Le champ de tir de Diane, situé près de la base aérienne 126 de Solenzara en Corse, est un lieu essentiel pour l'entraînement des pilotes de l'armée de l'air française. Son histoire est marquée par des missions d'entraînement, des incidents et des traditions parfois controversées.
Solenzara est choisi en 1955, en raison de sa situation, zone aérienne peu fréquentée, proximité d’une plaine marécageuse convenant au tir air-sol. Les travaux démarrent en 1956; ils sont stoppés en hiver par une météo lamentable. Mais alors qu’ils reprennent en mai 1957, les Américains se retirent du projet. Déjà 4 mois plus tôt les Hollandais avaient abandonné; les crédits sont alors suspendus et les travaux interrompus. Sur les instances belges et françaises, le SHAPE autorise l’ouverture de la base mais dans le cadre d’un projet révisé. En juin 1958, la piste de 2990 m est terminée, des bâtiments épars apparaissent dans le maquis et le 20 octobre 1959 un Détachement air s’installe. La BA 126 est créée le 1er juillet 1960 et le 30 août suivant, les premiers Ouragan de remorquage de cibles arrivent et la 5ème EC entreprend la 1ère campagne de tir. Les Belges et les Français signent le 6 décembre 1960 une convention réciproque d’utilisation du centre de tir aérien.
Le 2/5 avait délocalisé la majeure partie de son activité à Solenzara puisqu’avaient lieu aussi bien les sorties de tir que les sorties d’entraînement dévolues à la formation des jeunes pilotes. Les pilotes allaient tirer sur le champ de tir de Diane, quelques dizaines de km au nord du terrain.
Pour les sorties de tir air-air, les Mirage 2000 RDI étaient quasiment en configuration lisse, emportant seulement une maquette de Magic 2 munie de son autodirecteur: des missions courtes avec un avion puissant. La première patrouille à s’envoler (aux heures rondes) suivait de peu l’Alphajet remorqueur de cible du 2/2 Côte d’Or. Ensuite, le pilote du gadget se met en virage vers la droite, à 250 - 300 kts, et effectue des orbites: les Mirage se positionnent à l’intérieur de ce cercle et effectuent leurs passes de tir, un par un. Les pilotes du 2/5 ont le choix entre deux cadences de tir pour leur DEFA de 30 mm: 1200 ou 1800 coups/minute. L’ensemble de la cible est récupéré, examiné, puis reconditionné pour un vol suivant.
Un score moyen d’environ 20% d’obus écoutés dans la plus petite sphère a été enregistré, soit plus de cinquante pour cent des passes réussies, passes de tir des PIM comprises. L’attaque simulée était alors réalisée par une patrouille mixte 2000B-2000D, comme c’est encore le cas pour le plus récent chasseur de chez Dassault.
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Malheureusement, le champ de tir de Diane a également été le théâtre d'incidents graves et de pratiques inacceptables. Un événement particulièrement choquant a eu lieu en mars 2019, impliquant un jeune pilote de chasse nouvellement affecté à la base de Solenzara.
En début d'un après-midi de ce même printemps, des militaires de la base lui demandent d'enfiler sa tenue de pilote, le ligotent violemment avec d'épais scotchs noirs au niveau des poignets, des chevilles et des genoux et lui enfilent un casque avant de le jeter à l’arrière d’un pick-up. Après environ 10 minutes de trajet, la jeune recrue désorientée est transportée au beau milieu du champ de tir de Diane, au nord de la base aérienne de Solenzara. Là, le jeune homme est très vite attaché à un poteau. C'est une cible d'entraînement en forme d'hélice, une structure qui sert en fait aux pilotes de l’armée française pour s'exercer au tir à bord des Mirages.
D'un coup, le pilote de chasse aveuglé et étourdi est tétanisé par un bruit qu'il qualifiera de "effrayant et impressionnant", soit une explosion d'obus tiré à 500 mètres de lui. S'ensuit des tirs de balles à sa droite, passant très près de lui. Durant 10 minutes, l'homme et transi de peur. Après 20 minutes de passes de tirs, l'homme est détaché de la cible par un des membres du personnel. Toujours ligoté, il doit se rendre en sautant à pieds joints jusqu'au pick-up.
Cet acte de bizutage extrême a conduit le pilote à déposer une plainte pour "violences volontaires aggravées" et "mise en danger délibérée d'autrui". Une enquête a été ouverte, et le ministère de la Défense a condamné ces agissements, assurant qu'un processus disciplinaire avait été engagé contre les responsables.
L'affaire a mis en lumière des pratiques de harcèlement moral au sein de l'armée de l'air, remettant en question les traditions et l'esprit de corps qui peuvent parfois déraper vers des excès dangereux.
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Un autre incident survenu près du champ de tir de Diane illustre les risques liés aux opérations aériennes. Le 28 avril 1967, un pilote de F-100 a été percuté en vol par un autre appareil lors d'une mission d'entraînement.
La patrouille est composée de :- Cne Romary, second de l’escadron, leader,- Cne Boitier, jeune PO (4 avril 1967 !), N°2 F-100 D n°739- Ltt Nouaille, CP moustachu, n°3- Ltt Nicolau, plus jeune PIM, n°4, F-100 D n°194
Après quelques explications sur les ondes, je comprends que j’ai été percuté par dessous par le n°4 que je n’ai jamais vu ; le leader décide de me présenter à l’atterrissage en PS ce qui m’inquiète un peu vu la masse de « la bête » : je crains encore de me faire un patin de queue : j’ai déjà donné ! (et donnerai encore !…).
Peur rétrospective, enquête, mais c’est quand même un cas rare de collision où les 2 pilotes concernés ont posé leur avion et sont toujours vivants, 48 ans après ! La célérité et la compétence des mécanos ont même permis de rabouter les avions.
Le champ de tir de Diane, bien que crucial pour l'entraînement des pilotes de chasse, est également un lieu où des incidents graves et des pratiques inacceptables ont eu lieu. Ces événements soulignent la nécessité d'une vigilance constante et d'une culture de sécurité rigoureuse au sein de l'armée de l'air.
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