Derrière les camions qui sillonnent les autoroutes d’Europe, les entrepôts robotisés et les colis livrés en 24h, il y a des milliers de femmes et d’hommes qui assurent la logistique du continent. Mais à quoi ressemble réellement le quotidien des travailleurs du transport en Europe ? Les métiers du transport en Europe sont indispensables mais exigeants.
La profession de chauffeur routier européen a une population vieillissante, avec un âge moyen de 47 ans. Selon une étude menée par l'IRU en 2023 auprès de plus de 1 000 transporteurs routiers de marchandises européens, la pénurie de chauffeurs empêche plus de la moitié des transporteurs de développer leur activité. Ce manque de main d'œuvre qualifiée entraîne par ailleurs une baisse de productivité pour près de 50% des entreprises et une baisse des revenus pour 39%.
Pour tenter d'endiguer ce phénomène, plus de la moitié des transporteurs offrent des primes de performance et augmentent les salaires. En Europe, en moyenne, le salaire brut d'un chauffeur de camion est 55% plus élevé que le salaire minimum national, atteignant jusqu'à 233% aux Pays-Bas. Autres mesures incitatives : de nouveaux camions (44%), la couverture des coûts d'accès à la profession (35%) ou encore une offre de formations de perfectionnement (25%).
Raluca Marian, la directrice du plaidoyer de l'Iru auprès de l'UE, suggère que l'UE et les gouvernements devraient par exemple inciter les transporteurs à faire entraîner à la conduite des jeunes dès l'âge de 17 ans aux côtés d'un formateur. Autre axe d'amélioration : parmi les chauffeurs routiers européens, les femmes ne représentent que 4%. Les trois pays en tête de la représentation féminine sont l'Allemagne (7,2%), la Roumanie (6,1%) et la France (4,5%). Selon l'Iru, elles ont avant tout besoin de conditions de travail sécurisées et de zones de repos bien équipées.
« Le TRM roumain se porte bien » confirme le CNR. Il a doublé à l’international entre 2010 et 2015. Ses principaux marchés sont l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. Beaucoup de grands groupes de TRM occidentaux choisissent la Roumanie comme base de leur activité internationale, en raison de la compétitivité-prix du pavillon.
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Les camions roumains sont exploités dans un souci d’optimisation maximale et les transporteurs déclarent un kilométrage moyen par véhicule de près de 180 000 km. Si les coûts des pneumatiques, de l’entretien-réparations, de la taxe à l’essieu ou des péages sont dans la moyenne européenne, le coût kilométrique reste particulièrement compétitif en raison du kilométrage très élevé et du coût très bas du personnel de conduite.
Les conducteurs sont souvent en déplacement plusieurs semaines, voire plusieurs mois dans les pays de l’Ouest, et pour trouver de meilleures conditions de travail, les bons conducteurs s’expatrient à l’Ouest, d’où des difficultés de recrutement.
En Roumanie, le salaire net d’un conducteur atteint 1 350 euros, soit plus du double du salaire moyen. Ce à quoi s’ajoutent des indemnités de déplacement de 35 €/jour, soumises ni aux cotisations ni à l’impôt, et qui représentent le double du salaire de base déclaré.
Dans une récente étude, le CNR révèle que le transport routier roumain a sensiblement évolué sur trois ans sur le volet social des conducteurs mais aussi sur le volet européen. En 2020, le kilométrage annuel du véhicule baisse fortement par rapport à 2017, -8,5 %, pour s’élever à 136 700 km par an. Le pavillon roumain reste dynamique sur le plan international.
Le salaire brut du conducteur roumain passe de moins de 400 € à 565 € en trois ans, « conséquence directe du salaire minimum qui a doublé entre 2016 et 2020 ». Le montant journalier des indemnités de déplacement étant négocié sur une base individuelle, leur montant journalier atteint 68 € par jour sur 22 jours par mois.
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Le kilométrage du conducteur se replie de -6 % depuis la dernière étude tandis que son coût augmente de 31 %. Au bilan, le coût de l’heure de conduite passe ainsi à 11,81 €, en augmentation de 31 % par rapport à 2017. D’autres augmentations de coûts viennent s’ajouter.
C’est le cas des péages (+37 %), de l’entretien-réparations (+16 %) et du coût de détention du véhicule (+12 %). La baisse du coût du carburant (-9 %) et de l’assurance véhicule (-12 %) ne suffisent pas à contrebalancer le résultat final.
Au moment de faire les comptes, le coût kilométrique d’un poids lourd 40 tonnes roumain affecté à l’international, hors coûts de structure, se situe à 0,76 € contre 0,64 € en 2017, en augmentation de 19 %.
Poste de dépense | Évolution |
---|---|
Péages | +37% |
Entretien-réparations | +16% |
Coût de détention du véhicule | +12% |
Coût du carburant | -9% |
Assurance véhicule | -12% |
Devant la Jirs de Rennes, les routiers roumains décrivent l'étrange contrat de travail qui les liait à leur entreprise. Les 700 000 € de butin, émanant des vols de roues de camion, donnent un aperçu du préjudice subi par plusieurs sociétés de transport du grand ouest. Durant l'année 2014, les gendarmes, qui mènent l'enquête, enregistrent des dizaines de faits. Parfois, ce sont 26 roues qui disparaissent en une seule nuit sur un parking d'une entreprise.
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L'écrasante majorité des routiers était salariée par la société Evitrans, basée en Roumanie. Le patron, qui payait le plus souvent en espèces sans rien déclarer, semblait avoir passé un pacte avec ses « salariés ». Ils percevaient 300 € par voyage, qu'ils soient seuls, à deux ou à trois. Le camion avait assez de carburant pour accéder à la frontière française. Ensuite, les routiers devaient pomper leur gasoil dans d'autres camions. « On ne pouvait pas s'en sortir... Les routiers assuraient bien le transport légal de marchandises entre la Roumanie et l'ouest de la France.
Une fois que leur cargaison était livrée à destination, les chauffeurs attendaient un nouveau fret. Ils utilisaient cette attente en commettant des vols d'électroménager, de vêtements et d'accessoires divers. Une roue de camion coûte environ 1 000 € en France. Le salaire mensuel moyen est de 200 € en Roumanie.
« Si j'avais été mieux payé, je n'aurais jamais commis ces vols, explique un routier devant la Jirs de Rennes. Mais on ne pouvait pas s'en sortir sans détourner des marchandises. » Le procureur Arnaud Marie lui demande si c'est habituel en Roumanie que deux ou trois personnes embarquent dans un camion pour l'étranger. Le chauffeur répond que non. Le patron a déclaré qu'il n'était pas au courant des pratiques en cours dans son entreprise.
La somme de 300 €, pendant une semaine ou dix jours à deux ou à trois, permet à peine de manger à sa faim. Plusieurs « salariés » l'ont confirmé hier à la barre.
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