L’artillerie aborde un tournant capital : la poudre noire va remplacer, dans le combat, le bras de l’homme par la puissance incomparable d’une chimie de combustion maîtrisée par l’homme. Mélange détonnant de certains constituants, sous l’effet d’une flamme, la poudre à canon explose, libérant un projectile à plusieurs dizaines de mètres.
L’invention de la curieuse poudre n’a pu être que naturelle et sur les lieux où l’on a découvert le salpêtre et ses propriétés. Ce qui ne pouvait être fait ni en France, ni dans aucun autre pays européen, mais plus probablement dans certaines contrées chaudes, dans des vallées depuis longtemps occupées dont le sol est saturé de déchets organiques.
La saison des pluies provoque, sous terre, avec la chaleur, de fortes fermentations. Lorsque la saison sèche arrive, les eaux chargées de produits en dissolution, provenant de cette fermentation, remontent par capillarité jusqu’à la surface du sol. A l’air sec, ces eaux s’évaporent et déposent les sels dissous, parmi lesquels le salpêtre.
La surface du sol se couvre alors d’efflorescences salines qui forment une nappe blanche rappelant la neige, ou le givre. Puis le hasard faisant bien les choses, on peut imaginer qu’un jour quelqu’un ait eu l’idée d’en jeter au feu et ait la surprise de provoquer une étonnante incandescence. Il ne pouvait que recommencer... Des résidus de salpêtre ont du se mélanger , au bord de l’âtre, avec du charbon de bois réduit en poudre et ce mélange improvisé, remis au feu, a provoqué un premier feu d’artifice.
Si les historiens s’accordent pour situer l’invention du mélange explosif en Chine, la plupart divergent sur l’époque. Des traces écrites semblent attester qu’au VIIème siècle, sous la dynastie Tang, les Chinois emplissaient des tubes de bambou d’une certaine poudre, les transformant en lance-flammes. L’ingénieuse trouvaille aurait résulté d’une erreur de procédure : en mélangeant du salpêtre, du soufre et du charbon de bois, les médecins alchimistes chinois espéraient confectionner une mixture aux vertus médicales. En y mettant le feu par erreur, ils ont obtenu une combustion violente !
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Il semble bien que ce produit soit arrivé en Europe au VIIè siècle. On appelle ces nouvelles armes incendiaires les feux grégeois. Callinique, l’architecte (ingénieur) d’Héliopolis, aurait fait connaître à l’empereur Constantin Pogonate le secret de tels produits à base d’huile de naphte (donc sinon liquides du moins pâteux), dont le secret était dans le salpêtre.
En fixant ce tube à l’extrémité d’un long bâton on réalise un véritable lance-flammes qui terrorise l’ennemi sur lequel on dirige le jet de feu. Très tôt, les Chinois ont connu cette « lance à feu » (huo çang). Au Moyen Age, en France, cette arme qui pouvait remplacer le bâton à fer (la pique), fut appelée bâton à feu.
Avec une lance à feu ou tout autre objet analogue, les Chinois avaient tout naturellement constaté l’action des gaz qui fusent d’un récipient mi-clos dans lequel de la poudre brûle. Un tel engin est soumis à une force de réaction qui le pousse dans le sens opposé à la direction dans laquelle les gaz s’échappent. Il en résulte que, posé (ou lâché) par terre, cet objet s’agite en voltes rapides tout en jetant du feu. La force de réaction des gaz peut même être suffisante pour entraîner cet engin dans les airs.
Lorsqu’elles ne posaient pas des problèmes de transport, ce qui était le cas dans la Marine, les lances à feu que l’on vient de décrire pouvaient prendre de grandes dimensions. La « poudre » bien tassée dans un gros tube en bronze fermé à l’arrière, préparait l’abordage en lançant un puissant jet de flammes vers le bateau attaqué.
Les écrivains byzantins décrivaient ces « tubes en bronze placés sur la proue de chaque navire », chargés en feu grégeois, qu’on dirigeait sur les bâtiments ennemis. On donnait à l’extrémité ouverte de ce tube une forme effrayante de tête de gargouille qui, par une bouche largement ouverte, crachait le feu. D’où le nom de « bouche à feu » qui fut donné à ces engins dont on a des exemples dès le XIème siècle.
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Dans ce rôle, et dans les inévitables explosions imprévues qui s’étaient produites dans un de ces mortiers où on la préparait, la poudre noire avait révélé qu’elle pouvait projeter des objets avec une violence extraordinaire. Certains ont eu le courage de dompter cette violence pour lancer des projectiles. C’est au milieu du XIIIe siècle que, en France, on a commencé à le faire.
Vers la fin de la dynastie des Songs (1279), ces Chinois, ayant observé que leurs lances à feu projetaient parfois avec violence un paquet de poudre enflammée, avaient eu l’idée d’y glisser quelque caillou. Mais la résistance d’un bambou, même bien ficelé, ne permet pas de penser que le caillou ainsi lancé ait pu avoir une bien grande puissance.
