Le 19 juin 1767, sur les flancs du Mont Mouchet, dans le Massif Central, le chasseur Jean Chastel abattait une bête. La terreur s’achève en Gévaudan, après trois années d’attaques mortelles contre des humains. 250 ans plus tard, le Gévaudan est toujours marqué du sceau de la Bête et les enquêtes se poursuivent autour du célèbre mystère.
Je me souviens... C’est au cours du règne de Louis XV, dans les terres reculées de Lozère et d’Ardèche, qu’une tragédie sévit, faisant parler d’elle pendant des siècles à venir. Entre 82 et 124 personnes sont cruellement dévorées par une créature, dont le mystère reste encore entier à l’heure actuelle. Les théories sont nombreuses pour parvenir à identifier le profil de la bête. Est-ce un loup ? Est-ce une bête légendaire ? Cette bête est désignée dans la littérature et les archives comme la Bête du Gévaudan.
Les faits se déroulent dans un territoire couvrant les départements actuels de la Lozère et de l’Ardèche. Alors que des attaques d’une bête féroce sont déjà connues en 1763 dans le Dauphiné, c’est-à-dire dans les Alpes actuelles, il faut attendre juin 1764 pour trouver des cas similaires dans le Gévaudan. À Saint-Étienne-de-Lugdarès, le 30 juin, la bête tue une première personne, Jeanne Boulet, une jeune femme âgée de 14 ans, dont l’acte de sépulture mentionne qu’elle a été tuée par “la bête féroce”, ce qui témoigne de la terreur déjà installée bien avant ce premier décès.
La deuxième victime a le même âge que la première, plus d’un mois après, à approximativement 15 kilomètres de distance. Jusqu’en septembre, la bête fait d’autres victimes dans la même zone géographique. La terreur s’installe, les habitants sont terrorisés. À plus de 60 kilomètres de là, dans le village de Prunières, une jeune fille est tuée le 7 octobre. Le lendemain, deux autres attaques envers des jeunes vachers ont lieu à quelques kilomètres, des chasseurs voient la bête rôder et lui tirent dessus, la touchent, mais elle parvient à s’enfuir. En décembre, ce sont cinq autres personnes qui perdent la vie des suites d’attaques attribuées à cette bête sauvage.
À Chanaleilles, le 12 janvier, la bête du Gévaudan attaque un groupe de sept enfants, en blessant plusieurs mais ceux-ci parviennent à la faire partir. En février 1765, une fillette est partiellement dévorée au Malzieu-Ville. Le 14 mars, à Saint-Alban, une attaque est recensée sur trois enfants d’une même famille, leur mère Jeanne Jouve parvient avec un immense courage à éloigner l’animal. Son garçon âgé de 6 ans est gravement atteint de ses blessures, auxquelles il succombe quelques jours après.
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Le 1er mai, non loin de là, alors que l’animal s’apprête à attaquer un berger de 15 ans, ses deux frères lui tirent alors dessus par deux coups de fusil. Mais une nouvelle fois, il est blessé et a réussi à s’enfuir, et fera d’ailleurs une nouvelle victime le lendemain à Venteuges.
Le 11 août, Marie-Jeanne Vallet, âgée de 20 ans, est attaquée par la bête et lui plante sa lance, l’animal est blessé, mais parvient à s’effacer de nouveau dans les bois. L’évêque de Mende et comte de Gévaudan, Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré, lance le 31 décembre 1764 un appel aux prières et à la pénitence, que tous les prêtres du diocèse doivent énoncer aux paroissiens.
Loin d’être classées comme de simples faits divers, les attaques de la bête du Gévaudan font l’objet de nombreuses publications dans la presse du royaume et de la région.
Dès que les premières attaques ont lieu, l’inquiétude grandit et des premières battues sont organisées par Étienne Lafont et des chasseurs près de Langogne, mais s’avèrent vite insuffisantes.
