L’utilisation des flash-balls et des lanceurs de balles de défense (LBD) demeure très décriée durant les opérations de maintien de l’ordre et de nombreuses blessures ont été causées par ces armes sublétales.
Les policiers et les gendarmes utilisent deux types de gomme-cogne ou lanceurs de balles de défense: le Flash-Ball pour les distances courtes et le LBD40 pour les distances supérieures à 20 mètres, deux armes dites sublétales classées en 4e catégorie.
Le Flash-Ball, marque commerciale déposée par la société stéphanoise Verney-Carron, a la taille d'un gros pistolet. Il est utilisée dans sa version "Super pro" (deux canons superposés) par les CRS et les policiers des BAC et les gendarmes des pelotons de sécurité et d'intervention de la gendarmerie (PSIG). Entièrement en métal, d'un poids de 1,55 kg et d'une longueur de 33 cm, l'arme est munie d'une sécurité et tire des munitions de calibre 44 mm. Elle est entrée en service officiellement en 1995 dans la police. La munition contient une balle en caoutchouc de 29 grammes de la "taille d'une balle de jokari", qui s'écrase sur la personne visée sans théoriquement la blesser. A 10 m de distance, cette balle fait l'effet d'un uppercut donné par un "bon boxeur", selon la société, mais le tireur ne doit en aucun cas faire usage du "Flash-Ball" à moins de 7 m, ni surtout viser la tête.
Le LBD40 est également une arme de 4ème catégorie et a été mis au point en 2008 après les émeutes de Villiers-le-Bel en novembre 2007, au cours desquelles des armes à feu avaient été utilisées pour la première fois contre les policiers. Fabriqué par la firme suisse Brügger & Thomet, il a été mis en service en 2009 avec une munition de 40 mm d'un poids de 95 g composée d'une douille en plastique et d'un projectile en mousse, selon Jean Couvreur, rédacteur en chef de la revue spécialisée Pro Sécurité. Ce type de lanceur à un seul canon s’utilise comme un fusil. Il peut être équipé d’une visée laser permettant un tir très précis jusqu’à plus de 40 m. Son projectile est plus lourd que ceux utilisés pour le 44mm : 68g. Les distances de tir pour lesquelles il a été conçu s’étendent sur une plage allant de 10 à 50 mètres.
Située de par sa forme entre le pistolet et le fusil à canon scié, cette arme, relativement peu encombrante, ressemble à un jouet ou à un fusil à eau. En utilisation classique, sa portée utile est de 12 mètres et son pouvoir d’arrêt est identique à une balle de calibre 38. À la différence d’une munition traditionnelle, cette boule de caoutchouc ne possède aucun pouvoir de pénétration, donc elle ne peut pas transpercer un objet comme la balle d’un Glock par exemple. À une distance comprise entre 7 et 10 mètres, c’est le K.O assuré. Son usage est fortement déconseillé en deçà de 7 mètres et l’on estime que l’impact peut causer de sérieuses blessures à une distance inférieure à 5 mètres. Cette arme conçue en 1990 a une force d’action limitée pour ne pas produire trop de dégâts sur sa cible. Mais, bien que le flash-ball ne soit pas conçu pour donner la mort, on ne peut pas négliger les sévères lésions que les balles de défense peuvent causer sur sa cible. Le flash-ball est une arme aujourd'hui reconnue et appréciée par les professionnels de la sécurité et les forces de l’ordre. Il peut également être utilisé à domicile pour une protection personnelle.
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Des instructions signées du directeur général de la police nationale et du directeur général de la gendarmerie nationale précisent que les lanceurs de balles de défense peuvent être utilisés lors d’un attroupement susceptible de troubler l’ordre public ’’en cas de violences ou voies de fait commises à l’encontre des forces de l’ordre ou si les forces de l’ordre ne peuvent défendre autrement le terrain qu’elles occupent’’. Le tireur est notamment censé ’’s’assurer que les tiers éventuellement présents se trouvent hors d’atteinte afin de limiter les risques de dommages collatéraux’’. Enfin, le tireur doit viser le torse ou les membres supérieurs.
Une instruction du 2 septembre 2014 précise l’emploi des armes dites de ’’force intermédiaire’’ (AFI) comme le pistolet à impulsion électrique (PIE), des lanceurs de balles de défense (LBD) de calibre 40 et 44 mm et de la grenade à main de désencerclement (GMD), dont sont dotés les services de police nationale et les unités de gendarmerie nationale. Selon l’article R. 434-18 du code de déontologie de la police nationale sur l’emploi de la force « Le policier ou le gendarme emploie la force dans le cadre fixé par la loi, seulement lorsque c’est nécessaire, et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace, selon le cas.
