L’usage du pistolet à impulsion électrique est à nouveau mis en cause à la suite du décès d’un homme en Seine-Saint-Denis, vendredi 5 janvier 2024. La Défenseure des droits annonce à AEF info qu’elle va s’autosaisir de ces faits.
Le Taser X26 équipe majoritairement les forces de l'ordre depuis 2004. Le Taser X26 est le Pistolet à Impulsions Électriques, PIE, en dotation dans les forces de l’ordre française. Fabriqué par Axon, anciennement Taser International, il équipe les forces de gendarmerie depuis 2004 et de police nationale depuis 2008. Comme tous les PIE il rentre dans la catégorie B6 et est donc soumis à autorisation pour l’acquisition et la détention. Il y en aurait aujourd’hui 15.000 pour 240.000 forces de l’ordre.
Cette arme a deux modes : un mode «contact» et un mode «tir». Le premier permet d’utiliser l’arme au corps-à-corps. Dans ce cas, il ne provoque qu’une forte douleur. Le second, plus puissant, projette deux fléchettes sous forme d'électrodes, liées à l'arme par un fil long de plusieurs mètres. Ces fléchettes, quand elles entrent dans le corps de la personne ciblée, émettent une décharge électrique en moyenne de 1500 volts pendant un cycle d’impulsions de cinq secondes, sauf si le tireur décide de l’interrompre avant, d'après Cathy Robin, directrice France d’Axon, qui produit les Tasers. Une telle décharge permet de «neutraliser un individu (par) une sensation de douleur (ou par) la perte momentanée du contrôle du système locomoteur, pouvant occasionner la chute de la personne», indique une instruction du ministère de l'Intérieur publiée en 2014.
A l’aide de cartouche remplaçable il peut être utilisé au contact ou à distance avec une puissance de 50.000 volts et 2 milliampères par cycle de 5 secondes. Le Taser émet au départ une décharge électrique de 50 000 volts environ. Lorsque les deux ardillons touchent leur cible, le choc reçu est de moins de 2 000 volts, selon Axon, fabricant du Taser. La caméra Taser CAM HD est parfois intégrée aux modèles utilisés pour permettre l’enregistrement vidéo de chaque utilisation.
Depuis 2020, les forces de l’ordre sont aussi équipé du modele T7 d’Axon. D'après une source policière, le nouveau modèle dont les effectifs de police nationale sont progressivement équipés, le T7, permet des décharges plus intenses.
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Le Taser x26 utilise des cartouches à usage unique pour tirer les sondes qui une fois plantées dans la cible délivreront la décharge. Le fabriquant propose 3 cartouches différentes (plus une bleue d’entraînement et une orange pour des utilisations au combat). Classées par couleurs elles évoluent en fonction de la distance maximale de tir et de la puissance de pénétration. La France utilise la cartouche verte, il s’agit de celle ayant le plus de puissance pouvant atteindre 25 pieds soit 7,6m. La fabriquant rajoute que ces cartouches là « ont des capacités de pénétration supplémentaire pour aider à la rétention et diminuer les décollements de vêtements. » De son côté, pour le T7, la cartouche utilisée par la France permet deux tirs pour une distance de 7,6m à 1,22m.
Utilisé à distance avec ses cartouches, le Taser X26 est capable de stimuler les nerfs sensoriels et moteurs. Il se produit alors une incapacité neuro-musculaire, INM, qui entraine une forte contraction musculaire ainsi qu’une vive douleur paralysant temporairement la cible. Utilisé au corps à corps ce Taser ne provoque pas d’incapacité neuro-musculaire car il n’agit que sur les nerfs sensoriels.
Type de Cartouche | Distance Maximale de Tir | Puissance de Pénétration | Utilisation en France |
---|---|---|---|
Verte | 7,6 mètres | Élevée | Oui |
De fait, son usage est réglementé, et «soumis aux principes de nécessité et de proportionnalité», peut-on aussi lire dans ce document. Dans une réponse au Sénat en 2021, le ministère de l’Intérieur a spécifié les conditions d’usages du Taser, en évoquant une instruction datant de 2017 envoyée à la police et la gendarmerie. «Lorsque la décision de recourir au PIE s'impose, les agents tentent (...) de régler la situation par le dialogue avant d'utiliser, en dernière alternative, l'arme (...) Les policiers tiennent compte de l'état de la personne visée afin d'apprécier l'opportunité de l'usage du PIE.
