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L'histoire des canons de gros calibre est riche et complexe, traversant les siècles et les innovations technologiques.

Les origines médiévales

Au Moyen Âge, l'artillerie connaît de nouveaux usages lors des campagnes militaires, notamment à la fin de la guerre de Cent Ans.

La veuglaire

Une arme emblématique de cette époque est la « veuglaire », probablement utilisée par l'armée du roi Charles VII. Ce canon de moyen calibre, long de 2,17m, est pourvu d’une paire « d’oreilles » de part et d’autre de son fût, ce qui le rend facile à déplacer. Il est utilisé dans le cadre de sièges, mais aussi de batailles rangées. Sa mobilité représente un progrès par rapport aux bombardes, de gros calibre, dont les boulets pouvaient dépasser les 100 kg.

Le canon des Dardanelles

Construit en 1464 en Turquie, le terrifiant canon des Dardanelles était encore opérationnel 340 ans plus tard. Ce canon a été construit sur le modèle d'un autre canon utilisé quelques années plus tôt pendant le siège de Constantinople, et dont l'inventeur était un ingénieur hongrois dénommé ... Orban.

L'artillerie de la Première Guerre mondiale

Si l’artillerie avait connu de grandes évolutions au cours du XIXe siècle, la Première Guerre mondiale allait entraîner une transformation rapide. L’enlisement du conflit et sa conversion en guerre de positions sur le front ouest change les besoins stratégiques. Il faut à présent pouvoir détruire des abris profondément enfouis dans le sol, les barbelés qui bloquent la progression des assauts, mais aussi les canons adverses.

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Les forces en présence

Chaque pays engagé dans le conflit était équipé différemment au début du conflit. Par exemple, si la France disposait de canons de 75, un modèle de canon de campagne novateur, notamment par son frein de recul qui faisait qu’il n’était pas nécessaire de repositionner l’arme entre chaque tir, elle disposait de peu d’artillerie lourde, dont le besoin allait pourtant rapidement se faire sentir.

Quant aux Américains, à leur entrée en guerre en 1917, ils sont sous-équipés en canons par rapport à l’ampleur du conflit (moins de 600) et doivent donc s’équiper en artillerie de fabrication française et britannique en attendant que leur production domestique s’adapte. Au début de la guerre, l’Allemagne dispose d’une artillerie de campagne nombreuse et d’une artillerie lourde puissante, le tout mobilisant 280 000 hommes. Cependant, elle constate rapidement les limites des canons de campagne et ses besoins en artillerie lourde.

Après la seconde guerre des Boers de (1899-1902), les Britanniques prennent conscience de la supériorité de l’artillerie de campagne des autres puissances européennes et décident d’améliorer la leur. En 1902, plusieurs industriels anglais proposèrent des prototypes en fonction d’un cahier des charges exigeant, bien qu’aucun ne fut retenu. Ce n’est qu’un 1904 qu’un modèle reprenant certaines caractéristiques des prototypes proposés est homologué.

Comme indiqué précédemment, en 1917, l’artillerie américaine n’était pas prête pour un conflit d’une telle ampleur. La nécessité de mettre en place une grande armée opérationnelle rapidement conduira les Américains à passer des accords avec le gouvernement français. Les calibres 75 et 155 mm deviennent alors les standards de l’US Army. Si leur objectif était de produire leur propre artillerie, dans les faits, la guerre se terminera avant qu’ils puissent mobiliser leurs propres canons en masse en Europe.

L’Italie entre en guerre le 24 mai 1915. Si son artillerie avait été modernisée, elle reposait essentiellement sur des petits calibres censés soutenir l’assaut de l’infanterie. Comme pour la France, l’artillerie lourde avait été négligée. Les Alliés lui fournirent des moyens et gros calibres et la production italienne se développa, avec 16 000 canons et 70 millions d’obus, ce qui lui permettait de disposer au printemps 1917 de 4000 pièces légères, 3000 pièces moyennes et 157 pièces lords ainsi que de mortiers de tranchée appelés “bombardes”. Si la débâcle de Caporetto (24 octobre - 9 novembre 1917) verra la quasi-totalité de l’artillerie italienne détruite, la production parvient à suivre la cadence (540 canons sortaient des usines chaque mois).