Le régiment de Clermont-Prince du capitaine Duhamel alors dans le secteur des attaques sont envoyés en traque dès le 15 septembre, des paysans prêtent leur aide, mais personne n’aperçoit l’animal. D’autres battues sont organisées le 8 octobre, en vain. Duhamel et ses soldats, ralentis par la neige, n’ont effectué d’autres chasses qu’à partir du 11 novembre.
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Les États de Languedoc se réunissent alors le 15 décembre : une somme de 2 000 livres est promise à la personne qui tuera la bête. Un conseiller du roi envoie sur place le meilleur chasseur de loups du royaume, Jean d’Enneval, venu de Normandie, qui en a déjà tué plus de 1 200. En avril 1765, cette histoire qui dépasse les limites des faits divers, se répand dans le royaume et dans toute l’Europe.
Sur ordre du roi de France, le porte-arquebuse François Antoine est missionné en juin pour chasser ce qu’il affirme être un grand loup. Les opérations pour s’emparer de la bête, afin d’éviter qu’elle ne fasse de nouvelles victimes, sont nombreuses dans le vaste domaine du Gévaudan. Une bête semblable rôdait le 29 août 1765 autour de jeunes vachers dans le Bois Noir, le garde-chasse du duc d’Orléans parvient à lui tirer dessus, le cadavre sera retrouvé à plusieurs kilomètres. Les chasseurs pensent alors avoir éliminé la bête.
D’autres attaques ont encore lieu ! Le 20 septembre, François Antoine tire sur un grand loup près de Saint-Julien-des-Chazes qui l’attaque ensuite, c’est un garde qui parvient à achever le prédateur. François Antoine est officiellement celui qui a tué la bête du Gévaudan.
Alors que le calme semble être revenu, et que tout le monde croit la bête du Gévaudan morte, il se trouve que de nouvelles attaques sont recensées en fin d’année 1765 dans cette même zone de l’Aubrac. À Versailles, Louis XV ne veut plus entendre parler de cette bête cruelle que son porte-arquebuse a tué.
L’animal rôde toujours, mais est moins mobile qu’auparavant. En mars 1766, les attaques sont nombreuses, et continuent durant toute l’année. Jusqu’en 1767, on ne sait plus que faire, à part prier.
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Le paysan Jean Chastel participe à une nouvelle chasse organisée par le marquis d’Apcher, accompagné de plusieurs hommes. Il parvient à abattre une bête semblable à un loup le 19 juin 1767 à Auvers.
Les douze hommes qui accompagnaient le marquis se sont vus récompensés de 600 livres par Étienne Lafont.
Jean Chastel est vu comme un héros régional qui sauve le pays du fléau de Dieu.
Dès lors, plus aucune attaque n’est perpétrée dans la région.
Le Marquis d'Apcher (1748 - 1789) achète le fusil de Chastel peu après (cf. le certificat établi par Joseph Plantin, maire de Saint Julien des Chazes, pour l'abbé Pourcher le 4 décembre 1888): « … C'est le fusil qui tua la Bête du Gévaudan ... Lorsque le seigneur d'Apcher... apprit que l'artisan Jean Chastel avait tué la Bête (il) le fit appeler et lui glissa la pièce afin qu'il le laissa glorifier de l'honneur de lui l'avoir tuée. L'affaire n'a pu se passer en secret, se dévoila, et échoua... ».
Pierre Duffau, de Vereugues, commune de saint Julien des Chazes (Hautes-Loire) (cf. même document que ci-dessus): « … le défunt père Duffaud l'acquit directement à la déchéance de ce seigneur… ».
François Duffaud, petit-fils du précédent, a hérité du fusil.
Un poseur de voies au P.L.M. Mouton de Saint Julien des Chazes, achète l'arme pour le compte de l'abbé Pourcher début décembre 1888. (cf. Le prix payé fut de 22,50 francs.
L'abbé Pourcher est avisé de l'arrivée du fusil en gare de la Levade (Ardèche) le 7 décembre 1888, il en prend possession dès le lendemain.
