Soixante ans après sa première visite, la Coupe du Monde repose ses valises en France. Pour la première fois, la compétition accueille 32 équipes au lieu de 24. Les Bleus vont entrer dans l'histoire en remportant leur premier titre mondial.
Attendue par tout un peuple, la finale face au Brésil va être à sens unique. Juste avant la rencontre, la rumeur court que Ronaldo, malade, ne jouera pas. L'attaquant brésilien est finalement sur le terrain mais se voit recadré - et envoyé en l'air - rapidement par une sortie de Fabien Barthez.
Zinedine Zidane, enfin à la hauteur de l'évènement, place deux coups de tête victorieux sur corner juste avant la pause. En seconde période, les joueurs français ne sont pas inquiétés même lorsque Marcel Desailly est expulsé à vingt minutes du terme. Dans une dernière contre-attaque, Emmanuel Petit donne de l'ampleur au score avec un troisième but.
Et 1, et 2, et 3-0 ! C'est l'explosion au Stade de France, l'apothéose. L'équipe de France est sur le toit du monde. On peut mourir tranquille.
Si Dennis Bergkamp face à l'Argentine ou Lilian Thuram contre la Croatie restent dans les mémoires, LE but du tournoi est l'oeuvre de Michael Owen. À Saint-Etienne, le jeune attaquant de Liverpool a explosé aux yeux du monde à seulement 18 ans grâce à un but d'anthologie face à l'Argentine. Lancé par Beckham à la 16e minute, Owen prend toute la défense de vitesse avant de battre Carlos Roa d'une magnifique balle piquée. Une star est née.
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Malheureusement, l'Angleterre devait s'incliner en 8e de finale lors de l'épreuve des tirs au but après l'égalisation de Javier Zanetti (2-2, 4-3 tab).
L'ancien Bordelais connaît pourtant un début de tournoi difficile. Expulsé pour un mauvais geste contre l'Arabie Saoudite, il manque les deux matches suivants, contre le Danemark et le Paraguay. Il ne fait ensuite guère parler de lui. Jusqu'à la finale.
Le joueur de la Juventus Turin surgit au meilleur moment pour inscrire deux buts de la tête sur corner face au Brésil (27e, 45e). Zizou donne ainsi à la France son premier titre de champion du monde. Il reçoit la même année le Ballon d'or et le titre de joueur FIFA de l'année.
Première Coupe du monde à 32 équipes, l'édition 1998 est également celle qui a vu le plus grand nombre d'expulsions avec 22. Outre les trois expulsés tricolores (Zidane, Blanc et Desailly), un record pour un futur vainqueur, Beckham, Wörns, Lauren ou encore Ortega ont reçu un carton rouge.
Avec trois expulsés chacun, la palme revient à la France et au Cameroun. Rigobert Song réussi même la performance à être le premier joueur à être expulsé lors de deux Coupes du monde consécutives après 1994. Mais le match le plus sanctionné a mis aux prises le Danemark et l'Afrique du Sud avec trois cartons rouges (Molnar, Wieghorst et Phiri).
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Six victoires sur sept, meilleure attaque (15), meilleure défense (2 buts), la France a survolé "sa" Coupe du monde. Son premier match à Marseille face à l'Afrique du Sud est une formalité (3-0). Petite surprise, un certain Thierry Henry, âgé de 20 ans, est titulaire mais dans un Vélodrome balayé par des bourrasques de vent, c'est Christophe Dugarry qui signe le premier but tricolore de la compétition. Il ne se prive pas de faire quelques grimaces au passage à la tribune de presse et aux journalistes qui ne croyaient pas en lui.
De la deuxième rencontre face à l'Arabie Saoudite, personne ne retient la victoire (4-0) et la qualification acquise mais plutôt l'expulsion de Zidane (voir la star). Les "coiffeurs" gagnent le dernier match sans enjeu (2-1) face au Danemark. En huitième, c'est le Paraguay et son gardien vedette Chilavert qui se présente. Il faut attendre la 114e minute et un éclair de Laurent Blanc pour voir la France se qualifier (1-0) grâce au premier but en or de l'histoire de la Coupe du monde.
