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Képi-Blanc Magazine a rencontré Marcelino Truong pour discuter de sa dernière bande dessinée (300 pages !) sur l'Indochine, intitulée 40 hommes et 12 fusils (Éditions Denoël). Truong, illustrateur, auteur BD et peintre reconnu, nous plonge dans l'époque charnière où l'Indochine française tentait de donner la main à l'État associé du Vietnam (Bảo Đại).

Un Voyage à Travers l'Histoire et la Fiction

L'histoire est celle d'un jeune artiste-peintre vietnamien, engagé malgré lui comme bộ đội de l’Oncle Hô, entraîné et endoctriné en Chine maoïste, puis affecté à une unité de propagande. Nous suivons cet artiste-combattant jusque dans les tranchées de Điện Biên Phủ. Sans nier l’héroïsme du petit peuple vietnamien, Truong est sans complaisance pour les excès d’un État communiste clairement totalitaire, très souvent dépeint sous un éclairage bien trop romantique.

Pour Truong, ce nouveau roman graphique, sur les pas du jeune artiste Minh, qui débute à Hanoi, est une manière de prendre de la distance par rapport à son récit personnel, de souligner la fiction. Il explique qu'il avait envie de sortir de ce qu’on appelle l’autofiction, ou l’autobiographie.

La fiction permet des tas de choses, on y est beaucoup plus libre. Mon roman graphique est une fiction s’appuyant sur une très solide documentation, et on peut donc parler à son propos de faction. C’est un mot anglais décrivant un genre artistique alliant les faits vérifiés - facts -à l’invention - fiction.

Cela dit, le récit personnel ressurgit bien souvent, malgré tout, car on a tendance à mettre un peu de soi dans ses personnages. Pour écrire ce récit, je me suis souvent demandé comment j’aurais agi dans les mêmes circonstances.

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À 66 ans aujourd’hui, installé dans la cité corsaire de Saint-Malo, il est un illustrateur, un auteur BD et peintre reconnu. Ses romans racontent la vie de sa famille pendant la guerre du Vietnam au Vietnam, puis en Occident (Une si jolie petite guerre en 2012 et Give peace a chance en 2015).

Le "Mal Jaune" et les Rencontres Marquantes

Selon Truong, il y a une longue histoire commune entre le Vietnam et la Légion Étrangère. On peut même parler d’une histoire d’amour passionnel: le fameux "mal jaune" a souvent tourmenté les anciens d’Indochine, à la manière d’une maladie d’amour. Il comprend ce mal jaune, fait de nostalgie pour un beau pays que les Occidentaux ont beaucoup aimé et où ils sont aujourd’hui très bien accueillis.

Au cours de sa vie, Truong a plusieurs fois rencontré des anciens de la Légion. Parmi eux, M. Noinin, Hélie Denoix de Saint-Marc et l’adjudant-chef Salih Gusic. Au premier abord assez réservés, ces taiseux s’enflammaient volontiers quand ils apprenaient que j’avais des origines vietnamiennes.

  • M. Noinin: Un voisin du hameau en Charente qui avait fait deux séjours au Tonkin et lui a prêté des livres sur la Légion.
  • Hélie Denoix de Saint-Marc: Une figure légendaire de la Légion avec qui il a conversé au téléphone et qui l'a marqué par son message d'humanité.
  • L’adjudant-chef Salih Gusic: Un ancien des bataillons étrangers de parachutistes avec qui il a discuté de son expérience de l'Indochine et de la Légion.

Sources d'Inspiration et Véracité des Dessins

Pour Truong, le dessinateur BD doit savoir faire feu de tout bois et il faut une bonne documentation. Une bonne documentation vous permet d’atteindre un grand vérisme.

Quand on choisit de traiter un sujet historique, il est d’autant plus nécessaire de se documenter. Ce travail l'intéresse, car il y apprend beaucoup de choses et puis il a observé que la réalité était souvent bien plus belle que tout ce qu’il pouvait imaginer avec ses pauvres moyens.

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Il s'intéresse à la question du Vietnam depuis des années. Déjà en famille, ils avaient des tas de livres sur le Vietnam, sa culture et son histoire. Cela fait des lustres qu'il se documente par tous les moyens sur son sujet. Il a lu des dizaines de livres, interrogé des tas de gens. Il a fait des voyages pour se rendre sur les lieux, notamment dans la Haute région de l’ancien Tonkin et sur le champ de bataille de Điện Biên Phủ. Il a visité les musées; visionné documentaires et films de fiction; fouiné sur la toile en menant des recherches en français, en anglais, en allemand et en vietnamien. Internet est un énorme atout aujourd’hui ! Cela simplifie énormément les recherches. On trouve vraiment bien de choses qui, autrefois, étaient dispersées dans plusieurs livres.