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En 1914, les Russes pouvaient profiter de l’expérience accumulée dans l’artillerie au cours de la guerre Russo-Japonaise (1904-1905). Elle était dirigée par le grand-duc Serge, son inspecteur. Cependant, elle s’avèrera trop peu nombreuse par rapport à celle des adversaires allemands et austro-hongrois. Qui plus est, la production d’obus ne suit pas la consommation, notamment de la fin 1914 à l’hiver 1915.

L'artillerie de tranchées

Les artilleurs de tous les camps ont été confrontés aux mêmes difficultés imposées par les tranchées. Pour atteindre une tranchée depuis une autre tranchée, il faut pouvoir réaliser un tir en cloche. Les Allemands, eux, disposaient déjà de pièces d’artillerie à tir courbe adaptées au combat de tranchées : les Minenwerfer (lance-mines), développées au départ pour attaquer des fortifications ou camps retranchés depuis des tranchées d’approche.

L’artillerie de tranchées française se met en place avec tout d’abord l’emploi de mortiers de circonstances comme le Cellerier. C’est à partir de janvier 1915 que l’infanterie française peut commencer à être appuyée par une artillerie de tranchée puissante et mobile. C’est en effet à ce moment que sont introduits les mortiers de 58 mm T n°1, n°2, puis n°1 bis, qui projettent des bombes à ailettes avec un rapport masse totale/masse explosive très avantageux. L’armée française continuera de développer des modèles spécialisés (mortier de 240 mm court de tranchée de 1915, mortier de 340 mm T, etc.). Au premier juillet 1916, ce sont près de 2800 pièces d’artillerie de tranchées qui seront en action sur le front, sans compter les armes de fortune développées par les soldats.

Le Schwerer Gustav

À partir de 1928, le cuirassement des ouvrages de défense était prévu pour résister à des impacts directs d'obus les plus puissants de la Première Guerre mondiale, de calibre 420mm qui pesaient près d'une tonne. Hitler demanda à Krupp de développer un canon capable de venir à bout de ces fortifications. En 1937 commença le développement de l'arme de 800mm, nommée Schwerer Gustav, en hommage au directeur de la firme, dont deux exemplaires furent commandés.

La dimension des obus est de 80cm×3,75m. La durée de vie de l'âme du canon est de 300 coups environ. Les munitions anti-blindages ont une masse de 7,1 tonnes et une portée de 38km pour une pénétration de 1m dans l’acier, de 7m dans le béton armé, et de 30m en terre. Les obus explosifs ont une masse de 4,8 tonnes et une portée de 47km.

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En 1940, la ligne Maginot était aux mains des Nazis, les forts belges de Liège avaient été vaincus et l'assaut contre Gibraltar reporté après le refus de Franco de laisser passer les troupes allemandes. C'est le déclenchement de l'invasion de l'URSS qui lui donnera la forteresse de Sébastopol pour cible.

La taille du canon empêchait d’envisager l’utilisation d’un berceau tournant. Il fallait donc monter le canon sur place, près de la zone d’opérations, mais également construire un réseau de rails de chemins de fer, servant de voies de support, en arc de cercle, pour permettre l’orientation du canon. Après les opérations contre Sébastopol, les 300 coups de feu maximum atteints, essais compris, le canon est démonté pour maintenance.

L'évolution de l'artillerie française sous Napoléon

L’armée révolutionnaire avait hérité d’une artillerie efficace mise en place sous l’Ancien Régime par Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval (1715 - 1789). Le système Gribeauval permettait surtout d’avoir une artillerie de campagne très mobile avec des canons allégés pouvant être trainée par la force des chevaux voir par celle des hommes grâce à la prolonge, une corde permettant de manœuvrer les pièces d’artillerie à bras, notamment sous le feu ennemi quand les chevaux étaient mis à l’abri. La prolonge permettait aussi de tirer tout en laissant le canon accroché aux chevaux : cela permettait de ne pas détériorer l’avant-train et de se replier rapidement.

Le système Gribeauval assurait aussi une standardisation des calibres permettant ainsi de rationaliser l’approvisionnement. Ces calibres étaient au nombre de cinq : les canons de 12, de 8, de 6 et de 4 livres. Le nombre correspondant au poids en livres du projectile, pour donner un autre d’idée un boulet de 12 livres faisait 12,5cm de diamètre et nécessitait une charge de poudre approximative de 4,25 livres).

