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Cet article explore des récits variés, allant du cinéma international aux légendes locales, en passant par un western méconnu. Nous aborderons un film bhoutanais, un western oublié se déroulant près d'un lac, et les mystères entourant un lac français.

The Monk and the Gun : Un Film Bhoutanais à l'Affiche Internationale

Nouveau film venu du Bhoutan à s’inviter sur la scène internationale, The Monk and the Gun (Le Moine et le Fusil) ne fera finalement pas partie de la compétition pour l’Oscar du meilleur film étranger. Le film faisait partie de la liste des 15 pré-nominations de cette année pour les Oscars. La liste finale ne compte que 5 noms et le long-métrage bhoutanais a été écarté. Primé à Vancouver et à Rome, The Monk and The Gun est réalisé par Pawo Choyning Dorji. Le réalisateur bhoutanais est déjà mondialement connu pour son film précédent L’Ecole du bout du monde.

Il raconte l’époque de l’avènement de la démocratie dans le Royaume du Bhoutan jusqu’alors coupé du monde. 2006. Alors que les premières élections du pays approchent, les autorités organisent une simulation d’élection. Histoire que les habitants se familiarisent avec une logique alors bien nouvelle. En voyageant dans une province reculée, le superviseur des élections a une surprise. Il rencontre un moine qui se prépare lui aussi pour cette nouvelle ère au Bhoutan. Il s’est procuré un fusil… Coproduit par la société français Films Boutique, le film devrait bien sortir en France.

The Secret of Convict Lake : Un Western Méconnu

Le 17 septembre 1871, vingt-neuf prisonniers s’évadent du pénitencier de Carson City dans le Nevada. Cinq semaines plus tard, six hommes qui n’ont pas été rattrapés se battent avec la neige et le blizzard dans les montagnes californiennes. Ces déplorables conditions météorologiques font rebrousser chemin aux poursuivants, le shérif étant certain que les convicts vont mourir de froid. Mais le petit groupe conduit par James Canfield (Glenn Ford) arrive dans un petit village près du lac Monte Diablo. Il n’y est cependant pas arrivé par hasard, ce lieu étant celui que souhaitait justement atteindre Canfield pour une raison bien précise (que je ne vous dévoilerai pas car elle constitue une partie du secret du titre original).

Les évadés constatent rapidement que l’emplacement a été déserté par ses éléments masculins ; les voici en partie rassurés. Mais, alors qu’ils font leur apparition dans la rue principale du village, ils sont accueillis par les femmes le fusil à la main. Marcia Stoddard (Gene Tierney) remarque leurs chaînes aux chevilles et, après qu’ils ont été obligés d’avouer leur condition, ils sont relégués dans une des cabanes du village de laquelle ils n’ont pas le droit de sortir. Mais l’un des ex-prisonniers est blessé et Canfield demande à ce que l’on vienne le soigner. La vieille Granny (Ethel Barrymore), qui semble commander le village en l’absence des hommes, accepte que trois d’entre elles se rendent assister le jeune Clyde, un jeune meurtrier psychopathe. Alors que Canfield paraît curieusement intéressé par l’homme qui doit épouser Marcia, Rachel (Ann Dvorak) est entrepris un peu cavalièrement par l’inquiétant Greer (Zachary Scott).

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Les femmes, plus méfiantes que jamais, décident de cacher leurs armes. En se rendant la nuit nourrir les bêtes, Rachel, par peur, incendie la grange. Les fugitifs viennent à la rescousse. Cette aide redonnant confiance aux femmes, celles-ci relâchent leur attention... Même s’il ne possède rien de forcément marquant, The Secret of Convict Lake s’avère néanmoins une belle réussite, un curieux western faisant la part belle aux personnages féminins, mélange de drame psychologique, de suspense et de film noir.

De ce fait, il apparaît incompréhensible que ce premier et singulier western de Michael Gordon ait été à ce point oublié de part et d’autre de l’Atlantique. Le film n’a pas eu les honneurs d'une notule dans le copieux "catalogue" de Phil Hardy, et même le dictionnaire quasi exhaustif de Jean Tulard l’a passé sous silence. Il semble en fait ne pas avoir été beaucoup vu hormis lors de ses récents passages à la télévision. Si l'on se projette un peu en avant, on constate qu’il préfigure beaucoup la célèbre Chevauchée des bannis (Day of the Outlaw) d'André de Toth. Jugez plutôt au vu du postulat de départ qui s’en rapproche d’assez près.

