Une tradition ancienne et présente dans plusieurs pays, les 21 coups de fusil lors d'un enterrement revêtent une signification symbolique profonde. À l'occasion de la clôture de la cérémonie de commémoration du Débarquement, 21 coups de canon ont été tirés.
Ce «salut» est notamment utilisé en Angleterre pour les anniversaires de la famille royale ou en France lors de l'investiture des nouveaux présidents de la République. Dans l'hexagone, cette tradition remonte à l'Ancien Régime. Lors de l'inhumation d'un roi récemment décédé, 101 coups étaient alors tirés pour symboliser l'arrivée d'un nouveau souverain. Si, en 1958, lors de la mise en place de la Ve République, le nombre de coups de canon a été abaissé à 21 par décision du général de Gaulle, le but n'était pas de faire des économies, ni de prendre un nombre au hasard. Le choix de 21 coups proviendrait de la tradition navale.
En effet, lorsque les bateaux arrivaient au port, ils déchargeaient leurs canons dans la mer de manière à annoncer leur venue pacifique. Puisque les canons étaient vides, ils n'avaient pas d'intention de les utiliser. Or, l'histoire explique qu'ils tiraient sept coups, soit parce que les marins ne possédaient que sept canons, soit parce que ce chiffre est considéré comme sacré dans la Bible. Puis, avec les différentes évolutions dans l'armement, les canons avaient la possibilité de tirer trois coups. Et trois multiplié par sept nous donne le fameux nombre 21. Désormais utilisé dans le monde entier, il est possible d'entendre ce salut symbolique aux États-Unis ou même au Bangladesh.
Dans certaines cultures, comme chez les Bamilékés, les funérailles sont des événements communautaires importants. Dans nos enterrements et dans nos funérailles, les gens arrivent de tout le pays. Ils prennent leur voiture personnelle et ils accélèrent en compagnie de leurs enfants. Ceux qui n’ont pas de véhicule prennent les cars, les cargos parfois, les racolages. Ils voyagent comme ils peuvent, ils s’asseyent en petits chauffeurs dans les coasters ou sur les escaliers dans les gros porteurs, peu importe.
Chez nous les Bamilékés, on se salue comme si la veille nous nous étions vus, pourtant il y a parfois dix années qui nous séparent. Chez nous au village, quand on se retrouve dans une cérémonie funéraire, on passe le temps à rigoler. On oublie que la vie en ville est difficile, on se rend compte de la chance qu’on a d’être encore sur ses quatre membres. On passe le temps à manger et à boire de la bière. Il y a toujours des femmes qui sont en train de préparer le repas sur les feux de bois et qui lèvent la tête et te demandent si tout va bien. Il y a la gastro-entérite qui n’est pas loin de te (re)prendre parce que tu mélanges toutes les nourritures et que tu ne te laves même pas les mains. Il y a les petits neveux de la famille qui te montrent déjà comment on boit la grande Guinness… Il y a des villageois qui viennent te faire des présentations de telle ou telle personne avec leurs dents jaunâtres, et puis vous vous esclaffez ; vous bavardez.
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Chez nous quand tu meurs on tape le tam-tam deux fois. La nuit, tu vois comment les gens entrent en transe. Ils accompagnent les batteurs comme un seul homme, comme une seule personne. Alors qu’il est 2 heures du matin, dans un coin perdu du globe, tu te sens fier d’être bamiléké. Tu t’en fous de ton costume ridicule qui est là pour te protéger du froid. Tu te moques de la poussière que tu soulèves avec tes pas de danse grotesques. Chez nous les Bamilékés, le deuil de chacun c’est le deuil de n’importe qui. Le deuil de quelqu’un c’est le deuil de tout le monde. Si tu regardes bien les yeux des gens pendant les rituels, tu vas voir que tout le monde pleure. Derrière notre apparente crédulité face à la mort, il y a une grande tristesse que nous essayons de camoufler. Il y a que nous ne voulons pas accepter le sort qui nous est réservé, et que c’est pour cela que nous disons NON à la mort en disant OUI à la vie. C’est pour cela que nous banalisons l’existence pendant nos funérailles : en buvant, en dansant, en mangeant, en s’amusant, en bavardant. À LA FIN, IL N’Y A MÊME PAS DE FIN.
