Le fusil « Idéal » à pontet à lunettes est une arme raffinée et d’un fonctionnement sûr, qui participa au succès commercial fulgurant de la Manufacture d’Armes et Cycles de Saint-Étienne. La découverte d’une de ces armes dans une maison de famille est donc chose courante.
Ce fusil d’une grande finesse et d’une réelle élégance avait été conçu pour une clientèle aisée, souhaitant avoir une arme de classe. Les premiers fusils Idéal relèvent d’un brevet déposé le 27 novembre 1887 et accordé en février 1888.
Ce fusil Idéal, ultra moderne, dispose d’une conception radicalement différente, supprimant les ressorts à lames au profit d’hélicoïdaux et remplaçant la percussion par des marteaux internes par une percussion linéaire. Ce nec plus ultra du fusil sans chien se voulait être une construction « 100% mécanique », gage de modernité et de régularité de fabrication.
La main de l’artisan intervenait encore bien évidemment de nombreuses fois. C’est d’ailleurs cela qui en fait des fusils « industriels » d’une telle qualité. Mais c’est vraiment sur ce côté « industriel » qu’on insistait à l’époque.
A l’instar des valeurs humanistes qui se devaient d’illuminer le siècle nouveau, le fusil Idéal d’alors se voulait être une arme universelle.
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Pour les dix ans du fusil, ses pères spirituels lui offrent une innovation qui fera date : les canons demi-blocs. Résolvant ainsi le problème des bandes dessoudés par les chocs et la rouille, les canons sont désormais assemblés par une multitude de crochets, répartis sur toute leur longueur. Les armes ainsi créées bénéficient d’un rapport solidité/poids incomparable.
Cette disposition sera proposée sur tous les modèles après 1913 et avec la disparation des modèles n°0 et n°1, eux remplacés par le Robust.
A partir de 1928, Mimard, désormais seul aux commandes, mettra en chantier une réfection totale de la fabrication de ses fusils ainsi que de son catalogue, autour de 26 modèles nouveaux. La désignation des modèles passera de deux à trois chiffres en 1931, année qui verra les deux marquages,Idéal et chiffres, se juxtaposer.
L’Idéal des années 1930 arrive à une maturité et un niveau de perfection inégalé. Même les modèles premiers prix brillent par une exécution supérieure à certaines armes de luxe de la concurrence.
La surface des verrous et leur positionnement sont tels qu’ils préviennent tout risque d’ouverture non contrôlée et cela même sur des armes usées au delà du raisonnables… On a rarement vu tant d’ingéniosité et d’intelligence dans un système à l’apparence si commune.
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Et pourtant la force première de l’Idéal est invisible à nos yeux : ses canons sont polis en long à la pierre et rectifiés à la main. ce qui fait de ce fusil, à première vue industriel, l’égal des plus belles production de luxe d’Outre-Manche.
On ne compte plus les heureux époux qui reçurent un fusil Idéal en cadeau de mariage. L’arme faisait l’admiration du foyer et de tout le village. M.Untel y était ainsi connu comme le chanceux possédant le meilleur et le plus beau fusil, qui était toujours transmis avec vénération aux générations suivantes.
Le fusil « Idéal » à pontet à lunette fut abandonné en 1907 mais continua à être commercialisé jusqu’en 1909 pour écouler le stock, sans que son mécanisme bénéficie de la moindre transformation notable.
Toujours fabriqué, il avait contre lui la concurrence farouche des armes nouvelles italiennes, moins chères, avec des lignes plus modernes et utilisant des matériaux nouveaux. Manufrance tenta un virage dangereux, similaire à celui de Winchester, dans les années suivant 1968.
Adieux beaux bois de noyer, quadrillages faits mains, bronzages et gravures extraordinaires. Certes les armes restaient solides, mais elles n’étaient plus les mêmes. On tenta « réorienter » la gamme Idéal et ses fabrications les mieux finies en tant qu’ « arme de luxe » afin de devenir les fusils « des PDG ».
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La « Manuf » fit donc cette erreur. Pas la seule hélas. Elle en disparut. Petitement. Mais sa plus belle épitaphe est sans doute de dire qu’elle ne fut jamais remplacée dans la culture populaire, au sens le plus noble, et armurière française.
