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L'histoire de l'Association de Tir Victor Hugo est intimement liée à un contexte de patriotisme exacerbé en France, notamment après le conflit franco-prussien de 1870. C'est dans ce climat que plusieurs sociétés de gymnastique ont vu le jour à travers le pays, et c'est dans ce contexte qu'il faut comprendre les origines de cette association.

La Société de Tir et de Gymnastique La Bretonne

Ainsi, naît à Saint-Brieuc, la Société de tir et de gymnastique La Bretonne. Ici, comme ailleurs, l'idéal patriotique est omniprésent.

Cette déclaration datant de 1884, du maire de Saint-Brieuc de l'époque, Charles Pradal, est pour le moins sans équivoque : « Je m'adresse à vous, à tous les gens de cœur, à tous ceux qui comprennent l'effroyable leçon de 1870, à tous ceux qui veulent le succès de la France dans la prochaine guerre avec l'Allemagne et je vous répète : venez en aide à La Bretonne par tous les moyens possibles ».

L'ennemi allemand est même présent jusque dans les statuts de La Bretonne... « En 1883, un article stipulait en effet que le gymnase était interdit aux Allemands ! », indique Jean-Guérec Coguenanff.

Durant ses premières décennies d'existence, la Bretonne baignera ainsi toujours dans cet esprit patriotique et nationaliste. Au point, même, d'être agréée en 1909 par le Ministère de la Guerre en vue de la préparation des brevets militaires...

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130 ans plus tard, on en est bien sûr plus là. Mais les dirigeants actuels n'ignorent pas le passé ultra-patriotique de leur club. Difficile de passer à côté, de toute manière.

« Il suffit de regarder le drapeau, qui date de l'époque et dont on se sert toujours », sourit Jacqueline Carrée, présidente de La Bretonne depuis 1998. Fabriqué en 1884, cet étendard tricolore est frappé, d'un côté, du nom de La Bretonne. Normal. Mais à son verso, trois mots apparaissent. Comme une devise. Ces mots : « Patrie - Courage - Moralité ». Tout est dit.

Et « pour la petite histoire, il faut savoir que cinq gymnastes de La Bretonne ont porté ce drapeau pour sa première sortie officielle, lors des obsèques de Victor Hugo, à Paris, le 1er juin 1885 ! », confie Jacqueline Carrée.

Victor Hugo et la Ligue des Patriotes

En effet, au début de chaque n° du "Drapeau" figure un "Appel de la ligue des Patriotes" que je cite en grande partie/"La ligue des patriotes a pour but la propagande et le développement de l'éducation patriotique et militaire.

C'est par le livre, le chant, le tir et la gymnastique que cette éducation doit être donnée. Comme il importe que tout patriote ait son nom inscrit à la ligue, et puisse selon ses ressources, collaborer à cette œuvre de relèvement et de ralliement national, les cotisations annuelles sont reçues à partir de 25 C.

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Le montant des fonds sera affecté:

  1. A l'achat, la publication et à l'envoi de recueil, de chants et d'images patriotiques.
  2. A la subvention, création et encouragement des société de Gymnastique, de tir, d'escrime et de topographie; de sociétés chorales et philharmoniques; de sociétés de secours aux blessés en campagne; de sociétés de lecture et de récitation...
  3. A l'achat d'armes de tir et d'appareils de gymnastique
  4. A la fondation de conférences, de lectures publiques et de cours gratuits.
  5. A l'organisation de fêtes patriotiques.

Les membres du comité signataire sont: M. Felix Faure, président de l'union des sociétés de Gym. de France., ancien Président de la commission d'éducation militaire de l'instruction publique. M. Buisson, directeur de l'enseignement primaire et actuel Président de la commission d'éducation militaire Etc... ( beaucoup d'associations éducatives, militaires ou para-militaires)

Ils faut être exclusivement français pour appartenir à la ligue. Si l'on adhère, on reçoit automatiquement la médaille de ralliement et la détention de celle-ci est nécessaire pour prendre part aux réunions.

Le comité de patronnage déclare: "Le drapeau sera et est avant tout un recueil exclusivement patriotique d'où toute politique intérieure sera soigneusement bannie.

Les lecteurs et les lectrices y trouveront une sorte de magasin d'éducation française où seront passés en revue toutes les gloires de la nation depuis les origines de la France. Dates de victoires, traités de paix, patrons de la patrie, bons serviteurs du pays français, invasions et défense nationale, hommes et femmes célèbres ...

