L'arbalète, souvent confondue avec l'arc, est en réalité une arme dérivée de celui-ci. Elle est constituée d'un arc, qui selon les époques est fait de nerfs, de cornes, de bois, de métal, d'un arbrier ou corps de bois, servant à tenir l'arc. Ce dernier sert à recevoir le projectile, d'une noix tenant la corde tendue et d'une détente pour l'actionner. L'arbalète permet un tir plus précis et plus puissant que l'arc.
L’arbalète est une invention fascinante qui a transformé les tactiques de guerre et l’art de la chasse. Une arme qui soulève bien des interrogations tant par son fonctionnement que par son usage. Depuis quand existe-t-elle ? Dans quel pays l’utilisait-on ? Qui s’en servait ? Quel était son degré d’efficacité ? Comment était-elle construite, avec quels matériaux ?
De toutes les recherches entreprises, on peut, semble-t-il, conclure que l’arbalète est une invention chinoise. En Chine, l’arbalète est connue depuis la dynastie CHANG ( XVIII - XIe siècles avant J.C.). Elle est mentionnée au VIe siècle avant notre ère, ainsi qu’à la bataille de Ma-Ling (-341). Son invention serait à attribuer à HOUANG-TI, un des premiers souverains légendaires d’un immense pays dont la tradition fixe le règne au milieu du troisième millénaire avant l’ère chrétienne.
Les premières arbalètes apparaissent en Chine, durant la Période des Royaumes combattants qui couvre le Ve siècle av. J.-C. et jusqu’à -221 avant notre ère. L’arme ne disposant pas encore de système mécanique, la corde doit être tendue par le combattant en position allongée, tirant sur celle-ci avec ses bras et poussant avec ses pieds sur les demi-arcs. La gâchette se développe au cours de la période allant de la dynastie Qin aux Han.
L’arbalète trouve ses origines en Chine, où elle a été inventée durant la période des Royaumes combattants, autour du Ve siècle avant J.-C. Initialement utilisée pour la chasse, elle a rapidement été adoptée comme arme militaire en raison de son efficacité.
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Dans l’histoire, l’invention de l’arbalète est souvent attribuée aux Phéniciens. Cependant, certaines études historiques attestent qu’elle a été inventée par les Chinois. Héron d’Alexandrie estime que cette invention date d’avant 421 av. J.-C.
Si l'on se réfère aux textes chinois, il faut leur laisser une large marge d'interprétation parce ces ouvrages anciens ont été maintes fois recopiés. Pour autant, ceux-ci nous disent que certaines arbalètes étaient de très grandes dimensions et lançaient des javelots; d'autres étaient faites en pierre ! C'est ici que le doute survient: "de pierre" peut avoir été modifié de "pour lancer des pierres", ce qui semble évidemment plus réaliste.
Avant de s’intéresser à l’arbalète en occident, il ne faut pas passer à côté de l’invention unique, car aucun pays n’a jamais su reproduire cette arme redoutable qu’est la fameuse arbalète à répétitions que l’on doit à Zhuge Liang au IIIème siècle après J.C. Ce système à répétition intégrait un mécanisme d’armement qui ne permettait pas un tir de plus de 80 mètres. Ce décroissement de la puissance diminuait évidemment le pouvoir de pénétration du carreau. Pour remédier à cet handicap, l’embout des carreaux était alors enduit de poison.
Au fil des siècles, l’arbalète a connu des améliorations significatives. Les modèles médiévaux européens étaient équipés de mécanismes sophistiqués, comme la noix de détente, qui permettait de maintenir la corde tendue jusqu’au moment du tir.
En Occident, le gastrophète est l’ancêtre de l’arbalète, mais il s’agit d’une arme de siège. Son poids élevé permet en effet de douter d’une utilisation réelle sur un champ de bataille en dehors d’un contexte de siège.
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Dans l’Antiquité romaine, la manubaliste (littéralement baliste à main) est héritée du modèle des oxybèles grecs, il s’agit donc d’une arbalète à torsion. Ce modèle aurait subsisté jusqu’au Xe siècle.
Mais quand donc est apparue l'arbalète en Occident? On attribue aux Grecs de la période hellénistique (IVe siècle avant J.-C..), l'introduction en Occident des premières machines militaires de jet, qui sont plutôt des catapultes à arc. Ces balistes à arc étaient des armes de position, donc statiques.
Comme nous l'avons vu, l'arbalète romaine, faute de preuve, semble avoir été inspirée par la chinoise, dont l'antériorité est évidente. Quant à savoir comment elle a effectué le parcours d'Est en Ouest, on l'ignore.
On perd la trace de l'arbalète approximativement à la fin de l'Empire romain, et entre le Ve et le Xe siècle on n'en parle pratiquement plus, mais on trouve des traces de celle-ci dans le nord de l'Europe. On trouve une noix d'arbalète sur le site lacustre de Buston en Ecosse (IVe-VIIe siècles).