Si nous devons juger cette arme indépendamment de son histoire et des 137 bougies de son brevet, on ne peut que s’émerveiller de la finesse de sa ligne et de son harmonie. L’œil comme la main peuvent courir à sa surface, sans jamais être arrêté par un défaut d’ajustage que l’on retrouve désormais sur des armes actuelles à plus de 3000 euros.
La crosse monte naturellement à l’épaule, tandis que la bretelle automatique toujours fonctionnelle qu’elle renferme reste aussi ingénieuse que pratique. L’ouverture automatique de l’arme grâce à son levier situé derrière le pontet est d’un grand confort et très facile, naturelle dirais-je, d’utilisation. A l’ère des armes ambidextres, on ne peut qu’apprécier cette disposition en avance sur son temps.
L’amateur averti appréciera la rondeur générale de l’arme en particulier de sa bascule. L’arme n’est pas seulement légère par l’apparence, elle l’est aussi par le poids, sans jamais sacrifier sa solidité. C’est une véritable arme fine, construite conjointement par la main de l’homme et la machine parfaitement associés pour un résultat sans pareil.
Ce superbe modèle 302 nous parvient dans un état de fraîcheur remarquable. Il est doté d’une plaque de couche en matière synthétique type bakélite mais en plus solide, à la pointe de la modernité à l’époque, ornée du logo de la Manufacture. Elle est en parfait état.
Sa crosse et son fût sont taillés dans un superbe (vraiment superbe!) noyer finement veiné, de forme anglaise. Cette dernière permet une transition optimisée entre les deux détentes et un épaulé plus rapide et naturel. Ce fusil monte parfaitement.
La bascule est d’un joli gris avec encore les larges reflets de son nickelage ancien. Son absence en sous main est le seul léger défaut de cette arme tout en lui donnant une patine d’ancienneté qui fait son charme aussi.
Les finitions des têtes de vis toutes guillochées, des quadrillages des deux talons de sûreté, des gravures sont juste bluffantes et en parfait état aussi. Cette bascule est prolongée par un pontet rond à longue clef qui accueille la sûreté ambidextre qui vient « crocheter les détentes » suivant l’expression du tarif album. Simple et en béton tout en étant léger.
Les détentes sont nettes et cassantes, tombant immédiatement sur le dur. Autre dispositif bienvenu, à l’arrière de la bascule, au niveau des pistons, sort une petite tige lorsque l’arme est approvisionnée.
Il est possible de désarmer les percuteurs en pressant complètement le levier d’armement avant de le relâcher en le raccompagnant tout en pressant les deux détentes.
Les canons sont éprouvés par le banc d’épreuve interne de Manufrance, deux fois. Une première pour le canon brut, la seconde fois pour le fusil terminé.
Les ingénieurs de la Manuf s’étaient concertés avec leur collègues des forges proches pour mettre au point une recette mélangeant l’acier au nickel et au chrome. En utilisant des techniques de décarburation et de compression, ils ont inventé un acier très dur et relativement léger qu’ils ont baptisé « Acier hercule » d’où la résistance et la légèreté globale de l’arme.
Éprouvé à 1100 bars, c’est plus que de nombreux fusils modernes ! Choke à droite, et demi à gauche, il n’y aura aucun souci pour tirer des munitions modernes, mêmes billes acier, à condition de ne pas dépasser les plombs de 2.
Très sains à l’intérieur et même miroirs, ils méritent un petit nettoyage. Leur extérieur est bronzé « noir de guerre » présent à 100% sans aucune corrosion ou peau d’orange. Tous les marquages sont encore bien lisibles partout.
Le devant est à démontage classique, avec de beaux quadrillages mains aussi. Toutes ses pièces sont numérotées et comme toutes les autres sur l’arme, elles sont au même numéro. L’arme n’a subit aucun remplacement.
En somme un fusil à la réputation non usurpée, à la ligne et à l’efficacité intemporelle. Arme de catégorie C au CSI : Licence de tir en cours de validité y compris médecin ou bien un permis de chasse avec sa validation pour l’année en cours ou l’année précédente ET CNI ou passeport en cours de validité.
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