En quart, Zidane peut rejouer mais sa présence ne suffit pas à trouver la faille face aux Italiens. Le match se conclut aux tirs au but avec un raté pour la France (Lizarazu) et deux pour la Squadra Azzurra. En demi-finale, la France part archi-favorite face à la novice Croatie mais juste après la pause Davor Suker ouvre le score. Lilian Thuram qui n'a alors jamais marqué avec les Bleus - sauf à l'entraînement - signe un doublé d'anthologie.
Deux ans après l’Euro anglais et des matchs à élimination directe finis aux tirs au but, au terme d’un match fermé, Français et Italiens auraient pu se séparer bons amis (0-0), mais il faut impérativement un vainqueur. L’épreuve des tirs a buts est à nouveau nécessaire. Par rapport à l’Euro 1996, Fabien Barthez est devenu titulaire dans les cages. Quant à Vincent Guérin, il ne fait pas partie de l’aventure.
Au moment de choisir les tireurs, Youri Djorkaeff, qui évolue à l’Inter Milan aux côtés du portier italien Gianluca Pagliuca contre lequel il a peu de réussite à l’entraînement, préfère laisser sa place. Lizarazu, qui avait marqué lors des deux séances de tirs au but lors de l’Euro anglais, échoue dans sa tentative.
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Heureusement, Barthez arrête le tir de Demetrio Albertini juste derrière, ce qui permet aux Bleus de ne pas se faire distancer. De son côté, à l’approche de son tour, Henry se sent de moins en moins confiant. Blanc donne l’avantage à la France (4-3) et Luigi Di Biagio a la survie de l’Italie au bout du pied. Il envoie une frappe violente sur la barre, la France est qualifiée.
Barthez tient toutefois à mettre ses coéquipiers qui ont tiré en avant : « Je pense qu’il faut surtout féliciter les joueurs de champ. Les héros, ce soir, ce sont eux. Dans ce genre d’exercice, la pression n’est pas sur le gardien de but mais sur ceux qui vont tirer. »
La décontraction du gardien français lors de cette séance impressionne. Même s’il n’est pas spécialiste de ce genre d’exercice, il est hilare avant son commencement. Il déclare même à un coéquipier « J’ai la gigitte. Les poils du cul qui s’agitent. » Mais le portier se concentre vite sur son sujet, refusant même les conseils de ses coéquipiers, notamment ceux jouant en Italie.
En 2006, lors de la finale à Berlin six Français déjà présents en 1998 sont encore là (Fabien Barthez, Lilian Thuram, Patrick Vieira, Zinédine Zidane, Thierry Henry et David Trezeguet). Deux d’entre eux participent à la séance de tirs au but qui va désigner le futur champion du monde. L’un, Barthez le gardien, n’arrête aucune tentative italienne. L’autre, Trezeguet est le seul joueur à ne pas transformer sa tentative, ce qui offre une quatrième couronne mondiale aux Italiens.
La défaite laisse des traces dans les esprits de certains joueurs. Ainsi, William Gallas, prévu comme cinquième tireur mais qui n’aura pas à s’exécuter puisque les Italiens l’emportent avant, n’hésite pas à raconter que certains de ses coéquipiers se sont dérobés au moment fatidique.
La Coupe du monde 1998 fut également un succès dans les statistiques des matches à élimination directe.
On constate tout d’abord qu’encaisser aucun but ne garantit pas systématiquement une qualification, mais presque (21 victoires et une élimination). Lors de la demi-finale de l’Euro 1996 la défense française avait été imperméable, mais comme l’attaque bleue était également restée muette, les choses se sont jouées aux tirs au but sans réussite.
Encaisser un but débouche quatre fois sur 17 sur une élimination (dont deux aux tirs buts), alors que deux pris entrainent quatre éliminations pour six qualifications. C’est à partir de trois buts encaissés que les choses se compliquent sérieusement.