Parmi les éléments à prendre en compte figure l'état de vulnérabilité de la personne.» Ainsi, les autorités ne doivent pas tirer au Taser sur des personnes dont les vêtements sont imprégnés de liquides ou matières inflammables, ni sur les individus victimes de saignements importants, les femmes enceintes ou les malades cardiaques. D’autres critères doivent être pris en compte, comme l’environnement entourant la personne, en cas de chute, et la distance : elle doit être de quatre mètres pour un tir et une visée optimaux. Les policiers doivent effectivement éviter de viser la tête et le cou pour limiter les risques de lésions et de malaise. Une fois le tir effectué, les forces de sécurité doivent «créer les conditions d’une récupération physiologique», d’après l’instruction.
Avant de tirer, le policier devra mettre en garde oralement la cible avant de la pointer avec le laser de l’arme. La tête et le cou ne doivent être visés. Il est également interdit de neutraliser avec le Taser les enfants, femmes enceintes et conducteurs de véhicule en mouvement.
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Interrogé sur la question, notre policier parisien affirme que le Taser est une arme «médiane» entre l'arme à feu - qui ne peut être utilisé par les forces de l'ordre qu'en cas de danger imminent pour la vie d'un policier ou d'autrui - et l'intervention physique.
Les enquêteurs de l’IGPN devront aussi déterminer si le recours au PIE dans l’affaire de Montfermeil s’est fait au titre de la légitime défense (lorsqu’un policier protège son intégrité physique), dans le contexte de l’état de nécessité (lorsqu’un policier accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde d’une personne ou d’un bien) ou au titre de la contrainte légitime (lorsqu’un policier veut contraindre l’auteur d’un crime ou d’un délit qui s’oppose à son interpellation). C’est uniquement dans le cadre de ces trois règles juridiques que l’usage du Taser est autorisé.
Légitime défense : art 122-5 code pénal. Utilisation de la force devant une atteinte injustifiée envers soit même ou autrui sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense et la gravité de l’atteinte. Etat de nécessité : art 122-7 code pénal. Contrainte légitime : art 122-4 code pénal et 73 code de procédure pénale.
Malgré tous ces contrôles, l'usage de cette arme non létale est critiqué par des associations de défense des droits humains comme Amnesty International, qui mettent en avant des cas anciens de décès liés à l'usage du PIE. En 2021, un homme ayant menacé un agent avec un couteau lors de son expulsion de son logement est décédé après avoir été atteint par une décharge au niveau du thorax. En 2013, Loïc Louise, 21 ans, avait trouvé la mort après avoir été touché par deux tirs de Taser - l’enquête n’avait toutefois pas conclu de lien entre le décès et le PIE.
Décrit comme non létale, le Taser n’en reste pas inoffensif pour autant. De nombreux rapports, enquêtes et institutions soulèvent des risques pouvant entraîner la mort. En 2007, le Comité de l’ONU contre la torture a même classé l’arme comme ‘une forme potentielle de torture’. Elle a mis en garde le Portugal lors de son achat de « Taser X26 dont les conséquences sur l’état physique et mental des personnes ciblées serait de nature à violer les dispositions de la Convention anti-torture de l’ONU ». Reuteurs a récemment réalisé une enquête sûr, à ce jour, 1081 décès suite à l’utilisation des PIE aux USA depuis le début des années 2000. L’ONG ACAT, Amnesty et le Défenseur des Droits ce sont plusieurs fois exprimés sur les risques de blessure grave ou de décès après une exposition aux PIE.
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Dans un rapport de 2008 (PDF), l'organisation avait répertorié 334 décès liés à cette arme aux Etats-Unis entre 2001 et 2008. L'ONG avait eu accès aux rapports d'autopsie de 100 victimes et observé que, dans 37 cas, "les médecins avaient mentionné l'usage d'un Taser comme cause ou facteur ayant contribué à la mort".
