Les émojis sont devenus un véritable langage universel. On en dénombre plus de 3 600, utilisés quotidiennement par des milliards d'internautes. Ils permettent d'exprimer des émotions, des concepts ou des objets de manière simple et visuelle.
Pour comprendre les enjeux de cette polémique, il faut revenir aux origines des émojis. Ces petits pictogrammes sont nés au Japon à la fin des années 1990. Inventés par Shigetaka Kurita, ils visaient à faciliter la communication émotionnelle dans les SMS.
Les premiers émojis, inspirés des mangas et des pictogrammes, ont été conçus en 1997 par Shigetaka Kurita, un informaticien japonais travaillant pour un opérateur de téléphonie mobile. Ils servaient alors à communiquer des informations sur la météo ou à partager ses émotions via les bipeurs - ces dispositifs, largement utilisés dans les années 1980 et 1990, permettaient d’envoyer de très courts messages.
Bien que son invention n’ait jamais été brevetée, l’informaticien a vu ses 176 premiers émojis rejoindre les collections du Museum of Modern Art (MoMA), à New York, en 2016.
Mais qui décide quels émojis intègrent nos claviers ? C'est là qu'intervient le fameux Consortium Unicode. C'est le Consortium Unicode qui est aux commandes. Au cœur de cette mission : le Unicode Emoji Subcommittee.
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Le Consortium Unicode joue donc un rôle crucial. Il détermine non seulement quels nouveaux émojis seront créés, mais aussi leur apparence.
Vous pensez qu’ils sont créés par les opérateurs selon la mode ou leurs appareils ? Que nenni ! La liste officielle des émojis est rigoureusement gérée par le consortium Unicode, une organisation internationale à but non lucratif qui réunit les plus grandes entreprises de la tech, d’Apple à IBM en passant par Microsoft. Elle reconnaît 1 600 émojis compatibles avec tous les systèmes. La raison de cette centralisation est simple. Chaque image étant associée à un code, il convient de les harmoniser afin qu’un utilisateur de Google, par exemple, puisse envoyer un émoji sur un téléphone Apple et que le visuel reçu soit similaire à celui de la plateforme. Sinon, les malentendus seraient innombrables ! C’est également le consortium qui étudie chaque année les demandes de nouveaux émojis et évalue leur portée universelle.
Ces propositions sont ensuite examinées par le sous-comité selon des critères stricts tels que la compatibilité, la fréquence d’utilisation prévue, et la diversité.
Pour rappel, la plupart des émojis qui y sont apportés sont gérés par le Consortium Unicode et son sous-comité Unicode Emoji. Il existe un sous-groupe chargé de la maintenance des emojis, y compris leur ajout, leur modification et leur suppression.
Il y a quelques années, l'émoji "pistolet" a été remplacé par un émoji "🔫" (jouet). Un changement peu anodin... En effet, le consortium Unicode avait officiellement changé l'émoticône original en 2018, celui-ci avant cédé sa place au pistolet à eau nettement moins controversé et létal. Il avait au passage renommé l'émoji.
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Cette décision avait été suivie par l'ensemble des plateformes, Apple l'ayant d'ailleurs fait bien avant tout le monde en 2016 !
Selon le site américain Buzzfeed, le Consortium Unicode, l'organisme qui valide les nouveaux emojis, a finalement choisi de retirer le fusil de la liste définitive. Une décision qui aurait été largement influencée par Apple et Microsoft, deux des plus grandes compagnies qui composent le Consortium Unicode. D'après une source de Buzzfeed, c'est Apple qui a entamé les discussions pour retirer l'emoji controversé, alors que le processus d'encodage du Unicode 9.0 avait été effectué.
« Personne dans la pièce ne s'est opposé à la proposition d'exclure le fusil », précise le site américain.
Au mois d'octobre 2015, déjà, des voix s'élevaient contre l'introduction d'un tel emoji. « Ce serait choquant pour bien des personnes qui ont été blessées ou affectées par des incidents liés aux armes. »
« Cela dérange certaines personnes que nous incluiions un fusil parmi les emojis, mais nous avons choisi de le faire en raison des Jeux olympiques », s'était alors justifié Mark Davis, le président du Consortium Unicode, auprès du New York Times.
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Quand Apple a souhaité rendre moins agressif son revolver, après une nouvelle attaque dans une école américaine en 2016, elle l’a remplacé par un pistolet en plastique. Mais pas les autres opérateurs. Un enfant pouvait donc adresser un symbole inoffensif à un camarade pour l’inviter à jouer, mais son destinataire, sur une autre marque de téléphone, recevoir une arme.