Napoléon, qui est avant tout un officier d’artillerie, doit ses premiers succès à cette arme savante. C’est grâce à ses talents d’artilleurs qu’il permet la prise de Toulon en 1793 et qu’il commence à se faire un nom. C’est encore avec des canons qu’il mate la révolte royaliste contre le Directoire et obtient le surnom de « Général Vendémiaire ».

Une fois au pouvoir Napoléon est donc le plus à même pour savoir réformer intelligemment cette arme dont il est issu et qu’il connait parfaitement pour avoir tenu tous les postes, de simple canonnier (dans le cadre de sa formation à l’école militaire de Paris) au général. C’est chose faite en 1803 quand Napoléon, devenu Premier Consul, décide de simplifier encore le système Gribeauval en limitant le nombre de calibres utilisés. Le but est simple, toujours plus standardiser pour toujours améliorer les réparations et l’approvisionnement.

« L’artillerie la plus simple est la meilleure. Si un même calibre pouvait satisfaire à tous les besoins, et qu’une même voiture put servir à tous les transports, ce serait la perfection. La commission d’experts dirigée par d’Abboville (qui commandait l’artillerie à Valmy, mais aussi à Yorktown lors de la guerre d’indépendance américaine) ne conserve que deux calibres pour les canons de campagne: le canon de 12 livres pour sa grande portée, et le canon de 6 livres, plus maniable, et utilisé par d’autres armées d’Europe permettant ainsi de se ravitailler sur les prises de guerre (a ce propos il y eut une petite astuce : les canon de 6 français étaient d’un calibre en fait légèrement plus grand que ceux des autres armées européennes ce qui faisait certes perdre de la précision quand on utilisait des boulets pris à l’ennemi, mais ce qui empêchait totalement à l’ennemi d’utiliser des boulets français).

Les obusiers et les mortiers sont eux limités à un calibre chacun, toujours dans une logique de rationalisation des approvisionnements. Le seul problème est qu’en temps de guerre il ne fut pas possible de changer tous les canons et que ce système dit de l’An XI ne fit que se rajouter à celui de Gribeauval déjà en place, créant paradoxalement un peu plus d’hétéroclicité. À la veille de la campagne de Russie, en 1811, une nouvelle commission étudia les innovations anglaises en termes d’obus à shrapnels (explosant en l’air en propulsant des billes) et de fusées de Congreve.

Conscient de l’importance majeure de cette arme Napoléon augmentera lentement son parc d’artillerie. L’artillerie de campagne à pied nécessite un personnel nombreux, recruté par conscription, comme pour le reste de l’armée. Un canon de 12 livres a besoin d’environ 13 ou 15 hommes, chargées de taches diverses pour assurer un tir rapide et sécurisé.

Si dans les conditions idéales, à l’entrainement, sans viser et sans boulet, les artilleurs français pouvaient atteindre 13 à 14 coups à la minute ; dans des conditions réelles sur le champ de bataille la cadence de tir avoisinait plus les 2 à 4 coups à la minute. À noter que plus un canon à une cadence de tir élevé et plus il chauffe, risquant ainsi l’explosion spontanée de la poudre. Il fallait alors si possible arroser la pièce (mais il n’y a pas toujours d’eau à portée sur le champ de bataille) ou tout simplement atteindre qu’elle refroidisse.

Si l’artillerie et ses caissons sont tirés par des chevaux, les dernières manœuvres, ou les rectifications suite à l’évolution du cours de la bataille, se font parfois par la force des bras à l’aide de cordes. L’art des artilleurs en campagne consiste à régler constamment le tir sur une cible parfois en mouvement.

Pour mener un siège, la Grande Armée dispose de canons spécifiques comme les obusiers de 8, pesant 540kg. Ces derniersse caractérisent par un tir courbe permettant d’atteindre l’ennemi derrière ses remparts. On utilisait des boulets fusants (faisant déjà 21kg sans la poudre), mais le calibre somme toute réduit pour arme de siège ne satisfaisait pas forcément les artilleurs. De plus, les charges de poudre importante utilisées dans ce type de canon avaient tendance à les mettre hors service prématurément. En 1810 la commission de l’armement cherche à régler ce problème en produisant des obusiers plus robustes : l’année suivante de nouvelles pièces sont fondues en Espagne, à Séville, et prennent part au siège de Cadix.