Pourquoi ce Titre : « 40 Hommes et 12 Fusils » ?

40 hommes et 12 fusils, c’est la composition d’une unité de propagande armée, c’est-à-dire l’unité de base de l’Armée du peuple, créée en 1945 par le général Giáp et ses compagnons. Chez les communistes, le combat politique a la préséance sur la lutte armée. La guerre révolutionnaire s’attache beaucoup plus à conquérir les esprits que des territoires géographiques. Les détachements de propagande armée étaient donc composés d’une quarantaine de saltimbanques : écrivains, poètes, journalistes, mu...

L'Héritage Familial et la Recherche de Vérité

Dès l’enfance, Truong feuilletait des ouvrages sur l’histoire et la culture de l’Indochine appartenant à son père, Trương Bửu Khánh (1926-2012), ancien diplomate de la République du Viêt Nam. Dans 40 hommes et 12 fusils, il est évident que le père de Minh, personnage principal du roman graphique, est en partie modelé à l’image du sien, pour qui le service de l’État était une occupation noble et utile à la société. En cela, il se montrait très confucéen et vietnamien.

Pour combler cette lacune, Truong a eu envie de prendre la plume et le pinceau. Il voulait donner un visage aux Vietnamiens - alliés ou ennemis - trop peu décrits dans les mémoires de guerre des soldats français. Il voulait aussi franchir le rideau de bambou et visiter l’univers national-communiste vietnamien, très peu raconté en bandes dessinées ou alors de manière tantôt caricaturale, tantôt naïvement hagiographique.

Selon Truong, en creusant le sujet des luttes d’indépendance du Viêt Nam, on tombait vite sur des récits partisans, dont on pouvait difficilement espérer des descriptions objectives.

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Il a fallu attendre bien longtemps, l’arrivée dans les années 90 d’une nouvelle génération d’historiens occidentaux, plus jeunes et sans doute moins impliqués dans les conflits politiques vietnamiens, pour qu’apparaisse enfin une historiographie plus équitable et moins partisane. Un des historiens occidentaux l’ayant le plus inspiré est l’Américain Christopher Goscha avec son ouvrage remarquable Vietnam, un État né de la guerre, 1945-1954, paru en 2011.

Sources et Recherches Approfondies

Truong a eu à cœur de trouver le plus grand nombre possible d’ouvrages concernant les artistes-combattant vietnamiens. Parmi les ouvrages qui l'ont inspiré, on trouve :

  • Le catalogue de l’exposition Paris Saigon Hanoi au Pavillon des Arts (1998).
  • Le Carnet de guerre d’un jeune Viêtminh à Diên Biên Phu de Phạm Thanh Tâm.
  • Vietnam behind the Lines, Images from the War de Jessica Harrison-Hall (2002).
  • Dogma collection.

Rencontres et Témoignages

Avoir une famille vietnamienne est un atout considérable lorsque l’on veut se lancer dans un roman graphique portant sur des pages de l’histoire du Viêt Nam. Ses premiers voyages de retour au début des années 90 lui permirent de rencontrer une partie de sa famille vietnamienne élargie : ceux qui étaient restés au pays, soit parce qu’ils avaient soutenu la Révolution, soit parce qu’ils n’avaient pas pu fuir le Sud après 1975.

Pendant ses séjours au Viêt Nam, Truong eut de longues conversations avec son « oncle » Trung, qui s’exprimait dans un français impeccable. Il parvenait à vous faire ressentir de l’empathie pour le sacrifice consenti par les adversaires du régime de Saïgon.

Les récits de Lý Chánh Trung et de Bùi Thị Mè suscitaient l’empathie.

En conclusion

Après Une si Jolie petite Guerre et Give Peace a Chance, Marcelino Truong délaisse la guerre du Viêt-Nam pour celle de l’Indochine. Dans l'album 40 hommes, 12 fusils sous-titré Indochine 1954 paru aux Éditions Denoël Graphic, Marcelino Truong nous fait vivre les derniers mois de la guerre d’Indochine aux côtés de Minh un jeune peintre enrôlé malgré lui côté Việt-Minh avant d’être transféré dans une Unité de Propagande Armée.

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