"L'argument utilisé pour les armes à létalité réduite est qu'elles ont été mises en service pour éviter aux agents du maintien de l'ordre d'avoir recours à des armes létales, expliquait à l'AFP au moment du salon Milipol Fanny Gallois, responsable du programme Libertés d'Amnesty international France. Mais on s'aperçoit qu'elles peuvent tuer quand elles sont mal utilisées ou par des personnes mal formées. Les pistolets à impulsion électrique sont d'ailleurs dans la ligne de mire de la rapporteure spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels de l'ONU.
La rapporteure insistait en outre sur la nécessité de former les membres des forces de l'ordre au repérage de "facteurs de vulnérabilité préexistants" chez les personnes visées par un PIE. "Certains types de comportements agressifs (...) peuvent être causés par des problèmes de santé mentale, la mauvaise compréhension d'une langue, des troubles auditifs, des déficiences visuelles, des troubles neurologiques du développement ou du comportement ou des difficultés d'apprentissage", listait-elle.
Ces polémiques n’empêchent pas les autorités d’utiliser toujours plus leur Taser. D’après les rapports annuels de l’IGPN, le PIE a ainsi été utilisé à 522 reprises en 2014, 1820 en 2018, 2349 en 2019, 2699 en 2021 et 2995 en 2022. Une hausse à «mettre en corrélation avec la multiplication par 20 du nombre de PIE en dotation entre 2014 (500) et fin janvier 2023 (9772)», précise l’institution. L'usage du pistolet à impulsion électrique par les forces de l'ordre a augmenté sans discontinuer. Cette hausse est à mettre en lien avec le nombre de pistolets à impulsion électrique disponibles. Entre 2014 et fin janvier 2023, le nombre de PIE en dotation a été multiplié par 20, toujours d'après l'IGPN.
En augmentation ces dernières années, l’utilisation de cette arme est conditionnée à une formation obligatoire de deux jours. L’IGPN a répertorié 2349 tirs de PIE en 2019 dont un décès (uniquement la Police Nationale) soit 29% d’utilisation en plus comparé à 2018.
Le nombre d’usages année par année du Taser en France, et le type d’utilisation privilégiée.
En 2022, 45% des utilisations ont été faites "dans un milieu fermé, pour l'essentiel, au domicile, au commissariat ou aux urgences hospitalières", précise l'IGPN, soulignant que dans la majeure partie des cas, il s'agissait d'"individus souffrant de troubles psychiatriques, alcoolisés ou sous l'empire de produits stupéfiants, de tentatives de suicide ou de différends familiaux ou conjugaux violents".
Comme le rappelle l'IGPN dans son dernier rapport annuel, la généralisation du pistolet à impulsion électrique à l'ensemble des services de police a commencé en 2007. Son cadre d'utilisation est défini dans une instruction du 2 août 2017, commune à la police et à la gendarmerie nationales, puis dans celle du 17 janvier 2022. "Le PIE peut être utilisé contre une personne menaçante ou dangereuse, dans le strict respect des principes de nécessité et de proportionnalité qui président à l'usage légal de la force", écrit l'IGPN.
Lors de l’interpellation qui a eu lieu à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), six policiers ont tiré pas moins d’une douzaine de décharges pour maîtriser un individu alcoolisé et menaçant, qui avait précédemment blessé au visage et mordu le doigt d’un agent dans une épicerie, d’après les premiers éléments de l’enquête. Selon une source proche du dossier, l’homme de 30 ans aurait été victime de deux arrêts cardiorespiratoires, avant d'être hospitalisé dans le coma, puis de décéder. Il est arrivé à l'hôpital en arrêt cardio-respiratoire. Un homme de 30 ans est mort, vendredi 5 janvier, à la Pitié-Salpêtrière à Paris, après avoir reçu la veille une dizaine de décharges de pistolet à impulsion électrique (PIE), à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Il s'était retranché dans une épicerie, dans la nuit de mercredi à jeudi. Selon le parquet de Bobigny, 18 policiers ont été mobilisés pour l'en déloger et dix d'entre eux ont utilisé leur PIE à plusieurs reprises.
