L'histoire des relations entre la Suisse et la France est très attachante, surtout en ce qui concerne les troupes suisses au service de la France. Depuis la paix perpétuelle signée en 1516 par François Ier, ces relations ont été empreintes d'amitié cordiale, malgré quelques tensions momentanées. Ces troupes représentaient une tradition tangible qui ouvrait l'extrémité de notre frontière, troublée par les menées jalouses de la maison d'Autriche.
Un écrivain de grand mérite, M. Edouard Guillon, a exposé la partie de cette histoire qui s'écoule entre les années 1798 et 1815, concernant la domination consulaire et impériale. On regrette qu'il ne nous donne pas un tableau aussi net des rapports sous la monarchie.
Les annalistes militaires peuvent glaner abondamment dans ce que M. Guillon appelle l'histoire extérieure de la Suisse, notamment les incidents où les cantons confédérés mettaient leur opposition à la France en regard des traités qu'ils avaient passés. Ces contingents ont partagé les travaux et aidé les victoires de nos armées. Leur disparition coïncide avec nos premiers désastres. Il existe une confraternité d'armes fertile en incidents passionnants et glorieux.
Les premières troupes suisses entrées au service de la France y furent appelées par François Ier. Dès les guerres de religion, on remarqua leur solidité et leur bravoure. À Ivry, Henri IV enrôla dans sa propre armée celles qu'il pouvait payer, renvoyant les autres sans conditions. À Oudenarde, elles accomplirent de tels prodiges que le prince Eugène en fit compliment au duc de Biron. On connaît leur héroïsme à Fontenoy, et comment, au 10 août 1792, celles qui faisaient partie de la maison du Roi défendirent le château des Tuileries.
La journée du 10 août amena l'impossibilité de renouveler les capitulations. Les régiments suisses furent licenciés. Cependant, on versa dans les régiments de ligne ceux des soldats qui le voulurent, mais on renvoya tous les officiers. Le Directoire en revint purement et simplement aux capitulations anciennes, et le Consulat les élargit encore, pour les rendre semblables à celles de la monarchie. Il rétablit la charge de colonel général, qu'occupèrent successivement sous l'Empire le maréchal Lannes et le prince de Neufchâtel.
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La Suisse fournissait des soldats à presque toute l'Europe, y compris l'Angleterre, à tel point que le recrutement devenait difficile. Napoléon manifesta son mécontentement de ne les point avoir pour lui tout seul et au complet. Les autorités helvétiques se confondaient en protestations de dévouement et de soumission, mais leur impuissance ne changeait rien à la situation existante.
Napoléon éclata le 29 juin 1811, dans l'audience de congé qu'il donnait aux députés suisses venus le complimenter sur la naissance du roi de Rome, allant jusqu'à prononcer ces paroles menaçantes : « Quand j'aurais la guerre avec la Russie et avec l'Espagne, il me resterait encore 50 à 60 000 hommes à lancer sur la Suisse. »
La Diète, buvant la tasse, accorda tout ce qu'on voulut : les enrôlements pour l'étranger tolérés, ceux de la France encouragés et même ordonnés. Ainsi, aux débuts de la campagne de Russie, nous eûmes quatre régiments helvétiques au grand complet, ce qui ne s'était pas vu depuis les débuts de la Révolution.
L'Empereur avait le plus grand souci de ces troupes. Il connaissait la façon brillante dont ils avaient combattu en Calabre, en Andalouie, et savait qu'il pouvait compter sur eux. Ils moururent en masse à Polotsk. À la Bérésina, ils déployèrent un admirable courage, que Napoléon récompensa par l'octroi de soixante-deux croix de la Légion d'honneur.
Les jours sombres étaient venus, et avec eux la lassitude des lourds sacrifices. Les hécatombes de 1812 avaient dépeuplé les régiments, que la Diète ne se souciait pas de reconstituer. La Suisse rejetait un fardeau devenu trop pesant. Elle resta fidèle jusqu'à la dernière heure. C'est seulement le 15 avril 1814, après l'abdication de Napoléon, que la Diète délia les soldats suisses qui servaient sous les drapeaux de la France de leur serment de fidélité.
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Elle ne voulut pas davantage que ceux qui, à la première restauration, avaient renoué la chaîne, si brutalement rompue en 1792, et étaient entrés derechef dans la maison du Roi, cédassent, pendant les Cent-Jours, à l'entraînement qui jetait l'armée tout entière aux bras du revenant de l'île d'Elbe. Elle les rappela, jusqu'au moment où les Bourbons, rétablis pour la seconde fois sur le trône, reconstituèrent, dans la garde royale, ce régiment des Suisses qui, comme ceux du 10 août 1793, se fit hacher en 1830, sur les marches des Tuileries.
Dans ce résumé forcément très succinct d'une histoire qui eut des pages éclatantes, il y a bien des faits que M. Guillon met en lumière et qui sont, pour ainsi dire, en marge de son récit. Ainsi, le bataillon de Neufchâtel, levé dans la principauté de Berthier, était habillé de jaune au lieu du rouge qui fut toujours la couleur distinctive des troupes de sa nation. Cette disparité lui avait valu un sobriquet. Elle ne l'empêcha pas de se distinguer dans la campagne de Portugal et sur les champs d'Allemagne, en 1813.
Parmi les contingents bariolés que Napoléon traînait jusqu'en Russie dans son armée cosmopolite, canaris et écrivisses ont tenu une place assez honorable pour que nos troupiers d'alors leur aient fait dans leur estime une place à part.
Deux généraux, que nous donna la Suisse, furent parmi les plus braves : La Harpe, tué à Codogno, en 1796, à la tête de la division d'avant-garde de l'armée d'Italie. Reynier commanda à Leipsick le corps saxon et, rouge de honte et de fureur, se jeta devant ses soldats pour le retenir.
Un seul a fait tache, dans ce milieu de loyauté et de droiture, c'est Jomini, le transfuge de 1813.
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