Un manuscrit arabe découvert à la Bibliothèque de Saint-Pétersbourg par deux Français a permis de penser que, dès le XIIIe siècle, les arabes avaient imaginé divers propulseurs (medfaa) de balles ou flèches. Un de ces « medfaa » utilisait la poudre, mais sa description permet de dire qu’il n’était pas autre chose qu’un objet d’expérience, une sorte de jouet, qu’à cette époque Roger Bacon qualifiait les engins à poudre de « jeux d’enfants ».
De la fin du XIVe siècle au début du XVIe, l’artillerie à feu se substituera peu à peu à la vieille artillerie, celle des catapultes, des trébuchets, des balistes et des arbalètes. Mais pendant longtemps les deux systèmes cohabiteront, notamment en France.
Finalement, c’est au moine franciscain chimiste allemand Berthold Schwarz (1318-1384) que reviendra la paternité de la recette européenne de la poudre à canon dans la mémoire populaire. Les premières armes à feu exploitables apparaissent elles aussi au début du XIVème siècle. Un siècle plus tard, lors du Siège de Constantinople, des écrits attestent la présence de grosses pièces d’artillerie en bronze projetant d’énormes boulets de pierre.
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Les premiers canons à main, bâtons à feu, traits à poudre ou scopettes (1364) servent à effrayer les montures des chevaliers. La couleuvrine puis l'arquebuse à mèche (avec crosse et détente pour la mise à feu) annoncent le mousquet (1521), supplanté définitivement par le fusil à silex (1703), puis par les fusils à percussion (1807) et à aiguille et chargement par la culasse (1842).
Ces premiers fusils et pistolets à poudre noire étaient chargés par la bouche du canon avec de la poudre noire versée puis tassée. La balle précédée d'un calepin était ensuite insérée dans le canon, le calepin assurant une meilleure étanchéité et permettant donc de diminuer la fuite du gaz et d'améliorer la précision.
Au XVᵉ siècle, avec l'apparition de l'arquebuse, un nouveau système plus perfectionné est arrivé avec le bassinet contenant de la poudre servant d'amorce placé à côté du trou de mise à feu. En 1470, suite à l'invention de la platine à mèche et avec l'aide de la détente, la mise à feu devint automatique.
Au XVIᵉ siècle, la platine à rouet fit son apparition et fut une véritable révolution technique, mais trop coûteuse pour équiper l'armée. En 1550, en Europe, elle est remplacée par la platine dit à chenapan et la platine miquelet d'origine espagnole avec un système à silex produisant une étincelle sur une pièce métallique déclenchant le tir. Ensuite, la platine à silex fait son apparition sur les armes à poudre noire vers 1610, améliorant encore les performances avec une batterie et un couvre bassinet séparés.
Au XIXème siècle: Durant le XIXème siècle, un nouveau système de mise à feu a vu le jour : le système à percussion (marteau frappant l’arrière de la munition).
Aujourd'hui, l'utilisation des armes à poudre noire est devenue une passion et ces armes sont encore produites par quelques fabricants. Écologiquement, ce type d'armes est très intéressant, car il ne laisse pas de résidu ni de douille comme sur les armes actuelles.
L'univers de la poudre noire est vaste et complexe, mais il s'agit d'une des pratiques de tir les plus démocratiques qui soit. Tirer à la poudre noire, c'est bien plus que du sport, c'est comprendre l'histoire de son arme.
En France, les armes à poudre noire sont généralement classées en catégorie D, ce qui les rend accessibles sous certaines conditions. La vente est autorisée aux personnes majeures, sans besoin de permis de port d’arme. Cela s’applique uniquement aux répliques d’armes conçues avant 1900 (sauf si elles sont modifiées ou modernisées).
Pour choisir un revolver parmi tout les modèles existants, plusieurs critères sont à considérer. Tout d’abord le calibre, les plus répandus étant le .31, le .36 (environ 9mm) et le .44 (environ 11mm). On choisira également la conception : un revolver à carcasse ouverte, d’un style plus ancien (comme les Colt), s’entretient facilement, le nettoyage étant plus simple.
Parmi les marques, beaucoup sont italienne. Pietta sera un choix économique au bon rapport qualité-prix. Enfin, on choisira le type d’acier composant l’arme : l’acier inox résistera à la corrosion causée par la poudre noire, mais l’acier bronzé sera plus économique et plus discret.
Vous pouvez tirer avec une arme de catégorie D dans une propriété privée sous votre propre responsabilité. La poudre noire est inflammable, elle doit être stockée dans un récipient sécurisé et à l’abri de l’humidité et de la chaleur.
Comme la poudre noire est composée de soufre, salpêtre et charbon, il est possible d’en produire soi-même avec peu de moyens, en produisant son charbon et en récupérant soufre et salpêtre, en sac ou à l’état naturel.
Période | Événement |
---|---|
VIIIème siècle après J.C. | Invention de la poudre noire par les Chinois |
Dès 1150 | Intégration des systèmes à poudre noire dans les armements au Moyen-Orient |
1324 | Première utilisation en France de la bombarde |
XIXème siècle | Apparition du système à percussion |
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