Outre les obusiers, les assiégeants disposent également de mortiers, comme le mortier de 10 faisant plus de 780kg et pouvant propulser à 1.600m pour les pièces de « petite portée » (2.200m pour les pièces de grande portée) un projectile explosif d’une cinquantaine de kg. Ces bombes peuvent être propulsées derrière les remparts ennemis où après quelques ricochets meurtriers elles explosent en projetant moult éclats aux environs.

Tableau récapitulatif des calibres de l'artillerie française sous Napoléon

Calibre Poids du projectile (livres) Diamètre du boulet (cm) Charge de poudre approximative (livres)
Canon de 12 12 12,5 4,25
Canon de 8 8 N/A N/A
Canon de 6 6 N/A N/A
Canon de 4 4 N/A N/A

L'évolution technologique au XIXe siècle

La deuxième moitié du XIXème siècle est marquée par une révolution industrielle à laquelle n’échappe pas l’artillerie. En quelques années, l’acier remplace le bronze, les tubes, de lisses deviennent rayés, le chargement se fait par la culasse, l’obus explosif ogival remplace le boulet sphérique. Si le grand saut technologique du XVIIème siècle avait été français avec le système Gribeauval, l’Angleterre et la Prusse deviennent les spécialistes des constructions de canons.

C’est pourquoi dès 1871, l’armée française et le Corps des officiers d’artillerie majoritairement issus de Polytechnique se lancent dans une grande course à l’innovation. Après les constructions du système de Bange, c’est la gloire en 1897 du fameux canon de 75mm. Le recul est enfin jugulé, les cadences de tir sont augmentées ainsi que la précision. Mais le canon de 75 c’est aussi la munition encartouchée, le débouchoir rapide, le tir indirect.

Les conceptions de l'artillerie en 1914

En 1914, deux conceptions de l’artillerie s’opposent : lourde et légère. Ensuite, une diversification de l’artillerie se développe : augmentation des calibres et des portées, tir contre les aéronefs, munitions chimiques, création d’une véritable logistique... En 1914, les Français veulent l’emporter par de violentes attaques d’infanterie appuyées par une artillerie légère. Mais les batteries françaises sont souvent réduites au silence par les tirs indirects de contrebatteries allemandes de gros calibre.

Quand les Allemands prennent l’offensive et repoussent les Français, les batteries lourdes allemandes ne peuvent suivre la vitesse de la manœuvre et le canon de 75 mm français reprend l’avantage, lors de la bataille de la Marne en particulier. Pour une guerre courte dans des terrains bien compartimentés le choix français d’une artillerie légère pouvait être parfait.

Ainsi, en 1897, les Français ne peuvent que choisir le canon de 75 mm. Il s’agit d’une réussite technologique : c’est le premier canon où le recul est totalement maîtrisé grâce à un frein hydraulique, mais il pratique presque exclusivement que du tir direct. Ce choix résulte de l’idée que les militaires et les civils se font de la guerre future : courte et violente.

Après la guerre russo-japonaise, certains, minoritaires, demandent une artillerie lourde avec un calibre au moins égal à 100 mm afin d’augmenter portée et létalité de la munition ; en effet, l’arme de l’artilleur n’est pas le canon mais l’obus. Ces demandes ne sont mises en œuvre que tardivement, en octobre 1913.

En 1896, l’Allemagne développe un canon de campagne de 7,7 cm, inférieur au 75 français, car non équipé d’un frein similaire. Après modifications en 1906, il devient le 7,7 neuer art. ; mais ses performances restent en deçà de celles du 75 français. La létalité de l’obus allemand est très inférieure à celle de l’obus français car la quantité d’explosif est trois fois moindre. Aussi les batteries allemandes sont-elles à six pièces, contre quatre pour les françaises.

Ainsi, à la fin de 1914, à l’Ouest, la guerre de mouvement laisse la place à une guerre de siège.

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