Côté buts marqués, il suffit d’en réussir un minimum de cinq pour se qualifier à coup sûr. Mais ce cas s’est produit à trois occasions seulement. L’une est assez récente (quart de finale de l’Euro 2016 gagné 5-2 face à l’Islande) mais les deux autres remontent à beaucoup plus loin (6-3 contre la RFA en 1958, 7-0 face à la Lettonie en 1924).
On pourrait penser que plus le nombre de buts est faible, moins le taux de réussite est élevé, mais ce n’est pas le cas. Ainsi les Bleus sont passés 8 fois sur 12 en ayant marqué trois buts (avec trois échecs aux tirs au but) soit un taux de réussite de 66%. Mais ce chiffre monte à 83% avec seulement deux buts réussis (15 qualifications pour 3 échecs).
Il serait toutefois sage de faire la décision avant les tirs au but puisque la France n’a jamais gagné dans ce type d’exercice aussi bien en demi-finale (1982, 1996) qu’en finale (2006, 2022), alors qu’elle l’a toujours emporté en quart (1986, 1996, 1998, 2024).
Voici une représentation en arborescence de l’évolution du score en fonction de l’équipe qui marque en premier. On voit que les Bleus ont ouvert le score 35 fois, contre 26 à l’adversaire (et 4 fois, il y a eu 0-0).
En conclusion, lors de matchs à élimation directe, les Bleus tirent souvent les premiers (35 fois sur 65) et encore aussi les deuxièmes (31 sur 51). Mais si marquer en premier permet la qualification dans 77% des cas, le fait d’égaliser ne garantit rien : qualification dans 48% des cas, élimination à 52%.
La séance de tirs au but est une guerre psychologique. Une étude a révélé qu'un gardien qui tente de déconcentrer le tireur de penalty réduit de 10% le nombre de buts marqués. Tous les moyens sont bons.
"Les tirs au but, ce n'est pas une loterie, nous renseigne Christophe Revel. C'est un exercice qui se prépare techniquement et mentalement à l'aide de répétitions de gestes, de situations, se rapprochant tant bien que l'on peut de la réalité. Le plus important étant de rendre le gardien de but acteur de ce moment, de le mettre à l'aise et de lui enlever toute pression pour optimiser ses chances de réussite."
Le football français a-t-il oublié que les tirs au but n'étaient pas un jeu de hasard ? En un an, les Bleus ont perdu une finale de Coupe du monde, deux finales d'Euro et de Mondial U17 et un quart de finale de Coupe du monde féminine au terme d'une séance de tirs au but. Depuis la Coupe du monde 1998, les sélections ou clubs français ont disputé 16 séances de tirs au but dans des compétitions internationales et en ont remportées… trois.
Le problème peut venir des gardiens comme Fabien Barthez et Hugo Lloris qui n'ont stoppé aucune des 14 dernières tentatives subies dans le but des Bleus.
Il semblerait d'ailleurs que la DTN s'empare enfin du sujet. "Il ne faut pas tomber dans quelque chose qui nous paralyse, dans une forme de psychose, révélait Hubert Fournier il y a quelques jours dans L'Equipe. La gestion des émotions doit être mieux maîtrisée. Il y a sans doute des solutions, et il va falloir qu'on les trouve (…). Il est nécessaire de mettre une cellule spécialisée en place pour accompagner les joueurs sur le plan émotionnel, faire en effet appel à des psychologues. Il est important d'y réfléchir et on va le faire, croyez-moi."
En Allemagne, la fédération donne accès à des psychologues sportifs à toutes les sélections de jeunes. De même, les gardiens de but reçoivent un briefing penalty sur leurs adversaires avant chaque match. Luis Enrique, avant le dernier Mondial, avait demandé à ses joueurs espagnols de tirer 1000 penalties avec leurs clubs respectifs avant de prendre l'avion pour le Qatar.
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