L'arbalète réapparaît subitement dans un document extrait de la Bible du moine français Haïmo, dans lequel est dessiné un arbalétrier, et un manuscrit de la fin du Xème sicècle (Histoire du roi Artus. Biblio. nat. franç.), montre des arbalétriers à pied tirant contre les remparts de la ville de Tyr.
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L’arbalète apparaît sous sa forme moderne en Italie au milieu de Xe siècle et est utilisée lors des premières croisades au XIe siècle.
L’arbalète se distingue comme arme de guerre lors de la première croisade, au XIème siècle, comme l’évoque Guillaume de Tyr, historien des premières croisades.
Au Moyen Âge, l’arbalète est utilisée autant comme arme de chasse que pour la guerre. Méprisée par la chevalerie, elle est vue comme arme déloyale car, tuant à distance, elle ne permet pas à l’adversaire de se défendre.
Ainsi, considérant que l’arbalète, qui n’exige pas une grande formation, permet à des soldats peu aguerris de tuer de loin un chevalier en armure qui a voué son existence au métier de la guerre, le clergé estime que c’est une arme immorale pour le peu de courage et de formation qu’elle exige de celui qui la manie. « Les Français la regardaient comme l’arme des lâches et refusaient de s’en servir.
En Europe chrétienne, l’arbalète est frappée d’anathème et son usage est interdit en 1139 par le IIe concile du Latran et confirmée quelques années plus tard, en 1143, par le pape Innocent II, qui menaça les arbalétriers, les fabricants de cette arme et ceux qui en faisaient le commerce d’excommunication et d’anathème.
Cette interdiction, par ailleurs valable uniquement pour les combats entre chrétiens, restera médiocrement observée par les princes d’Occident, malgré les efforts du pape Innocent III pour réaffirmer, en 1205, les interdits du concile du Latran II.
Malgré ce bref d'Innocent III, l'arbalète fut de nouveau utilisée par les troupes de Richard-Coeur-de-Lion et de Philippe Auguste.La toute première grande bataille dans laquelle les arbalétriers ont un rôle capital et déterminant est la bataille d'Hastings (1066).
L’efficacité de ces armes faisait de ceux qui les maniaient des soldats d’élite, très prisés, et très bien payés, ce qui leur permettait l’achat d’équipements de qualité. Cette arme fut aussi utilisée par les peuples orientaux durant les croisades, dans une forme similaire au modèle occidental, mais avec quelques subtilités de forme.
Les informations de l’époque font état des arbalétriers telles les troupes les mieux payées des armées occidentales, voire parfois mieux équipées que certaines classes de chevaliers. Il existait également un modèle d’arbalète portative lance-grenades, qui était peut être expérimental.
Dès la fin du XIème siècle l'arbalète gagne en vogue et sa consécration a lieu à la fin du XIIème siècle. On l'utilise sur terre et sur mer et même les cavaliers en sont armés. Philippe Auguste, Jean sans Peur, Frédéric II de Hongrie ont dans leurs armées des "Balistarii equites" (arbalétriers montés).
Si pour la chasse, l’emploi de l’arbalète a été très apprécié en son temps, son usage militaire a provoqué des déboires célèbres sur le champ de bataille. La lenteur de mise en œuvre face aux troupes armées du grand arc droit traditionnel est souvent avancée comme explication (voir les chroniques des batailles de Crécy et d’Azincourt). Mais c’est probablement surtout l’option de vouloir remplacer les archers par des arbalétriers qui constitua une erreur.
Pendant les guerres de la fin du Moyen Âge, la France fait généralement appel à des mercenaires arbalétriers étrangers, en particulier italiens et génois, dont le tir peut percer une armure jusqu’à une distance entre 90 et 100 mètres.
Les progrès de la sidérurgie augmentent parallèlement la robustesse des armures et la puissance de l’arbalète avec la création de l’arc en acier, au début du XIVe siècle, qui remplace petit à petit les arcs en bois et les arcs composites (lamellé-collé : bois + tendons + corne, le tout encollé). On invente aussi un mécanisme complexe et coûteux, avec temps de rechargement de plus en plus long de 2 à 3 minutes (jusqu’à 30 minutes pour les modèles les plus puissants) comme le cric ou le treuil (appelé aussi le « moufle ») pour tendre l’arbalète.
Les Italiens se distinguèrent dans la fabrication d’arbalètes particulièrement efficaces : un trait pouvait atteindre jusqu’à 350 km/h ! Le cranequin (du moyen néerlandais cranekijn « sorte d’arbalète »7) était une arbalète à pied mais le terme a fini par désigner aussi le mécanisme particulier destiné à le tendre. Pour lever cette ambiguïté, l’arbalète elle-même a été renommée improprement cric d’arbalète, terme malheureusement utilisé de nos jours alors qu’il semble ne désigner qu’une partie de l’arme.
Les arbalètes, comme les arcs, ont pratiquement disparu lorsque les armes à feu, plus facile d’emploi, demandant moins d’entraînement, et aussi beaucoup moins chères, devinrent l’équipement de base du fantassin.
Bien que l’arbalète ait été remplacée par des armes à feu dans les conflits militaires, elle reste un symbole de l’ingéniosité humaine et de l’évolution des technologies de guerre.
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