Michael Gordon n’a réalisé que ce seul western avant Texas, nous voilà en 1966. Issu d’une famille aisée, il fut d’abord acteur de théâtre avant de passer à la réalisation au début des années 1940. D’un tempérament "humaniste", homme cultivé et très sympathique selon les dires, il tourna un film sur le problème de l’euthanasie (An Act of Murder), quelques séries noires et enfin une adaptation du Cyrano d’Edmond Rostand avec José Ferrer. Porté sur une des premières listes édictées par le sénateur McCarthy, victime de la chasse aux sorcières, il dut arrêter sa carrière durant presque une décennie après The Secret of Convict Lake.

Il reviendra derrière la caméra grâce au producteur Ross Hunter, qui l’accueillera au studio Universal après qu’il a dû faire acte de contrition. Un retour triomphal, puisque ce sera par l’intermédiaire d’un énorme succès financier et par la même occasion l’une des comédies américaines les plus drôles jamais réalisée, Confidences sur l’oreiller (Pillow Talk) avec l’inénarrable duo Rock Hudson / Doris Day. Une jolie surprise donc que son unique western : original, concis, tendu, bien interprété et joliment photographié (très bonne utilisation des superbes paysages bien intégrés avec les décors en studio, notamment lors de la séquence de la poursuite finale de Zachary Scott par les hommes de loi).

The Secret of Convict Lake n’est certes pas inoubliable ni par sa mise en scène ni par sa direction d’acteurs qui manquent toutes deux de puissance et de conviction, mais Michael Gordon bénéficie d’un beau casting et nous octroie néanmoins quelques beaux moments de cinéma. Le prologue dans les étendues neigeuses nous happe directement, la séquence de la grange au cours de laquelle Ann Dvorak, apeurée, finit par y mettre le feu, s’avère un superbe moment de suspense et les séquences mouvementées sont sacrément efficaces. Même si la seconde moitié du film est un peu plus convenue que la première avec une échappée du huis clos vers la ville, et du coup un changement total de point de vue quelque peu déstabilisant, voire même carrément décevant, le scénario continue quand même à nous exciter jusqu’au bout en nous offrant en outre encore quelques séquences de violence assez fulgurantes comme "l’enfourchement" d’un des fugitifs par le groupe de femmes.

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Si les caractères de tous les personnages sont maintenant bien typés, les relations entre Zachary Scott et Ann Dvorak tout comme celles entre Glenn Ford et Gene Tierney continuent de nous intéresser ; surtout les premières d’ailleurs puisque Ann Dvorak bénéficie du personnage le plus complexe et par le fait le plus passionnant. Pour son dernier rôle au cinéma, elle se montre la comédienne la plus inoubliable de la distribution, par ailleurs de premier choix. Il s’agit d’une vieille fille un peu revêche qui, quand elle compatit avec une épouse attendant avec impatience et angoisse le retour de son époux, se voit rétorquer que mieux vaut quand même avoir quelqu’un à attendre que d'être dans sa situation d'esseulée.

Frustrée sexuellement, elle va se jeter dans les bras du premier homme venu qui daigne avoir sur elle ne serait-ce qu’un regard concupiscent, et même s’il s’agit d’un bandit a priori assez dangereux. Ce qui donnera l’occasion d’une séquence très osée pour l’époque, rarement encore vue au sein d’un western, celle qui surprend les amants peu après qu’ils viennent de faire l’amour. On constate que Rachel, sous son aspect a priori maussade et glacial, s’avère finalement désirable et qu’elle a retrouvé après cela de la féminité dans son comportement et même sur son visage.

En revanche, les autres acteurs, s’ils font tous très bien leur travail, ne trouvent pas de rôles spécialement mémorables, que ce soit Glenn Ford, Gene Tierney, Ethel Barrymore ou Zacharie Scott ; ils sont très loin d’être mauvais, juste un peu trop sobres pour le coup ! Tout comme Jack Lambert qui, malgré sa gueule inquiétante de l’emploi, n’a guère l’occasion de s’exprimer. La galerie de personnages n’en est pas pour autant dépourvue de richesse au sein de ce huis clos psychologique trouble et tendu, rendu également oppressant par l’utilisation qui est faite de la partition de Sol Kaplan et des éclairages contrastés de Leo Tover.

Captivant de bout en bout, le film dont Ben Hecht participa anonymement au scénario manque un peu de chaleur et d'émotion mais se termine malgré tout sur un très joli happy-end, apaisant et pour une fois pas incongru ni balancé sans prévenir comme si l'on avait voulu en finir au plus vite. Une belle histoire qui profite de l'occasion, par l’intermédiaire du personnage joué par Gene Tierney, pour stigmatiser la vengeance.