Il y a des gens qui tirent des coups de fusil traditionnel, lesquels coups symbolisent des marques de déférence envers le défunt. Il y a les proches du disparu qui portent des chapeaux bizarres sur la tête, et qui partent se mettre à genoux devant les notables de la chefferie. J’ai cessé de me moquer, et de railler. Les funérailles de chez nous, c’est pour se poser la question : « Et puis quoi ? ». C’est pour célébrer les morts, les personnes disparues il y a dix ans, il y a vingt ans, il y a trente ans, il y a quarante ans. C’est pour leur dire qu’on ne les oubliera jamais. C’est pour remercier nos ancêtres, qu’on n’a jamais vus, mais dont on sait qu’ils seront toujours là. C’est pour revoir les membres de la famille, car on ne sait jamais à quel moment ils nous diront adieu. Alors les Bamilékés mangent, les Bamilékés rient, les Bamilékés dansent, les Bamilékés s’amusent. Les Bamilékés chantent pendant toute la nuit, et ils pleurent en même temps.
Les Lobi, quant à eux, ont des pratiques spécifiques liées au corps et au deuil. Si la pensée occidentale depuis la philosophie de Descartes a établi une dualité entre l’âme et le corps, en revanche cette séparation est inopérante chez les Lobi. En effet, le corps n’est pas seulement une réalité physique et visible mais il désigne aussi des entités immatérielles ou invisibles que le rituel mortuaire permet de mettre en évidence.
En pays lobi, en cas de décès, c’est l’aîné de la famille qui, après avoir constaté l’arrêt de la respiration, intervient en privé, pour faire un sacrifice de volaille sur l’autel de la maisonnée (thilkhaa). Il sollicite, par cet acte, l’autorisation des ancêtres (kontina) pour la célébration du rituel funéraire, faute de quoi un autre malheur pourrait s’abattre sur les membres de sa famille. Qu’il soit féticheur ou non, issu d’un autre clan, il faut qu’on tue un poussin sur thilkhaa avant les pleurs. Lorsque l’intéressé est adulte, sans enfant, on doit cependant égorger un poussin. Si c’est un homme de pluie, en plus du poussin, on doit « soulever le canari de pluie » avant de pleurer.
Ensuite, des hommes poussent les premiers cris de douleur, pour confirmer la réalité du décès. Leurs pleurs sont de courte durée car dit-on : « ils pleurent dans leur ventre » (sic). Puis, les femmes entrent en scène, poussant de stridents cris de détresse, les mains levées comme pour signifier qu’elles ont tout perdu. Ces lamentations sont, sporadiquement, accompagnées de 3 coups de fusil s’il s’agit d’un homme adulte et de 4 pour une femme. Pendant ce temps, le chef de maisonnée (codarkhun) choisit des émissaires (de préférence des frères ou sœurs du défunt, ses nièces ou neveux ou encore ses gendres) qu’il charge d’aller informer les parents, amis et connaissances dans différentes localités. En allant exécuter leur mission, ceux-ci prennent soin de tenir dans leur main gauche ou d’accrocher sur leur cycle des feuilles de karité, pour signifier qu’ils sont en deuil. Arrivés, ils annoncent le décès en considérant la qualité du lien social qui unit le disparu avec la personne à qui on veut apporter l’information.
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Généralement, tout décès est annoncé par des pleurs et des gestes de désolation. Ces pleurs sont entrecoupés de coups de fusil. Si le défunt est un initié, on fait, en plus, usage du tambour d’initiation. Puis, du haut de sa terrasse, on jette des poignées de mil, de maïs, de haricots, prélevées de ses greniers, en direction de son thilkhaa, divinité de sa maisonnée.