La décision d'Elon Musk de modifier unilatéralement l'émoji pistolet sur X.com vient bousculer ce système. Elle montre que les réseaux sociaux peuvent s'affranchir des standards établis. Une liberté qui pourrait ouvrir la voie à une fragmentation des émojis selon les plateformes.
Mais en juillet dernier, le réseau X, sous la houlette d’Elon Musk, a fait machine arrière et réintroduit le Colt M1911.
Il semblerait donc que le réseau social d'Elon Musk (ou tout simplement ce dernier) a décidé de revenir en arrière en proposant cette représentation assez réaliste d'un Colt M1911 ! Ce changement n'est pas à prendre à la légère, vu la récente tentative d'assassinat de Donald Trump et l'histoire des États-Unis -où la détention et l'utilisation des armes à feu fait débat.
Comment le trouver ? Pour le moment, il faut passer uniquement par la version web de X pour pouvoir le trouver et/ ou utiliser. On notera d'ailleurs que, dans l'outil recherche intégré de la plateforme, c'est toujours le nom de pistolet à eau qui apparait. Les applications sur ordinateurs ou smartphone n'ont pas encore été mises à jour.
Et le grand concurrent d’iOS, le système Android de Google vient également de mettre à jour cet emoji de pistolet avec un nouveau design de pistolet à eau avec un thème orange ne ressemblant pas à celui des autres plateformes.
Attention, vos textos pourraient vous envoyer derrière les barreaux. Plus particulièrement les émojis - ces petites icônes qui représentent personnages, émotions, animaux, légumes et à peu près tous les objets du quotidien - qui agrémentent SMS et publications sur les réseaux sociaux. Aux États-Unis, l'évocation des émojis dans les décisions de justice explose.
C'est ce qu'a remarqué Eric Goldman, professeur de droit à l'université de Santa Clara, en Californie. "Comme pour n'importe quelle technologie émergente, notre système judiciaire aura besoin d'une période de transition."
"Les émojis ne sont qu'un autre type de communications non verbales non textuelles que les tribunaux doivent interpréter", assure sur son blog ce spécialiste du discours sur internet. Il regrette que trop souvent, les juges préfèrent les ignorer, comme s'ils ne faisaient pas partie intégrante du message. C'est également le cas la plupart du temps de ce côté-ci de l'Atlantique.
En France, les émojis font encore assez peu pencher la balance dans les tribunaux. Mais cela ne saurait tarder. "Il n'y a pas de jurisprudence et l'émoji n'est pas toujours l'élément le plus décisif pour les magistrats, certains sont encore un peu old school, explique à BFMTV.com Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris. Mais depuis quatre ou cinq ans, cela commence à être pris en compte."
Selon cet avocat, un émoji pistolet, couteau ou bombe est bel et bien un élément incriminant, au même titre que des menaces écrites. Il va même plus loin. "C'est la même chose qu'une balle expédiée dans un petit cercueil en bois. L'envoi d'émojis n'est pas anodin et peut vous mener au tribunal." Mais il précise que ces derniers doivent s'inscrire dans un contexte.
"Une icône de pistolet, toute seule, ne sera pas suffisante mais reliée à d'autres éléments menaçants, cela exprime clairement une intention malveillante."
Il lui est déjà arrivé de plaider de tels cas.
"Dans le cadre d'un divorce, un des époux envoyait des messages à l'autre pour le dénigrer. Il avait pris le soin de les agrémenter d'émojis, ce qui était un élément à charge supplémentaire. Dans les affaires de menaces, c'est très courant. Un couteau, un pistolet, pour nous c'est du pain béni."
C'est ce qu'il s'est passé à Pierrelatte, dans la Drôme, en 2016. Un homme a été condamné pour des menaces de mort sur son ancienne compagne, à l'époque mineure, à six mois de prison dont trois ferme. Parmi les nombreux messages qu'il lui avait envoyés se trouvait un émoji revolver.
Si le tribunal correctionnel de Pierrelatte a tranché en ce sens, il est parfois bien difficile d'y voir clair tant les émojis peuvent être sujet à diverses interprétations.
The Wall Street Journal relatait une réunion au sein d'un grand cabinet d'avocats américains, à Atlanta, afin de déterminer ce que l'émoji "visage pas amusé" signifiait réellement. La réunion ne leur a pas permis de se mettre d'accord: chacun des participants avait sa propre explication.