Le Lac à la Dame : Légendes et Histoires d'un Lac Mystérieux

C’est un petit lac, très poissonneux, de deux ou trois hectares et profond d’à peine 15 mètres. Sur sa rive nord un petit hameau, à l’extrémité ouest les Monnets, à l’autre extrémité une seule maison proche d’un petit pont qui donne passage au Seigne, ruisselet, qui s’en va rejoindre la Saine par Grataloup, au bas de Malvaux. Outre la route qui le relie à Foncine le bas par les Fumey et à Fort du Plasne, ce hameau est proche d’un chemin forestier menant à la Vie du Four puis à Entre deux Monts. Ce chemin était encore très fréquenté en 1925.

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On sait par Jean-Baptiste Munier, que le 19 décembre 1735, le sieur Marmet, avocat au parlement, ancien mayeur de Salins, procureur général de M. le comte de Watteville seigneur de Château-Vilain, Foncine et autres lieux, passa acte d’assensement du lac de Foncine le bas dit le lac à la Dame par le sieur Etienne-François Jeannin, horloger. Le prix de cet assensement fut payé au moyen de la construction de la sonnerie d’une horloge posée au Château-Vilain et d’un cens annuel de trois sols ... Rousset nous apprend d’autre part que vers 1850, le lac à la Dame appartenait à M. Guérillot, ancien seigneur de la Chaux des Crotenay. A la fin du 19eme siècle, on trouve au hameau, dit tantôt "lac à la dame", tantôt "vers le lac", de nombreux Michoudet et quelques Jacquet et Blondeau.

C’est encore J.B. Munier qui a la réponse. A la source de la Saine, une jeune fille se serait précipitée dans le gouffre, et son ombre reviendrait faire des apparitions dans nos parages solitaires. C’est la Naïade ou la fée de la source. Mais elle n’est pas seule dans le pays. Or, dit M. Monnier dans l’annuaire de 1848, ces particularités nous renseignent sur une époque de transition du culte des Gals, au nouveau culte romain elles nous portent à considérer la Dame de fons Sène, comme une druidesse ou comme un oracle attaché d’abord au culte de la source; puis converti au christianisme, à l’époque où l’évangile prévalut au fond de nos montagnes, dernier refuge des druides.

La dame du lac s'est promenée un peu partout dans le canton des Planches. Le "Jura Français" a publié en 1978 un charmant "Conte pour une veillée" de Cl. "L'ancien village gaulois (il l'avait baptisé la Clairière Bleue), s'est effacé dans la poussière du temps mais la Sainte Fontaine est toujours là. Une rivière en coule toujours. On l'a nommée la Saine. Les anciens disaient jadis qu'une Dame Blanche, d'une merveilleuse beauté s'élançait parfois de la vasque de la fontaine et s'en allait cueillir des fleurs qu'elle répandait sur l'eau pure. Bienheureux ceux qui ont vu la jeune fille, car c'est un signe de bonheur en amour. Certains ont vu un beau cavalier à la cape blanche arriver et emporter la belle Dame par dessus la forêt et s'enfoncer dans le Maldru après avoir fait trois fois le tour de la Tioulette.

Jean-Baptiste Munier rapporte une histoire qui se passe entre Fort du Plasne et Foncine le bas, c’est à dire, pourquoi pas à la Grange à la Dame. Entre le territoire de Fort du Plasne et celui de Foncine le Bas était un oratoire appelé oratoire à pardon. C’était un lieu d’asile comme la croix de Miséricorde à Arlay. D’où vinrent les premiers habitants de Fort du Plasne ? La tradition populaire nous l’apprend.

A la limite septentrionale du territoire de Fort du Plasne existait avant 1793, l’oratoire à pardon que tous les vieillards assurent avoir été un lieu d’asile, auquel avaient recours les individus qui, s’étant brouillés avec la justice, ne voulaient avoir affaire qu’à la miséricorde de Dieu. Les seigneurs établissaient de ces lieux privilégiés dans les contrées où ils désiraient attirer les colons pour défricher les déserts et les peupler de sujets. Il est bien à présumer que l’oratoire à pardon dût son établissement à des considération temporelles et politiques.

