Ce portfolio aborde l’histoire militaire sous le prisme de l’enfance. Les objets présentés ici se font l'écho des implications que les guerres ont eu sur la vie des enfants. Entre éducation militaire des princes et utilisation par la propagande, les relations entre enfance et art militaire sont diverses.
Lorsque les princes laissent la place aux nations, que les guerres deviennent totales, les enfants du peuple deviennent à la fois un enjeu et un instrument : l'enjeu d'une éducation qui inculque l'amour de la patrie et le sens du sacrifice, l'instrument d'une propagande qui utilise leur image pour sensibiliser les masses. L'aspect martial était des plus importants dans l'éducation princière. L'usage de la force étant une des prérogatives de l'état, il appartient au souverain d'être sensibilisé au métier des armes. Cet apprentissage se faisait tant par la voie ludique que par la voie scolaire.
1Faire face : telle est la situation de Jules Ferry lorsqu’il fait voter la loi du 27/1/1880. Car tout reste à faire. Les idées de nation, de patrie, d’ordre, de discipline étaient étrangères à la majorité de la population française et l’Ecole a su insuffler un point de vue national dans des consciences régionales.
J. Ferry comble une lacune : le décret du 3/2/1869 avait oublié le primaire. Cette sollicitude pour l’école primaire est l’une des clés de la politique scolaire des républicains. En outre, le projet républicain veut faire de l’école primaire le symbole de sa politique d’émancipation des masses. La reproduction partielle des programmes de l’enseignement secondaire donne une respectabilité nouvelle à un formation jusque là jugée mineure. L’Ecole du peuple pour former le citoyen de demain doit forger précocement l’âme et le corps : c’est œuvre de justice et d’égalité.
4A plusieurs reprises, J. Ferry insiste sur la nécessité d’une conformation précoce de la jeunesse aux idéaux républicains. "Prenons l’enfant petit, pour lui apprendre et lui redire qu’il n’y a plus de nation sans la notion du devoir... pour incliner l’esprit des enfants aux choses militaires, prenons-le à l’âge où tout mouvement amuse, où toute impression porte et laisse sa trace". Et J. Ferry conclut : "Messieurs, pour apprécier les effets d’une éducation ainsi comprise, je vous ajourne à dix ans. Dix ans d’application des lois nouvelles, dix ans d’enseignement obligatoire et d’exercices militaires donneront à la France des générations viriles, raisonnables, saines d’esprit et saines de corps".
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La gymnastique vient donc "compléter utilement les études", tout en étant "un moyen très efficace d’assurer le bon fonctionnement de nos lois militaires". A défaut de trouver dans les pratiques d’activités physiques les contenus d’un enseignement attrayant et éducatif, elle s’impose, associée à l’instruction militaire pour se parer de ces deux qualités. Son introduction à l’Ecole répond donc à un projet politique qui suspend l’exercice du corps à l’atteinte de finalités socialement utiles. Elle est une culture physique, ou l’art rationnel d’exercer son corps, qui tient sa valeur éducative des buts qui lui sont assignés.
Si l’analyse des textes officiels permet de rendre compte aisément des finalités roboratrices et patriotiques, il convient d’en expliciter aussi les présupposés. Nous devons donc prêter attention à ces finalités, en ce qu’elles traduisent (dans les discours) les préoccupations d’une société à l’égard de sa jeunesse et définissent les conditions de sa propre pérennité. La gymnastique scolaire peut être référée à de multiples finalités : c’est question de critères. Nous n’en retiendrons que trois : entre 1880 et 1889, ces finalités fixent avec précision les attentes du législateur.
L’instruction militaire, dispensée de bonne heure dans les écoles, devait préparer les générations futures à la discipline qu’exigeait la Revanche. Ainsi l’Ecole et l’Armée, en tant que point de passage obligé de la jeunesse française, restaient les plus sûres garantes de l’unité nationale, en favorisant le brassage et la cohabitation des populations. Comme le souligne P. Chambat, "la dimension militaire n’est pas plaquée de l’extérieur ; elle est un élément constitutif du projet politique qui sous-tend le développement (de la gymnastique). La gymnastique révèle comment le discours républicain sur le peuple s’articule sur la guerre".
Dans ce cadre il convient d’élaborer une arme parfaitement adaptée à l’usage de l’instruction scolaire ainsi qu’à la taille moyenne des élèves-recrues. Dès lors, la société civile abreuvée et galvanisée par la presse et les politiques, prend une part importante à cet état d’esprit. Qu’il s’agisse de J. Mace invoquant la nécessité d’organiser la landwehr de l’enseignement, ou de J. Ferry, promouvant la grandeur de l’éducation militaire de la jeunesse, chacun s’accorde à voir là un moyen de rassembler la nation. travaillent sur le projet d’initier au plus tôt les citoyens au maniement des armes dans un contexte de « troupe » ou du moins dans un encadrement militarisé.