Le mystère de la bête du Gévaudan reste entier. En effet, alors qu’une première bête est éliminée après avoir été reconnue par plusieurs victimes, les attaques ont continué ensuite. Donc y a-t-il eu plusieurs créatures de la sorte ? De quel animal s’agit-il ? Un grand loup, un chien-loup, une hyène, ou même un loup-garou ? Des rumeurs évoquent même un homme cannibale déguisé en bête, ce qui a propagé les craintes dans la région. En effet, bon nombre des victimes, très souvent des enfants, ont eu la gorge tranchée, pouvant faire penser à l’action d’un homme.
Difficile de dissocier le Gévaudan de sa mythique figure canine. À Saugues, le Musée fantastique de la Bête raconte à travers une vingtaine de scènes et une ribambelle de personnages, les grandes lignes de l’histoire. À la sortie, chacun y va de son commentaire : du « je t’avais bien dit que c’était un loup ! » au « les crimes ont été mis sur le dos de la bête ». Ici, on ne prétend pas apporter la réponse. « On est parti de faits historiques, mais personne ne sait ce que c’était, précise Blandine Gires, qui supervise le musée. Nous avons représenté une bête, mais cela ne veut pas dire qu’il s’agissait d’un loup ou d’un fou sadique. »
Homme, chien ou loup ? De l’autre côté du Gévaudan, Sylvain Macchi dirige le Parc à loups depuis 1995. Forcément, les visiteurs lui posent souvent la question. « Le loup n’attaque pas l’homme à moins d’être enragé, leur répond-il, et si l’on parle d’une bête, c’est qu’on n’a pas été en mesure d’identifier un loup. » Aussi, il évoque les possibilités des chiens ensauvagés, plus nombreux à l’époque, ou encore celle d’une hyène apprivoisée.
À travers la Margeride, théâtre de gigantesques battues, chacun a son idée. Tandis qu’une bête aux crocs acérés s’affiche sur les écrans du scénovision de Saint-Alban-sur-Limagnole, le guide local Robert Berthuis rejoint plutôt la thèse de l’homme. Certains accusent le comte de Morangiès, de l’une des plus grandes baronnies locales et qui participa aux battues. D’autres avancent un drame familial autour du frère de Jean Chastel, comme l’écrivain André Aubazac.
Suivant la description il ne s’agissait visiblement pas d’un loup mais » d’un énorme » mâtin » (chien dogue mâtiné d’autre chose, probablement de lévrier) aussi grand qu’un taureau d’un an avec de longs poils hérissés, une grosse tête, le poitrail large et blanc maculé de taches roussâtres, une crinière noire sur le dos allant de la tête à la naissance de la queue qu’elle avait fort longue et recourbée et qui battait ses flancs « .
Ce que le rapport Marin affirme, par contre c’est que l’animal tué par Jean Chastel n’était pas un loup : « Plusieurs chasseurs et beaucoup de personnes connaisseuses nous ont effectivement fait remarquer que cet animal n’a des ressemblances avec un loup que par la queue et le derrière : ses yeux ont une membrane singulière qui part de la partie inférieure de l’orbite venant au gré de l’animal recouvrir le globe de l’oeil. Si on excepte le fait que cela ressemble bougrement à une hyène rayée on voit que le loup, fort bien connu des interlocuteurs du Maître Marin, est largement disculpé par ce fameux rapport, l’une des rares pièces d’origine que l’on peut consulter ! C’était un prolongement des muscles inférieurs de l’oeil. Ces membranes servaient à recouvrir à volonté les deux orbites en se relevant et en se glissant par dessous les paupières. L’ouverture de la gueule était très grande, les dents incisives semblables à celle d’un chien, les grosses dents serrées et inégales, le col très large et très court garni d’un poil rude extrêmement long avec une bande transversale noire descendant jusqu’aux épaules. Le train de derrière ressemblant assez à celui d’un loup, excepté l’énorme grosseur, les jambes de devant plus courtes que celles de derrière, plus levrettées que celle d’un loup ordinaire et couvertes, ainsi que le devant de la tête d’un poil fauve, ras et lisse, précisément de la couleur de celles d’un chevreuil. L’animal avait sur la poitrine une grande tache blanche ayant la forme parfaite d’un coeur ».
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