait que les marins français ne disposent que de quelques revolvers et fusils, s’armant pour le reste de leurs couteaux et de massues improvisées, dont une barre de cabestan brandie par un matelot : « Dur réveil pour les gradés et les soldats turcs entassés autour du grand mât ! A grand coups de bottes ou de sabots, nos hommes piétinent le tas de corps couchés. On dirait une meute de dogues à la curée.

Les cinq hommes armés de fusils abattent à coup de crosse tout Turc essayant de se lever. Les deux canons du Nord-Caper sont pointés vers ce grouillement humain que le mégaphone semble aussi menacer, tel un tromblon prêt à cracher la mitraille. C’est la surprise dans toute sa beauté. Les malheureux Turcs n’y comprennent goutte, ils voudraient bien que quelqu’un leur donnât un ordre. […] Mais Lacombe emploie la bonne tactique : séparer les chefs de leurs hommes. […] Surexcités par la lutte, les matelots se ruent.

Près du gouvernail, la mêlée est telle qu’aucun des chefs turcs n’ose tirer. Les Français cognent dru. Ils sont à leur affaire. Comme à l’âge d’or de la course, l’audace et la surprise font leur effet, et la résistance ottomane cesse rapidement. A un contre quatre, les matelots du Nord-Caper se sont rendus maîtres de la goélette. Le second maître fourrier Yves Marie Guilloux désarme les prisonniers turcs. La cargaison est saisie, et la goélette coulée.

Le Nord-Caper parvient finalement à Milo le lendemain. Prévenue de l’exploit de la veille, une foule se presse sur les quais pour accueillir l’équipage. On ne reste à Milo que le temps de décharger du matériel, avant de repartir pour Malte où doivent être conduits les prisonniers. On porte une attention toute particulière à leurs conditions de détention, aussi la traversée s’effectue-t-elle sans incident. Le lieutenant de vaisseau Lacombe a fait mettre en sécurité les effets personnels des détenus, et les échanges sont cordiaux.

Par décision du ministre de la Marine, le grade d’officier de l’Ordre de la légion d’honneur est proposé par procédure extraordinaire pour le lieutenant de vaisseau Lacombe le 5 décembre 1915 : « M. Le navire et son équipage sont cités à l’ordre de l’armée navale le 23 janvier 1916. Le bâtiment se voit à cette occasion accorder le droit d’arborer la fourragère aux couleurs de la croix de guerre 1914-18. Le 1er octobre 1916, le ministre de la Marine accorde à titre individuel la même distinction à tous les marins du Nord-Caper. Le Nord-Caper portera toujours fièrement la fourragère accrochée à sa cheminée lorsque, rendu à la vie civile en 1919, il poursuivra ses campagnes de pêche depuis La Rochelle. Le vénérable navire connaîtra en 1940 une nouvelle carrière militaire, réquisitionné par les Allemands et utilisé comme Vorpostenboot (patrouilleur) V1607.

Les Opérations du Jean Bart après la Seconde Guerre Mondiale

Le Jean Bart change d'autorité et rejoint l'Escadre basée à Toulon. Il prend la mer le 10 août pour une courte sortie d'essais, puis il est affecté au sein d'une importante formation navale avec Le Lorrain, au large des côtes algériennes.

Par deux fois, les 17 et 18 mai, il effectue de nombreuses sorties devant Morgat. Le 3 juin, il appareille de Morgat et gagne le Havre le lendemain, où mille visiteurs montent à bord. Le 11 à 8 heures, il est escorté par l'Escorteur d'Escadre Surcouf, et mis aussitôt vers sa destination. Le Surcouf prend le soin de débarquer le couple présidentiel.

Le cuirassé reçoit la visite des souverains danois le 19 mai et mouille devant Oslo le lendemain. Plus tard, il participe aux cérémonies de Rochambeau à Newport. Le Jean Bart appareille le 1er juillet vers Newport et arrive le 13 à l'aube, accueillie par la population new-yorkaise.

Il effectue de nombreuses sorties devant Morgat (15 octobre) et s'embosse à l'angle Robert le 17 octobre. À compter de ce jour, il fait partie du Groupe Ecole Sud (G.E.S.). Un exercice de lutte anti sous-marine a lieu sur le Jean Bart le 21 octobre, impliquant un Lancaster de l'aéronavale. Il visite Bizerte le 17 novembre, et Cannes du 18 au 21 novembre. Le navire est à plusieurs reprises en rade des Salins du 24 au 27 janvier pour des exercices de machines.

Il effectue des exercices du 25 au 28 et le 29 mai avec le destroyer Doxa. Des souverains grecs viennent en visite officielle en France, et la rencontre des navires se fait au large du Cap Camarat. Après cette visite royale, le cuirassé rentre à Toulon le jour même. À partir du 9, il reprend la mer pour le départ de la famille royale grecque. Il effectue de nombreux exercices des côtes d'Algérie.

Il visite Alger du 23 au 25 juin, Philippeville du 25 au 26, Bougie du 27 au 28, et Arzew. Il effectue de nombreux tirs contre avions du 16 au 19 octobre. Du 22 au 27 août, le cuirassé s'entraîne en rade des Salins. Du 27 au 29 septembre, il s'entraîne en rade des Salins. Le 26, il arrive après s'être livré à de nombreux exercices en mer.

Des légionnaires du Régiment Etranger de Parachutistes embarquent à bord, accompagnés par le Surcouf, Kersaint, Cassard, Bouvet et le groupe d'action anti sous-marine. Le Jean Bart franchit le canal de Suez que Nasser vient de nationaliser, et arrive à l'aube du 4 (la traversée a été effectuée à 25 noeuds). Les troupes qu'il a à son bord sont transférées sur les navires de la force amphibie.

Il revient à terre le 13 après une escale à Limassol du 7 au 9 Novembre. À cette dernière escale, son commandant saute sur une mine, et est obligé de passer le commandement à son second. Le Jean Bart effectue des réparations de ses chaudières et repasse au G.E.S. le 1er décembre. Le commandant du Jean Bart revient le 25 janvier. Il est mis au carénage dans le bassin Vauban sud du 29 mars au 2 mai. Il est aux Salins du 28 février au 6 mars.

Le Jean Bart est en manœuvres du 29 juin au 1er juillet. Au cours de celle-ci, toutes ses armes sont essayées. Ce sont les dernières fois que des canons de marine français tireront des obus de 380. Le Jean Bart est amarré à l'Angle Robert le 19 Juillet. Il reçoit la visite du personnel le lendemain. Il est placé en position « spéciale A » le 1er août 1957.

Le bâtiment est désarmé le 14 janvier 1970 et vendu en février sous le numéro Q466 aux Abeilles. Il est démoli à Brégaillon.

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