Ces comportements ont pour finalité d’exprimer non seulement une affection pour le défunt mais aussi une compassion à l’égard de la famille endeuillée. On regrette sa disparition, on déplore la situation dans laquelle les orphelins et la famille du défunt se trouvent subitement plongés. Ces manières de faire caractéristiques sont autant de techniques du corps qui informent, par la même occasion, les populations environnantes qu’un événement malheureux est intervenu au sein de cette maisonnée. Nous voyons que l’irruption de la mort dans le vécu quotidien des Lobi, instaure une perturbation sociale qui commande à chaque acteur d’apporter immédiatement son soutien à la famille éplorée. Chacun s’y rendant est muni d’une branche de karité qui symbolise le deuil et qui servira éventuellement de siège.
Donc, retenons que le décès d’un individu est d’abord dans cette société la disparition du corps, c’est-à-dire cette enveloppe charnelle et périssable. C’est pourquoi l’annonce de cet événement est interprétée comme abandon du corps par le souffle (fiewë).
Plusieurs composantes du corps ont une signification particulière dans le contexte du deuil chez les Lobi :
Finalement, retenons que l’annonce d’un décès dans la société lobi bouleverse la famille et la communauté toute entière. Le décès d’un individu, en effet, est perçu comme une désintégration de sa personne, c’est-à-dire de ses diverses entités corporelles. Celles-ci doivent, cependant, être canalisées ou maîtrisées par les vivants.
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C’est l’aîné de la famille qui autorise la toilette du corps. Auparavant, il s’est assuré que les obstacles liés à l’exécution des obsèques sont surmontés. Les soins apportés au cadavre (kiré) commencent alors par le rasage de sa chevelure et des poils des parties intimes. Les cheveux ainsi recueillis sont soigneusement conservés. La dépouille mortelle est ensuite ointe de beurre de karité et saupoudrée de talc dans certains cas. Cette toilette est, généralement, faite par des personnes de même sexe. Toutefois, il arrive que des femmes ménopausées lavent un corps d’homme car elles ne sont plus frappées par les interdits liés au tabou du sang. Elles sont devenues comme des hommes. En revanche, aucun homme ne lavera une défunte. Précisons, toutefois que tous les corps ne sont pas lavés à l’eau et au savon. Des produits de substitution comme du beurre de karité, de la cendre ou de la poudre de cauris sont parfois utilisés. Mais, cela est fonction du statut de l’individu et des conditions qui ont présidé à son décès. En effet, ne participe pas à la toilette d’un kheldar qui le veut. De même, le corps d’un foudroyé, d’un pendu, d’un accidenté ou d’une victime de morsure de serpent est l’objet d’un traitement différent de celui de personnes ordinaires. C’est pas tous les corps qu’on enterre au village. Ces morts-là, ce sont des personnes issues d’une certaine initiation ou qui possèdent une certaine puissance.
Toutes les personnes qui ont participé à la toilette du corps sont obligées de se laver les mains et les pieds avec l’eau contenue dans le pot en terre dans lequel ont été jetés des cauris. Ce geste symbolise une volonté de se purifier de la souillure occasionnée par le contact physique avec la dépouille mortelle. Les fossoyeurs (moundô) et les veuves/veufs sont d’emblée protégés de ces inconvénients. Les premiers, parce qu’ils sont détenteurs de forces magiques, les seconds parce qu’ils sont encore liés à cette « force du cadavre » (Bonnafé & Fiéloux, 1984), pour avoir déjà partagé l’intimité du mort.
Après ces soins, le corps est transporté dans la chambre de la « première femme » où il est vêtu de ses plus beaux habits traditionnels. Aussitôt, des coups de fusil retentissent pour annoncer sa sortie en vue de la cérémonie d’exposition. Il est ensuite assis dehors sur une chaise, devant l’entrée principale de sa concession, la tête tournée vers l’est, prêt à recevoir les visiteurs qui lui offrent de la volaille ou des animaux tandis que les visiteuses lui apportent du sel, des pistaches, de la viande séchée ou fumée. Autrefois, le défunt pouvait être coiffé d’une calebasse. De nos jours, il porte des lunettes, tient dans ses mains un pot en terre (blensiri) dans lequel les deuilleurs jettent chacun quelques...
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