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Le recueil contiendra en outre des romans et des nouvelles conçues dans le même esprit d'encouragement et d'enseignement, des historiques de régiment, des extraits de Mémoires, des anecdotes et des récits, des poésies patriotiques et aussi très instructives de tous les genres depuis les romanciers jusqu'aux érudits et des poètes aux hommes d'état.

Une courte notice de la politique étrangère rédigée d'après des renseignements très exacts et très divers mettra les abonnés à même de suivre l'Europe dans ses variations hostiles ou sympathique.

Enfin et pour donner une base et un enseignement pratique à cet enseignement moral, une page entière sera réservée à des commentaires sur l'armée, les sociétés de gymnastique de tir, de topographie militaire.

C'est dans ce seul but que nous travaillons tous, heureux si, au spectacle de son cher passé, au souvenir de ses héroïsme et émue de remords et d'espérances, la Patrie française relève enfin la tête et se redresse de toute sa hauteur.''

Ce discours, présent dans chaque numéro, Hugo ne pouvait l'ignorer. Que se passe-t-il donc pour qu'apparaisse dans le "Drapeau" du trois mars 1883 l'adhésion de V. Hugo à la ligue?

L'action se situe, si l'on peut dire, aux lendemains du 81ème anniversaire de Hugo, dignement fêté le 27 février dans les salons de l'hôtel Continental.

Le "Drapeau" raconte:"Le comité réuni sous la présidence de Henri Martin, a décidé qu'à l'occasion du 81ème anniversaire de Victor Hugo, une médaille d'or de la ligue serait frappée au nom du grand poète de la France.

Une délégation a été chargée de porter cette médaille au maître de lui demander de bien vouloir l'accepter en signe de ralliement à notre cause et de lui exprimer au nom de tous l'admiration et la fierté que notre immortel Hugo nous inspire?,Paul Déroulède narre la réponse de l'écrivain:"La délégation a eu le bonheur d'entendre le plus glorieux des français accepter d'être l'un des patrons de notre œuvre de revendication et de réparation nationale''

Hugo offre à la ligue un autographe reproduit dans le "Drapeau":"Je vous remercienous sommes de la même famillenous sommes de la même patrie''

En voici le commentaire de P. Déroulède:"Cette même famille dont est Victor Hugo, l'Alsace et la Lorraine en sont aussi. C'est ce que n'a jamais cessé de dire d'écrire et de penser le sublime poète de l'Année terrible. Fasse Dieu qu'il puisse être un jour le poète sacré de l'Année vengeresse. Cette dernière joie lui est due, elle est due aussi à la France.''

Se trouve également publié le poème "A ceux qui reparlent de Fraternité'' (Actes et paroles, initialement paru dans "Le Rappel" du 22 mai 1871) qui prend ici un sens neuf.

La plausible adhésion de Victor Hugo à la ligue n'a pas l'air d'émouvoir autrement ses amis de la gauche républicaine. "Le Rappel'' du 2 mars 1883 cite même l'éloge d'Edmont About, rédacteur du "Drapeau": "Oui, Edmont About a eu raison de le dire, nous avons un penchant à nier nos hommes supérieurs".

A propos de la fête donnée en l'honneur de Hugo, Auguste Vacquerie déclare: "La littérature toute entière sans distinction d'opinion politique disait au monde que si la France a été battue sur des champs de bataille où les Austerlitz ont pour lendemains les Waterloo, elle est toujours victorieuse sur ceux où la victoire dure et que si l'Empire a rendu à l'Allemagne notre épée, il nous reste une arme autrement plus puissante: notre plume.''

Rien de bien choquant donc pour les républicains bon ton qui, à l'image de la droite, prêchent l'unité politique et la thèse selon laquelle l'Empire serait responsable de la défaite. Pour eux comme pour tous l'anniversaire de Hugo s'est déroulé le mieux du monde. Aussi publient-ils un message de félicitations émanant de "l'union universelle pour le progrès de l'art culinaire''

Une question restait toutefois posée: qu'allait-il se passer lorsque la ligue commencerait à s'écarter de l'orthodoxie républicaine?

En effet, en 1881, Déroulède faisait partie d'une commission dirigée par Paul Bert, ministre de l'instruction publique du "grand gouvernement" chargée d'établir un programme d'instruction militaire dans les écoles. Ce programme est stoppé par Ferry en 1882 au profit de cours d'éducation physique.