Nous nous garderions bien cependant de prendre pour une famille de réfugiés de ce genre, la petite population qui s’est groupée près de là et qui est connue de tout le monde sous le nom emprunté de "famille du pardon". L’enceinte, privilégiée était circonscrite; il s’en suit que, lorsque le transfuge en sortait, rentrant dans la condition commune, il avait aussitôt à rendre compte de ses actions antérieures; ce n’était qu’à la faveur d’un déguisement que notre homme parvenait à se tirer d’affaire; et dès lors, rien de plus simple que de s’affubler des peaux de bêtes fauves. Voilà l’histoire des loups-garous de nos montagnes. Les loups-garous du Maréchet, hameau de Fort du Plasne, le plus voisin de l’oratoire à pardon, sont célèbres dans tous les contes des veillées.

On pourrait se demander si ce malheureux n’était pas un habitant du Maréchet ou de Sous le Mont-Noir. Selon le manuscrit de Buchet en 1810, on croyait anciennement que les gens de cette région étaient pour la plupart des sorciers, et que tous les soirs ils se rendaient dans les forêts, au lieu-dit de la Bajuette, pour se divertir et conférer avec le diable. "AU XIIème siècle, le Haut-Jura sortait de ces périodes tragiques qui, de calamités en désastres anéantissaient en quelques mois toutes les populations pré-installées. Ils étaient 43, originaires de Savoie ou des plaines suisses, en quête de lieux favorables pour installer leurs communautés. On leur accorda à chacun un "voisinal", coin de terre sur lequel ils pourraient bâtir leur maison et pratiquer une culture de subsistance. On connaît leurs noms. Certains y ont attaché leurs patronymes. L'ancêtre de la Grange à la Dame portait un nom singulier, Martin GAUSET.

"Vers le Lac", au Nord-Ouest du lac, est devenu "la Grange à la Dame", sa mise en valeur dépendant d'une grange, "le mont à la chèvre". On dit que c'est vers le sommet de ce mont, quarante mètres au-dessus du lac, que sorciers et sorcières rencontraient leur satanique maître. Olivier Bisiaux, qui a grandi à la Grange à la Dame et qui s’est expatrié dans la Haute Garonne, se souvient d’un climat rude et des habitants qui sont un peu à son image. Le froid isole les familles; les terres et le bétail alimentent les querelles ancestrales. L’un menace de son fusil son voisin chaque fois qu’avec ses vaches, il passe devant chez lui. Un autre se serait débattu au milieu du lac pendant une heure et serait mort noyé sans que personne ne l’entende ni le voit. Une dame paranoïaque, appelée la Chique, avait peur qu’on la tue. Elle se promenait en calèche avec son mari installé derrière et armé d’un fusil. Après sa mort on a raconté qu’une horloge fonctionna pendant un an sans que personne ne vienne la remonter. Il semblerait que son fantôme continue à hanter les lieux.

Plus grave : le 16 juillet 1876, cinq jeunes filles, toutes originaires des villages voisins, s'embarquèrent sur un frêle esquif. Le bateau, trop lourdement chargé, chavira au milieu de la nappe. L'endroit semble décidément propice à la noyade : le 1er janvier 1879, Joseph Guy est retrouvé mort dans la rivière, près du Lac à la Dame. Le 11 février 1871, c'est François Joseph Blondeau qui se noie à son tour dans le lac. Et, bien plus pire, comme on disait, mais pas très certain : un couple avait adopté une règle de sélection génétique bien particulière. La femme était enceinte chaque année. Les garçons qui venaient au monde avaient droit à la vie. La première fille aussi; elle serait utile dès sa sixième année. Les filles suivantes étaient soumises à un simple exercice. Le père les portait à hauteur de la chéneau du toit. Celles qui faisaient le geste de s’accrocher à ce cheneau étaient sauvées; elles sauraient garder l'argent à la maison, les autres tombaient et étaient abandonnées aux renards.

Ne parlons pas de la Carcasse qui des Voigneurs descendait à Foncine le bas par la Grand-Vie, ni du Tord cou qui avait sa fouilla près de la Vie du Four. Le Lac à la Dame n’est tout de même pas aussi noir que ça. Rousset écrit, vers 1850 qu’il était très poissonneux. Numa Magnin a promené la Bique dans ces chemins. Ne parlons pas de Gargantua. On sait qu’après avoir tari la source du Drouvenant près d’Uxelle(Il avait dû déplacer un rocher, devenu le rocher à Gargantua, pour pouvoir assouvir sa soif), il avait dû, en arrivant à Fort du Plasne, satisfaire un besoin naturel. Posant un pied sur le Mont à la chèvre et l’autre sans doute sur les Voigneurs, il avait créé le lac dont il est question. Peut-être le champ baptisé la Campène est-il une empreinte de ce pied de Garguantua. Il est situé sur le flan du Mont à la Chèvre.