Une enquête confiée à l’IGPN a été ouverte pour en savoir plus sur l’intervention des policiers. Elle devra notamment déterminer si l’usage du Taser était ici proportionné. Ce vendredi 12 janvier, le parquet de Bobigny a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire sur les circonstances de la mort.
A Montfermeil, le trentenaire était agressif au moment de l'intervention des forces de l'ordre, a appris franceinfo de source proche du dossier.
Mme Laure Darcos appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la nécessaire actualisation du régime d'emploi des pistolets à impulsion électrique par les polices municipales. Depuis plus de dix ans, cet équipement est utilisé par ces dernières pour sécuriser leurs interventions, que ce soit comme alternative à l'arme à feu ou en complément de l'armement des agents. Or, la doctrine d'emploi du pistolet à impulsion électrique est plus rigoureuse pour les polices municipales que pour la police nationale et la gendarmerie, qui n'ont pas obligation de procéder à une prise de vues systématique lors de son utilisation.
En vertu de l'article R511-28 du code de la sécurité intérieure, cette arme doit être dotée d'un dispositif d'enregistrement sonore et d'une caméra associée au viseur. Or, le fabricant américain du « taser » a cessé la commercialisation de la caméra associée au viseur depuis le mois de mars 2022, compte tenu de l'obsolescence technique de cette dernière. Les nouvelles générations de « taser » sont, quant à elles, directement interconnectées avec les caméras piétons des agents afin d'offrir une captation d'images de qualité supérieure et un champ de vision plus large. Cette situation risque donc de priver les policiers municipaux d'un équipement répondant aux obligations réglementaires françaises dans les années à venir, lorsque les stocks auront été épuisés chez le fournisseur.
Au regard de ce constat, et afin de fournir aux polices municipales un environnement de travail complet, moderne et sécurisé, il importe de modifier le code de la sécurité intérieure et d'autoriser l'usage des caméras piétons connectées aux pistolets à impulsion électrique. La réglementation prévoyait que les pistolets à impulsion électrique (PIE), utilisés par les agents de police municipale, devaient être équipés d'un dispositif d'enregistrement sonore et d'une caméra associée au viseur. La difficulté signalée dans la question, liée à la cessation de la commercialisation de tels équipements, a été portée à la connaissance du Gouvernement et, afin d'éviter que les collectivités se trouvent dans l'impossibilité de se procurer de nouveaux modèles de PIE, l'article R. 511-28 du Code de la sécurité intérieure a été modifié par le décret n° 2022-1409 du 7 novembre 2022, sa nouvelle rédaction permettant désormais aux collectivités de recourir à d'autres modèles de PIE, tout en conservant la garantie que représente l'enregistrement visuel et sonore des interventions avec cette arme. Ainsi, l'article R.
Depuis mai 2010 les Polices Municipales ont aussi droit à l’utilisation des PIE.
À chaque tir, 20 à 30 confettis sont éjectés de la cartouche. A chaque tir environ 20 à 30 confettis d’identifications AFID, confetti-like Anti-Felon Identification, sont éjectées. Chaque étiquette AFID est imprimée avec le numéro de série correspondant de la cartouche déployée, ce qui permet de déterminer quel utilisateur a déployé la cartouche en question. Cela vaut en tout cas pour le X26, majoritaire chez les forces de police ; son remplaçant, le T7, qui permet deux tirs au lieu d’un avant rechargement, ne contient pas de confettis, car «tous les évènements sont enregistrés dans la mémoire interne du Taser, ainsi que les N° de série des cartouches», nous précise Cathy Robin.
Également, l’utilisation des PIE pour les policiers municipaux est conditionnée au déclenchement d’un dispositif d’enregistrement visuel, comme l’affirme un décret du 7 novembre 2022. Les policiers nationaux et les gendarmes échappent toutefois à cette obligation depuis 2014, même si leur caméra-piéton peut être automatiquement activée lors d’un tir. «Ce n’est toutefois pas le cas pour l’heure car les forces nationales ne sont pas équipées de caméras-piétons Axon, précise Cathy Robin.
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