Outre-Atlantique, en 2016, une adolescente de 12 ans a été poursuivie pour avoir menacé son collège dans un message contenant une suite d'emojis: un revolver, un couteau et une bombe. Ils ont été considérés comme des preuves suffisantes pour lancer la procédure judiciaire.
Autre exemple dans le Michigan, un juge a estimé que cette succession de caractères ":-P" -qui représente un personnage tirant la langue- "n'altérait pas matériellement la signification" des messages dans une affaire de harcèlement. Le harceleur a été condamné.
En Israël, dans une affaire de location immobilière annulée, un couple a été condamné il y a deux ans à dédommager un propriétaire à hauteur de 2000 euros pour ce message: "Bonjour, nous voulons la maison. Nous avons juste besoin de discuter de quelques détails", accompagné des émojis visage souriant/rougissant, danseuse de flamenco, deux femmes déguisées en lapin, signe de la victoire, écureuil et bouteille de champagne. Le vendeur avait retiré l'annonce pensant que l'affaire était faite, mais les potentiels acheteurs s'étaient finalement rétractés. Le tribunal a estimé que cette succession d'émojis valait consentement.
Ce détournement d’émojis devient une tactique redoutable qui permet d’échapper aux modérateurs… et aux parents ! Si vous découvrez des émojis qui vous semblent suspects sur les comptes de vos enfants, ne paniquez pas mais ouvrez le dialogue pour comprendre ce qu’ils font et pourquoi !
Coordonnés, certains utilisateurs des réseaux sociaux réalisent des « raids numériques » sous des publications ciblées, avec lesquelles ils expriment un violent désaccord. Sous les publications de célébrités LGBT+, féministes, ou encore d’influenceuses qui seraient jugées « trop grosses », « sans poitrine », « trop ci », « sans ça », par des internautes malveillants, mais aussi, sous des publications de victimes présumées de personnalités publiques, il n’est pas rare de voir des émojis plus verts que jaunes, car « en train de vomir ».
Ou encore celui qui représente un tas d’excréments. C’est même systématique pour certaines communautés d’internautes ouvertement homophobes, par exemple.
Slate avait alors indiqué à ses abonnés « subir une attaque des masculinistes ».
Mais que signifie « flooder », au juste ? À l’origine de cette pratique ? Un YouTubeur, Greg Toussaint, suivi à ce jour par plus de 270 000 abonnés, avec une idée bien précise en tête : distribuer des médailles aux meilleurs « gauchistes ».
Pas besoin de mots injurieux pour que ces messages d’émojis répétés soient interprétés par le droit français comme du cyber-harcèlement de meute.
La loi n°2018-7031 du Code pénal a été modifiée en août 2018, afin de lutter contre ces cas de « raids numériques ».
Du côté d’Instagram, en France, le réseau social a fait appel à l’association Génération Numérique, qui lutte contre le cyber-harcèlement. Au printemps 2021, ils ont annoncé avoir dressé, ensemble, une liste de mots, d’expressions, mais aussi d’émojis, considérés comme injurieux. Et cette liste noire pourra être personnalisée par l’utilisateur lui-même. Tel un filtre anti-harcèlement, qui s’adapte à différents cas et contextes.
Et parmi elles : « Il est interdit de publier, télécharger, diffuser en direct tout contenu qui encourage le harcèlement coordonné », ou encore, « tout contenu qui présente un préjudice ou une intimidation délibérée, comme le cyberharcèlement ou le trolling », mais aussi « les commentaires, émojis, textes ou autres contenus à caractère sexuel utilisés pour voiler ou suggérer la nudité ou l’activité sexuelle d’un mineur » et « tout contenu qui simule une activité sexuelle avec un autre utilisateur, soit verbalement, soit sous forme de texte (y compris les émojis) ».
« Y compris les émojis », assène le réseau social des plus jeunes, ne laissant aucune place au doute. Ce qui nous semble rassurant.
Sans compter que de nombreux émojis ont parfois un double sens, souvent à connotation sexuelle. C'est le cas de l'aubergine, devenu un symbole phallique, qui a même un temps été banni d'Instagram, ou de la pêche - qui ressemblerait à une paire de fesses - ce qui a poussé Apple à le modifier. De plus, la vigilance doit être celle de chacun, puisque les géants du numérique n’ont pas tous donné la même apparence à ces symboles.
On y trouve par exemple l’aubergine, potentiellement caractérisée comme une manifestation de harcèlement sexuel, ou celui de l’excrément comme du harcèlement moral. La truffe du cochon peut elle s’apparenter à un discours de haine, indique le guide.
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