François venait chaque année y faucher sa dernière voiture de foin. Un tout petit champ au milieu des bois et des noisetiers. On y accédait par la Grand-Vie et les Fumey puis par un chemin pentu et perdu sous des buissons d’épines. Entre les foins et la moisson - car on moissonnait encore à cette époque - il y avait quelques jours de calme. François s’assurait que le beau temps serait là. Il ne voulait pas risquer de devoir aller encucher le soir puis rétendre le lendemain. Pour cela il avait bien un baromètre mais il se fiait davantage au vent.

De bonne heure il chargeait sur le baria : faux, fourches, râteaux, perche à foin, corde, chasse-mouches et le panier à casse-croute avec deux bouteilles de limonade (fabrication maison et enveloppées dans un sac de jute pour rester fraîches) ... Il attelait la Poulette et s’installait sur le bord du baria après avoir placé un sac sous ses fesses. Un ou deux gamins sautaient à ses côtés. A l'arrivée, François jetait un oeil au terrain puis saisissait sa faux qu’il avait enchaplée (battue avec un marteau spécial pour l'aiguiser) la veille. Il faisait des andains bien droits, allait chercher l’herbe jusque sous les buissons. Les gamins étendaient, tournaient, puis retournaient le foin fauché. Et surtout courraient aux alentours à la recherche des fruits sauvages: noisettes, fraises des bois, framboises, ... Vers midi la Margot arrivait à pied. Elle avait attaché les vaches qui avaient fuit les tavins en bezillant. Elle apportait un gâteau, reste de la fête et une thermos de café.

Aussitôt le repas terminé, elle faisait ses cinq minutes quotidiennes (un somme), puis en ratelant, distribuait conseils et reproches. Vers cinq heures on andainait, on râtelait encore puis on chargeait. François était sur la voiture; il rangeait le foin que la Margot lui tendait au bout de sa fourche. Il faisait ça "au carré", comme un paquetage à la caserne. Enfin on perchait, on peignait, pour que le foin ne se perde pas dans les épines du chemin de retour. La Margot s’assurait que rien n’était oublié, que le champ était bien râtelé et la voiture bien peignée. Et elle pressait le départ car il fallait, en arrivant à la ferme, boire le jus et traire les vaches. Tout le monde grimpait sur le foin bien rangé. Les gamins avaient ramassé quelques fleurs des champs et ils fixaient ce bouquet au haut du fréti. François restait à pied, près du cheval jusqu’à une petite pente du chemin, car là il fallait serrer la mécanique pour que la voiture ne s’emballe pas. Puis il reprenait sa place les guides en mains. Les foins étaient finis ...

Tout cela se passait au siècle dernier, à une époque où même la Kiwa n'existait pas. Il y avait bien la galère; ce lourd râteau en fer de deux mètres de large qu’il fallait tirer. Mais on ne l’amenait pas à la Campène. Heureusement ! Les petits râteaux étaient plus légers et la Margot les maniait adroitement. On ne fauche plus à la Campène. On ne fauche plus à la main et les outils modernes ne daignent pas s’abaisser à de si petits travaux. En 1930 Il y avait à Foncine une vingtaine de cultivateurs et François n’avait jamais trop de foin. Et surtout, il n’aurait pas voulu laisser un coin de terre en friche.

Françoise Desbief, dans sa "Balade ferroviaire à travers le Jura", passe au pays des lacs, pays des fées et des chevaliers où les sorcières dansent, cherchent les imprudents à partager leurs fêtes et les poussent, sans compassion, jusqu’à l’épuisement. Le mystérieux cavalier qui errait au dessus des lacs de Bonlieu, des Maclu ou de Narlay se montrait aussi du côté des Foncine. Il était plutôt serviable, ne refusait jamais de mettre en lieu sûr les malheureux fuyards, se montrait compatissant aux contrebandiers et aux amoureux séparés et prenait toujours le partis des pauvres et des hors la loi. Mais contre le diable, rien ne vaut un bon signe de croix ...

On raconte q’une femme, dont il était amoureux, lui avait demandé de creuser le lac qu’on appelle de la "Grange à la dame". En échange, bien sûr, elle se donnerait à lui corps et âme, c’était promis. Le diable, pas feignant, se mit en devoir de creuser un lac, petit mais joli, tout bleu dans sa campagne verte. Une fois la besogne achevée, il réclama son dû, comme de juste. Mais la belle était rusée et, sachant que son soupirant détestait les signes de croix, elle ne se priva de lui en faire. Cela mit le malheureux dans un tel état qu’il dut fuir au plus vite, toutes affaires cessantes. Rabelais se trompait donc.

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