Les livraisons d'armes à Israël, et plus particulièrement les fusils mitrailleurs, ont suscité de vives controverses et des réactions variées, tant au niveau politique que social. Ces controverses mettent en lumière les complexités des relations franco-israéliennes et les implications éthiques des ventes d'armes dans un contexte de conflit.
Ce mercredi, les dockers du golfe de Fos ont refusé de charger un conteneur « avec des pièces détachées pour fusils-mitrailleurs » à destination d’Israël. Le syndicat général des dockers CGT refuse de livrer ces armes, estimant qu’elles serviront « à l’armée israélienne pour continuer le massacre de la population palestinienne ».
Les dockers et portuaires du Golfe de Fos ne participeront pas au génocide en cours orchestré par le gouvernement israélien », fait savoir un communiqué de l’antenne locale de la CGT publié mercredi, indiquant que les salariés « ont été alertés par plusieurs réseaux » sur cette cargaison. Par ailleurs, un second communiqué de la CGT, diffusé ce jeudi en fin d’après-midi, évoque deux autres conteneurs découverts dans la journée, également bloqués.
« Il s’agit, selon nos informations, de tubes de canons fabriqués par la société Aubert et Duval à Firminy », précise l’antenne syndicale. Les dockers du port de Marseille-Fos refusent de prendre en charge plusieurs containeurs avec du matériel militaire fabriqué en France, et qui est supposé partir ce jeudi soir pour Israël.
Et d’avertir : « Si certains continuent à vouloir faire passer ce type de marchandises par notre port, alors nous répondrons autrement dans les jours et les semaines à venir en mobilisant l’ensemble des dockers et portuaires du golfe de Fos ».
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Ces travailleurs ont reçu le soutien de nombreuses personnalités politiques de gauche. « Vive l’engagement et la lutte des dockers de Marseille qui refusent de charger les pièces pour des mitrailleuses de Netanyahu ! Embargo maintenant sur les armes du génocide ! », a réagi sur X le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon. « Bravo aux dockers et portuaires du Golfe de Fos ! L’humanisme n’est pas à vendre », a également commenté Olivier Faure, le Premier secrétaire du Parti socialiste.
Au Sénat, ce sont les membres du groupe communiste qui se mobilisent pour afficher leur soutien. « Vu ce qu’il se passe dans la bande de Gaza, autoriser le chargement de cette cargaison reviendrait à faire des dockers des complices des massacres. Je comprends qu’ils s’y refusent. Il existe un devoir de réserve sur certains métiers, pourquoi pas sur celui de dockers ? », interroge auprès de Public Sénat Michelle Gréaume, sénatrice PCF du Nord, et vice-Présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Son collègue Jérémy Bacchi, sénateur des Bouches-du-Rhône, a été en contact avec les salariés du port de Fos. « Il existe une tradition historique chez nos dockers, au moins depuis la guerre d’Indochine. À savoir qu’ils se refusent à manipuler tout matériel servant à tuer », nous explique-t-il. « Et pourtant, ils ne se font pas trop d’illusions sur le fait que cette cargaison sera certainement repeinte, envoyée vers un autre port, pour transiter par trois ou quatre pays avant d’atterrir en Israël… »
Depuis des mois, des informations sur des exportations d’armes vers Israël se font jour. Publié sur le site d’investigation Disclose, une enquête fait état de « 19 palettes contenant 14 tonnes de pièces pour cartouches de fusils-mitrailleurs ».
Toujours selon Disclose, ils auraient été commandés par une filiale d’Elbit Systems, l’un des fournisseurs de Tsahal, l’armée israélienne. Mais toujours selon Disclose, ces deux derniers mois au moins deux autres cargaisons similaires à celle bloquée dans le port de Fos ont été envoyées par bateau depuis la France vers Haïfa.
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Selon une information de Disclose et du média irlandais The Ditch, un cargo de la compagnie israélienne Zim devait faire escale à Fos-sur-Mer ce jeudi 5 juin et repartir quelques heures après, chargé de 14 tonnes de pièces détachées pour fusils mitrailleurs. Un cargo israélien va faire escale, jeudi 5 juin, à Fos-sur-Mer, près de Marseille. Le Contship Era doit embarquer le même jour, et en secret, 14 tonnes de pièces détachées pour fusils mitrailleurs.