Dans un ’’rapport sur trois moyens de force intermédiaire’’ de 2013, le Défenseur des droits recommandait la restriction de leur utilisation et dans celui remis le 10 janvier 2018 au président de l’Assemblée nationale, Jacques Toubon allait jusqu`à recommander l’interdiction des lanceurs de balles de défense dans des opérations de maintien de l’ordre en raison des risques liés à la nature même d’une manifestation où les personnes sont groupées et mobiles. Il souligne que « Le point visé ne sera pas nécessairement le point touché et la personne visée pourra ne pas être celle atteinte ».
En janvier 2017, un policier a été jugé par le tribunal correctionnel de Marseille pour la mort d’un homme dans un foyer de travailleurs le 12 décembre 2010. L’accusé avait plaidé la légitime défense et la défense avait réclamé la suppression de ces armes. La Cour a relaxé les policiers pour les quatre autres manifestants blessés. Elle a en outre reconnu aux policiers comme circonstance atténuante la défaillance de la hiérarchie et son "absence d’instruction claire et précise" ce soir-là.
Aux termes d’un arrêt du 5 juillet 2018 (CAA Nantes, 5 juillet 2018, n°17NT00411) la Cour administrative d’appel de Nantes a enfin précisé le régime de responsabilité de l’État en cas de blessure. Il s’agissait d’un mineur blessé qui avait participé à une manifestation d’étudiants contre la loi LRU de 2007, et avait reçu une munition de type LBD 40x46 mm.
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Le maintien de l'ordre et de la paix civile nécessite l'usage de moyens de défense par les forces de l'ordre. En dehors de ces contextes, dans le cadre de la légitime défense, ils permettent aux fonctionnaires de se protéger eux-même et autrui. Notons au passage que la légitime défense ne concerne pas seulement les atteintes physiques, elle s’applique aussi aux atteintes aux biens et à l’autorité publique.
L'accroissement des violences urbaines en général et contre les forces de l'ordre en particulier, entraine un besoin d'évolution de leurs moyens de défense. nécessaire de tenir compte que le passage d'un LBD vers un autre, plus efficace, nécessite forcément la prise en compte des caractéristiques du nouveau matériel, la vérification de la possible évolution du potentiel lésionnel et, éventuellement, la définition d'une nouvelle doctrine d'emploi.
Pour illustrer cet exemple, nous prendrons deux LBD bien connus en France : Le Flash-Ball® de la société Verney-Carron et un lanceur de 40 mm moderne mais quelconque car, répondant aux normes militaires, les lanceurs de 40 mm sont tous de bonne qualité. Nous nous intéresserons, dans un premier temps, au principal projectile tiré par le Flash-Ball. Il s'agit d'un projectile sphérique en caoutchouc alvéolé d'une masse moyenne de 29 grammes et d'un diamètre d'environ 44 millimètres. Pour le lancer, un canon à âme lisse est suffisant. Le projectile a l'allure d'un petit ballon de football ou de handball. Rien d'étonnant à cela car, à l'origine, cette balle fabriquée en Chine, était destinée à des jouets.
La munition, de conception relativement complexe, présentait une forte dispersion en vitesse, donc en énergie cinétique et en quantité de mouvement. La précision devenait aléatoire au-delà de dix mètres, interdisant pratiquement un usage fiable au-delà de cette distance. De plus, le projectile relativement léger par rapport à son calibre perdait rapidement de sa vitesse et, corrélativement, d'efficacité. Cependant, ce LBD permettait de combler un vide important qui existait alors dans les moyens de défense des forces de l'ordre. En tant que moyen de force intermédiaire, il présentait un intérêt opérationnel indéniable dès lors qu'une évaluation sérieuse permettait de définir une doctrine d'emploi.
Beaucoup de critiques peuvent être émises vis à vis de la munition et du projectile du Flash-Ball, surtout en comparaison avec les munitions sophistiquées des LBD de 40 mm modernes. La sphéricité de ce projectile et son manque de rigidité, néfastes à de bonnes performances balistiques, présentent néanmoins un avantage sur le plan lésionnel : quel que soit le nombre de tours sur lui-même qu'il puisse réaliser sur sa trajectoire, la cible reçoit toujours la même sphère homogène.
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Les deux projectiles présentés ci-dessus ne sont pas sphériques. Ils sont stabilisés gyroscopiquement et sont tirés par des lanceurs dotés d'un canon à âme rayée. Ils sont tous deux inhomogènes. Ils sont composés d'un corps en matière plastique rigide permettant de répondre efficacement aux contraintes de la balistique intérieure, notamment la prise des rayures du canon dont leur ceinturage, réalisé dans la masse, porte les trâces. L'avant est constitué d'un matériau déformable jouant le rôle d'amortisseur. Les deux amortisseurs qui visent le même but sont cependant de natures différentes. L'amortisseur du projecile B est réalisé dans un matériau très alvéolé lui conférant une faible densité. C'est ce qui explique la position très en arrière du centre de gravité centre de gravité du projectile B . Le projectile A pèse 60 grammes. Avant même de réaliser des tests, on peut penser que la stabilisation du projectile B sera plus délicate que celle du projectile A compte tenu de la dimension et de la faible densité de l'amortisseur ainsi que de la position plus en arrière de son centre de gravité.