Déroulède se dresse alors contre Ferry dans son pamphlet De l'éducation militaire (1882), quoique la ligue prêchât toujours l'unité nationale.

En 1882 les reproches de Déroulède ne s'adressaient encore qu'à la politique d'un homme, en 1884 ce sera contre la politique d'un gouvernement et plus précisément contre la colonisation. A partir de 1885 la ligue s'opposera radicalement à la république parlementaire.

Dans ces conditions, il était fort possible qu'à la mort de Victor Hugo,, la ligue ait changé d'opinion à son égard, mais il n'en est rien.

Le samedi 23 mai 1885, un billet paraît dans le Drapeau:"La France est: inquiète, Paris souffre, Victor Hugo est malade.Dieu veuille ne pas prendre encore à la Patrie française ce grand homme qui est la gloire de sa nation et la glorification de l'humanité.''signé: La ligue et le Drapeau.

Le numéro du 30 mai est exclusivement consacré à Victor Hugo. Son portrait est tiré sur une page et la rédaction nous informe que la Ligue des Patriotes assistera en corps à ses funérailles.

On sent déjà une certaine marginalisation de la Ligue dans le communiqué suivant:"Pour affirmer son respect de la loi et du drapeau national et pour aider le gouvernement à ne se prêter à aucune équivoque, le comité décide que la bannière verte et noire de la ligue sera désormais remplacée par une bannière tricolore".

Ce numéro du Drapeau présente surtout des extraits de l'œuvre de Hugo, mais auparavant, la rédaction explique comment s'est opéré son choix:"Notre choix s'est porté surtout sur quelques uns de ces nombreux passages où ce grand homme qui aurait honoré la France sans parler d'elle a parlé d'elle pour la glorifier ou pour la défendre, pour la consoler ou pour la venger.

N'est-ce pas là de quoi réjouir les serviteurs de notre idée que de la voir secondée par un tel maître? Quel exemple et quelle leçon que ce philosophe perdant toute philosophie au contact de l'étranger vainqueur et conquérant! Quel encouragement que ces généreuses protestations gravées dans le bronze impérissable de son immortel langage.

"Je crois en Dieu a-t- il écrit dans son testament, il aurait pu dire aussi: "Je crois en la France!"

Extraits Choisis

  • "Mon enfance" Odes et ballades :"J'ai des rêves de guerre en mon âme inquièteJ'aurais été soldat si je n'était poèteNe vous étonnez point si j'aime les guerriers!..."
  • "Le dernier carré" Les Misérables. Episode du mot de Cambronne.
  • "1453" La Légende des Siècles..
  • "Ainsi nous n'avons plus Stasbourg" Les Quatre Vents de l'Esprit..Actes et Paroles, Déclaration d'appartenance de l'Alsace-Lorraine à la France..
  • "Après la Bataille", La Légende des Siècles..
  • "La Chute", Histoire d'un crime..
  • "Le cimetière d'Eylau", La légende des Siècles..
  • "A tous ces Princes", L'Année terrible..
  • "Chanson"; Les 4 Vents de L'esprit :"Le mois de mai sans la FranceCe n'est pas le mois de mai''.
  • Actes et paroles, Aux rédacteurs du rappel -31 octobre 1871..
  • Les Chants du Crépuscule, Hymne où revient la strophe:"Gloire à notre France éternelleGloire à ceux qui sont morts pour elle".
  • Actes et Paroles, à nouveau à ceux qui reparlent de Fraternité" qui manifestement remporte un franc succès ....
  • Actes et Paroles, "Appel"

Et, bien sûr, encadré en milieu de page l'autographe du 26 février 1883 agrémenté d'une petite note: "Remerciements et adhésion de Victor Hugo à la Ligue''

Hugo a-t-il patronné la Ligue des Patriotes comme cela est dit en 1883, y a-t-il seulement adhéré comme le suggère la note de 1885. Fût-il victime, l'âge aidant, d'un moment d'égarement ou la victime d'une sombre manœuvre de récupération comme d'aucuns seraient tentés de le croire? ... (!) En tous cas, il y a bien eu relation entre Hugo et la ligue des Patriotes, relation qui, certes, n'était guère scandaleuse en 1883 à une date où néanmoins la profession de foi réactionnaire du Drapeau était déjà fort claire.

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