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Dans l’album 40 hommes, 12 fusils sous-titré Indochine 1954 paru aux Éditions Denoël Graphic, Marcelino Truong nous fait vivre les derniers mois de la guerre d’Indochine aux côtés de Minh, un jeune peintre enrôlé malgré lui côté Việt-Minh avant d’être transféré dans une Unité de Propagande Armée.

Après Une si Jolie petite Guerre et Give Peace a Chance, Marcelino Truong délaisse la guerre du Viêt-Nam pour celle de l’Indochine. Artiste peintre de père vietnamien et de mère malouine, illustrateur, il est notamment l’auteur de deux romans graphiques autofictionnels publiés également chez Denoël Graphic dans lesquels il revient à travers ses souvenirs d’enfant puis d’adolescent sur la guerre du Viêt-Nam.

Le Contexte Historique

Pour évoquer cette période, l’auteur étant né en 1957, l’autobiographie n’est plus de mise. Marcelino Truong va donc se tourner vers la fiction ou plutôt comme il aime à dire « faction » (de « facts » : les faits en Anglais), une fiction créée à partir de faits avérés.

Dans le premier, Une si jolie petite guerre (2012), il évoque son enfance à Sài Gòn au début des années 60 alors que l’instabilité gagne le Sud-Vietnam et que la présence américaine se fait de plus en plus forte jusque qu’au départ de la famille pour Londres en 1963. Dans 40 hommes, 12 fusils, l’auteur remonte le fil du temps pour revenir aux derniers mois de la guerre d’Indochine, car pour comprendre la guerre du Vietnam, il faut aller puiser à la source.

L'Histoire de Minh

Minh, jeune étudiant en art de 21 ans issu de la classe instruite et aisée ne se sent pas vraiment concerné par le conflit qui divise ses compatriotes. Féru de jazz, il ne voit la vie ni en bleu, ni en rouge mais en rose, ne songeant qu’à la belle Lan, rêvant du Paris bohème de Saint-Germain-Des-Prés jusqu’au jour où il reçoit son ordre d’incorporation dans l’armée nationale de l’état du Việt Nam.

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Son père, haut fonctionnaire, lui obtient un sursis mais en contrepartie, Minh se voit contraint de se rendre dans le nord du pays afin de gérer le domaine familial dont la zone est désormais sous contrôle du Việt-Minh. Arrêté, soupçonné d’être un espion, il ne devra son salut qu’à son enrôlement dans l’Armée populaire de libération. Commence alors un éprouvant war trip : longues marches éreintantes, trois mois d’entraînement militaire intensif doublé d’endoctrinement politique en Chine afin qu’il devienne un bộ đội accompli, transfert dans une Unité de Propagande Armée au Tonkin.

La Division Idéologique

« En 1945 nous soutenions presque tous Hô Chi Minh au nom de l’INDÉPENDANCE ! Mais plus ça allait plus il devint clair que Hô était un COMMUNISTE, pur et dur. En 1949 les Français nous ont OCTROYÉ l’indépendance mais on doit continuer à se battre aux côtés des Français pour chasser les communistes. » Ainsi s’exprime le père de Minh pour justifier la présence de l’armée aux côtés des Français.

C’est l’occasion pour Marcelino Truong de rappeler que bien que la quasi-totalité des Vietnamiens fût indépendantiste, elle était profondément divisée idéologiquement. Aussi son récit portera-t-il et c’est là sa grande originalité non pas sur le combat contre les Français mais sur l’affrontement politique et idéologique auquel se sont livrés communistes et nationalistes.

L'Unité de Propagande Armée

Il faut savoir que la majorité des combattants ainsi que la population des campagnes d’ailleurs étaient illettrées. Donc pour faire passer les messages du parti, pour mieux les endoctriner, il fallait avoir recours au visuel, d’où la création de ces UPA constituées de 40 artistes hommes et femmes : peintres, écrivains, poètes, comédiens, danseurs, chanteurs … encadrés par un groupe de 12 hommes armés, d’où le titre « 40 hommes et 12 fusils ».

Nous sommes en 1953 et donc en pleine réforme agraire, la pierre angulaire de l’idéologie vietminh. La confiscation et redistribution des terres était l’occasion pour le parti de favoriser l’adhésion de la classe paysanne à la cause révolutionnaire. La Haute région du Nord-Vietnam dans laquelle se situe l’UPA rejointe par Minh est une région boisée montagneuse abritant une population aux coutumes différentes des habitants des villes. C’est l’occasion pour Minh, ses compagnons et le lecteur de découvrir des paysages grandioses et - ô temps suspends ton vol - la beauté des jeunes filles se baignant poitrine nue dans la rivière.

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Ces interactions permettront à l’auteur de montrer toutes les facettes et la complexité de cette époque sans omettre d’y glisser un peu de légèreté à travers des anecdotes amusantes et les relations nouées avec les habitants.

Conclusion

Ces planches en couleur, scènes de rue à Hanoï, paysages grandioses, villages du Nord, marches en montagne, femmes à la rivière … sont de toute beauté. 40 hommes et 12 fusils est un album absolument captivant et essentiel pour tout profane désireux de comprendre les enjeux qui ont sous-tendu la guerre d’Indochine et par ricochet celle du Vietnam. C’est aussi une formidable occasion d’en savoir un peu plus sur le quotidien des hommes et femmes pris dans la tourmente à travers le parcours initiatique et le regard de ce jeune peintre attachant.

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