Les tirs sont réalisés sur de la gélatine balistique. La zône d'impact est protégée par des plis de poly aramide afin d'éviter la destruction de la gélatine. Cette protection correspond à un vêtement léger, mais présente l'avantage de ne pas se déchirer. Le projectile A atteint la cible sans obliquité mesurable. Le projectile B atteint la cible avec une forte obliquité due à un défaut de stabilisation. Il bascule lors de son interaction avec cette dernière. Une grande partie de l'impulsion de l'impact est transmise, de façon plus brutale, à la cible par le corps en matière plastique rigide.
Note importante : considérer qu'il y a un bon projectile et que l'autre est mauvais serait une erreur. En les examinant, on ne peut que constater qu'il sont tous deux bien conçus et qu'ils sont vraisemblablement les produits d'études sérieuses. La seule différence est que l'un est plus adapté que l'autre au lanceur qui les a tirés. On constate que la perte de vitesse est plus importante pour le projectile B que pour le projectile A. La différence de masse entre les deux projectiles ne permet pas de juger leur potentiel lésionnel directement à partir des décélérations. On évalue, à partir de ces dernières, les forces mises en jeu lors de l'interaction avec la cible.
Le pic de la force d'interaction du projectile B avec la cible dépasse de plus de 20 % celui du projectile B. En intégrant sur l'intervalle t2 - t1, on constate que la valeur moyenne de la force d'interaction est plus élevée pour le projectile A que pour le projectile B. L'impulsion moyenne due à la force d'interaction entre le projectile A et la cible, sur l'intervalle de temps t2 - t1, est supérieure de 30 % à l'impulsion du projectile B. Il n'y a pas de proportionalité avec leur masse respective car les deux projectiles impactent la cible de manière différente due à la forte obliquité du projectile B. Énergie cinétique perdue entre 0 et 350 μs : 115 J. On constate en comparant les paramètres caractérisant le potentiel lésionnel d'un projectile à effet contondant, c'est à dire l'énergie cinétique et la quantité de mouvement, que ceux du projectile A présentent des valeurs supérieures à celles du projectile B.
À ce stade des observations, seule l'instabilité du projectile B peut poser des problèmes en cas d'atteinte d'une région corporelle d'un individu peu protégée par des vêtements. Il est difficile de prévoir la nature exacte des lésions qui pourraient être générées au niveau des plans superficiels. Néanmoins, on pourrait craindre une effraction cutanée dépendant de la partie du corps du projectile qui entrerait en contact avec la peau. On observe également que le projectile A s'enfonce plus profondément dans la cible, comme le montrent les images ci-dessous. On peut ainsi s'attendre à des lésions plus profondes avec ce projectile.
L'analyse des images ci-dessus, montrant la profondeur d'enfoncement, donne une idée des organes qui pourraient être atteints par cette déformation et être éventuellement sujets à des contusions. Les images ne nous donnent aucune information sur la manière dont l'impulsion est transmise au delà de la région de déformation. Seule l'inclusion de capteurs de pression ou des accéléromètres pourrait nous apporter cette donnée importante. Notons que, lors de chocs mécaniques, les tissus mous ont tendance à se comporter comme des filtres passe-bas contrairement au tissu osseux qui transmettent mieux les hautes fréquences dont l'impulsion générée par le projectile B est plus riche.
En gardant à l'esprit qu'à une décélération du projectile correspond une accélération des plans anatomiques sous-jacents à la région impactée, on peut craindre qu'une décélération brutale comme celle du projectile B, puisse être susceptible de perturber le fonctionnement de certains organes, comme le cœur, sans que des contusions puissent être observées (commotio cordis). L'exemple que nous venons d'étudier montre les difficultés inhérentes au choix d'une munition adaptée à un LBD particulier. Parfois les règles des marchés conduisent à devoir changer de munition. Les conséquences peuvent être néfastes si l'on ne prend pas garde à l'adéquation entre l'arme et la munition.
Le passage d'un lanceur relativement simple, comme le Flash-Ball, à un LBD plus sophistiqué rend plus délicat le choix de la munition adaptée à l'arme. Si le mieux n'est pas toujours l'ennemi du bien, il peut rendre plus complexe la problématique. L'attitude (obliquité ou pas) du projectile au moment de l'impact peut changer radicalement, au niveau lésionnel, les conséquences d'un tir. Notons également qu'un projectile intrinsèquement stable sur sa trajectoire peut être déstabilisé par contact avec un obstacle durant son vol. Toute modification dans le couple lanceur / munition est susceptible d'entraîner des conséquences non négligeables.
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