Utilisées pour relier entre elles des balles d’armes automatiques, elles ont été commandées par Israel Military Industries (IMI), une filiale d’Elbit Systems, l’un des principaux industriels de l’armement israélien. D’après notre enquête, c’est la troisième expédition de ce type entre Fos-sur-Mer et Haïfa depuis le début de l’année 2025. La première fois, le 3 avril dernier, le cargo Contship Era récupérait 26 palettes, soit près de 20 tonnes de marchandises, destinées à IMI, d’après des données maritimes confidentielles obtenues par Disclose et The Ditch. La seconde expédition a eu lieu le 22 mai.
En octobre dernier, Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, s’était expliqué sur les livraisons de ce type à l’occasion d’une audition au Sénat. « Les choses sont simples : pas de ventes d’armes à Israël de manière globale. Pour une raison simple : Israël est un grand concurrent des industries françaises et Tsahal n’a pas besoin des industries françaises », avait-il martelé.
Il avait toutefois reconnu la vente de « composants sur des systèmes défensifs », utilisés notamment sur le Dôme de fer, le système de défense aérienne d’Israël. « Ces systèmes ne peuvent pas être retournés contre qui que ce soit, il y va de la protection des civils », avait-il assuré. Quant aux pièces métalliques servant à relier les munitions des mitrailleurs automatiques, le ministre avait indiqué qu’elles étaient destinées au « réexport ».
En clair, les industriels israéliens peuvent uniquement les utiliser pour des assemblages envoyés à la revente, dans la mesure où l’armée israélienne ne dispose pas des licences autorisant leur utilisation.
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« Israël ne respecte pas les accords internationaux. Au regard du contexte, il est permis de penser que ce que nous leur vendons peut être utilisé dans la bande de Gaza », objecte Michelle Gréaume. Raison pour laquelle cette élue appelle à la prudence, et donc à la suspension des livraisons de tout type. Une position que ne partage pas le sénateur Christian Cambon, ancien président LR de la commission des Affaires étrangères. « Derrière les marchés, il y a des industriels, et derrière les industriels, il y a des emplois. Israël est menacé par plusieurs de ses voisins. Couper court aux livraisons de matériel, y compris défensif, risquerait de l’affaiblir », note-t-il.
Mme Gabrielle Cathala interroge M. le ministre des armées sur les livraisons d'armes françaises à l'État d'Israël, malgré les appels d'une trentaine d'experts des Nations unies à cesser ces livraisons en raison des crimes internationaux commis par Israël à l'encontre du peuple Palestinien. Plusieurs ONG (Médecins du Monde, Save the Children, Oxfam, Handicap International) considèrent que la France est en contradiction avec les traités internationaux qu’elle a signés en continuant à fournir du matériel militaire à Israël.
Amnesty International rappelait ainsi fin février, dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, que le Traité sur le commerce des armes stipule qu’un État signataire ne peut vendre d’armes à un autre État s’il a “connaissance […] que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, […] ou d’autres crimes de guerre”. Même chose pour la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Le 4 juin 2025, le média d'investigation Disclose révélait qu'un cargo israélien prévoyait d'embarquer quatorze tonnes de pièces détachées pour fusils mitrailleurs, fabriquées par la société française Eurolinks. Cette cargaison était destinée à l'entreprise d'armement Israel Military Industries. S'agissant de l'entreprise Eurolinks, cette dernière reconnaît même « qu'aucun contrôle n'a été réalisé par les services de l'ambassade de France à Tel-Aviv pour vérifier l'identité du destinataire final ».
Selon une enquête publiée mardi 26 mars des médias indépendants Disclose et Marsactu, « la France a autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d’au moins 100 000 pièces de cartouches pour des fusils-mitrailleurs susceptibles d’être utilisés contre des civils à Gaza ». Le porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée, Arthur Delaporte, a demandé pour sa part « que la France mette fin à toute livraison d’armes à Israël ».
À l’heure actuelle, le Parlement n’a pas de droit de regard sur les ventes d’armes, ce dossier reste une prérogative de l’exécutif, et le pouvoir de contrôle dont disposent les parlementaires sur le gouvernement viendrait rapidement se heurter au secret-défense, dans l’hypothèse d’une mission d’information ou d’une commission d’enquête parlementaire. En 2019, une initiative de ce type, lancée par les députés de La France insoumise sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, dans le cadre de la guerre au Yémen, n’a jamais abouti.
Depuis plusieurs années déjà, parlementaires de tous bords réclament un changement des pratiques, à l’image de ce qui existe déjà dans certains régimes parlementaires, notamment aux Etats-Unis et en Angleterre. « Les ventes d’armes reviennent à engager la France dans des positions internationales. Elles ne peuvent pas être le seul fait du président de la République ou du ministre des Armées », soupire le sénateur Jérémy Bacchi.
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