Le cahier des charges demande la sécurité de fonctionnement de l’arme, la ressemblance avec l’arme réglementaire (à savoir le fusil d’infanterie Gras modèle 1874 M80), un calibre similaire de 11mm adapté au tir réduit et enfin une adaptation de l’arme à la morphologie des tireurs (enfants de 11 à 13 ans). public, il est en effet plus rationnel de pratiquer ces formations dans un cadre organisé et maîtrisé, l’école primaire correspondant parfaitement à ces critères. Cette décision est complétée par des cours théoriques et patriotiques que peut recevoir la jeunesse de France.
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Plusieurs solutions ont été entreprises pour la réalisation de ces armes, la première fut la réutilisation de fusils Chassepot et de culasses de fusils Gras. La fabrication est estimée à 50.000 pièces réalisées entre 1880 et 1881. Les Manufactures d’Armes Nationales sont Saint Etienne, Tulle et Châtellerault, les marquages étant respectivement S, T, C 1881. La hausse est la réplique de celle du modèle règlementaire, cependant les distances sont fonction du calibre de tir réduit, à savoir 10, 20, 30 et 40 mètres.
L’arme ayant été testée est dans ma collection depuis quelques années, achetée à un particulier non collectionneur. Le canon est irréprochable, aucune trace de corrosion, a-t-il seulement déjà tiré ? Le rechargement de notre cartouche demande les jeux d’outils du 11 mm Gras. Le choix de la douille est crucial, n’ayant pas trouvé de source d’approvisionnements durable sur le marché. Le choix du projectile est simple et répond parfaitement aux besoins du tireur.
La loi du 28 mars 1882 met la gymnastique et les exercices militaires au nombre des matières d’enseignement des écoles primaires publiques de garçons.Tout établissement public d’instruction primaire ou secondaire ou toute réunion d’écoles publiques comptant de deux cents à six cents élèves, âgés de douze ans et au-dessus pourra, sous le nom de bataillon scolaire, rassembler ses élèves pour les exercices militaires pendant toute la durée de leur séjour dans les établissements d’instruction…
Ces fusils, devront présenter les trois conditions suivantes : n'être pas trop lourds pour l'âge des enfants ; comporter tout le mécanisme du fusil de guerre actuel ; n'être pas susceptibles de faire feu, même à courte portée. Le bataillon scolaire ne pourra être armé que de fusils conformes à un modèle adopté par le Ministre de la Guerre… L'instructeur désigné par l'autorité militaire peut être l'instituteur qui est souvent un sous-officier ou officier de réserve. Les fusils seront déposés à l'école… Pour les exercices du tir à la cible, les élèves des bataillons scolaires âgés de 14 ans au moins et que l'instructeur en chef aura désignés comme apte à y prendre part, seront conduits au stand ou au champ de tir et y seront exercés avec le fusil scolaire spécial…
L'engouement est certain parmi la population. L'idée de faire de l'école un centre de préparation et d'instruction militaire où les élèves apprendront le devoir, la discipline, le maniement des armes, le tir, apparaît comme une des clés du redressement national et un des moyens de préparer la revanche. Lors de sa fondation, et durant les premières années, elle est en phase avec la conception républicaine du patriotisme. La Ligue des Patriotes, est fondée le 18 mai 1882, par Paul Déroulède, Armand Goupil et Henri Martin qui en sera le premier président. Ses objectifs initiaux sont de mobiliser la jeunesse autour de la Patrie. Elle encourage la création de sociétés de gymnastique et de tir.
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L’autorité militaire, très jalouse de ses prérogatives, n’a jamais été, malgré son implication, très favorable à l’institution des jeunes bataillons (appelés également scolos). Elle s’inquiète de la cassure qu’il y a entre le moment où les enfants quittent l’école et leur accession au service militaire. Les milieux catholiques considèrent que l’activité des bataillons scolaires n’a pas d’autre but que de retenir les enfants le dimanche et de rendre difficile leur instruction religieuse. La ferveur du patriotisme scolaire s'essouffle.
Par arrêté du 27 juillet 1893, le ministre R. Poincaré, décide d’ajouter au programme des exercices militaires, pour les élèves âgés de plus de 10 ans du cours moyen et supérieur des écoles primaires publiques, le tir à 10 mètres à la carabine Flobert. Les instituteurs sont invités d’une façon pressante à donner cette instruction dans leur école ; il leur est demandé, s’ils n’ont déjà une organisation fonctionnant à leur satisfaction, de procéder à la création de petites sociétés scolaires de tir et d’y ajouter une section post-scolaire destinée à assurer la continuation des exercices dans les sociétés jusqu’au service militaire et même après. Depuis la mise en vigueur de la loi du 21 mars 1905 sur le recrutement de l’armée, la question de l’organisation pratique de l’enseignement du tir revêt un caractère d’urgence.
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