Les forces de l'ordre utilisent des instruments dits «armes de forces intermédiaires», ou encore armes «sublétales», face à une foule, comme instruments ultimes avant de tirer à balles réelles. Parmi ces armes figurent les grenades explosives ou les lanceurs de balles de défense (LBD). Avec le temps, le LBD est devenu l'un des instruments préférés des forces de l'ordre sur le terrain.
La grenade GLI-F4 est une petite bombe dotée de 25 grammes de TNT (tolite). Cette grenade produit une forte explosion (165 décibels à 5 mètres) en plus d'un effet lacrymogène. L'effet de souffle est particulièrement effrayant pour les manifestants.
Depuis l'interdiction de la grenade OF-F1 suite au décès de Rémi Fraisse à Sivens en 2014, c'est la grenade la plus puissante de l'arsenal des forces de l'ordre. Un rapport commun de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) et de la police nationale (IGPN), publié le 13 novembre 2014, notait que «même pour […] les plus agressifs, il est difficile de se prémunir» contre cette grenade.
La GLI-F4 est aussi, et de loin, la plus dangereuse. Ce même rapport reconnaissait ainsi que ces «dispositifs à effet de souffle […] sont susceptibles de mutiler ou de blesser mortellement un individu». De plus, «quel que soit le moyen utilisé, comme il s'agit d'un dispositif pyrotechnique, une atteinte à la tête ou sur le massif facial ne peut jamais être totalement exclue».
Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, cette grenade est suspectée d'avoir conduit à quatre mains arrachées, un œil endommagé (perte de la vue) et un pied blessé. La France est le seul pays en Europe à utiliser cette arme particulièrement mutilante en opérations de maintien de l'ordre. Cependant, elle devrait appartenir au passé : les commandes ont cessé, le ministère ayant choisi de la remplacer par la GM2L.
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La GM2L produit un effet lacrymogène et assourdissant, mais pas déflagrant comme la GLI-F4, selon le ministère de l'Intérieur. Les stocks actuels seront utilisés jusqu'à épuisement.
Le LBD 40 (lanceur de balles de défense de 40 millimètres de diamètre), en forme de fusil terminé par un gros canon, fait florès dans les rangs policiers. Fin décembre, le ministère de l'Intérieur a passé commande de 1 280 nouveaux LBD sur quatre ans.
Les premiers LBD étaient de type Flash-Ball Super-Pro, apparus en maintien de l'ordre en France au début des années 2000, et notamment après les émeutes de 2005. De fabrication française, ils ont été progressivement remplacés depuis 2009 par le LBD 40, de fabrication helvétique, plus puissant et plus précis. Pourtant, le nombre important de blessés graves liés à cette arme (71 depuis le début du mouvement des gilets jaunes, selon le recensement de Libération) est inexplicable.
Sur le papier, l'usage du LBD est très encadré. Une instruction du ministère de l'Intérieur de septembre 2014 explique que le tireur doit viser «de façon privilégiée le torse ainsi que les membres supérieurs ou inférieurs», mais en aucun cas la tête. Chaque tir doit également faire l'objet d'un rapport détaillé. Des recommandations sans grand effet sur le nombre de bavures constatées sur le terrain.
Le Défenseur des droits expliquait dans un rapport de décembre 2017 que «dans le cadre d'un rassemblement sur la voie publique, le lanceur de balles de défense ne permet ni d'apprécier la distance de tir ni de prévenir les dommages collatéraux […] Au cours d'une manifestation où, par définition, les personnes visées sont généralement groupées et mobiles, le point visé ne sera pas nécessairement le point touché et la personne visée pourra ne pas être celle atteinte». Le Défenseur des droits estime que cette arme détient «un degré de dangerosité disproportionné au regard des objectifs du maintien de l'ordre».
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Le préfet de police de Paris avait fini par renoncer au LBD en maintien de l'ordre, sensible à ce rapport… avant de faire machine arrière lors du mouvement des gilets jaunes. La France reste ainsi l'un des rares pays en Europe (avec la Grèce, l'Espagne et la Pologne) à l'utiliser.
David Dufresne relève que «le Royaume-Uni avec ses hooligans ou l'Allemagne avec ses néonazis ont aussi des vraies problématiques de maintien de l'ordre. Et pourtant, ils réussissent très bien à s'en passer». Pour ce journaliste spécialisé, les dérives dans l'usage du LBD en France sont aussi et surtout le fait de policiers non formés au maintien de l'ordre, comme les membres des brigades anticriminalité. Selon Dufresne, un phénomène qui rejaillit avec les gilets jaunes, et qui a au moins le mérite de mettre en lumière ce «qu'il se passe depuis quinze ans dans les banlieues, sans que personne n'en parle».
Aux États-Unis, le débat sur le contrôle des armes a été relancé par plusieurs fusillades. La National Rifle Association (NRA), le lobby américain des armes, affirme que «un mec bien avec une arme peut arrêter un mauvais mec avec une arme» («a good guy with a gun can stop a bad guy with a gun»). En d'autres termes, le port d'armes peut être un moyen de mettre un terme aux tueries de masse.
De nombreux sites et blogs pro-armes reprennent cet argumentaire, listant le nombre de tueries «évitées» grâce à un civil portant une arme. Cependant, s'il est possible de mentionner des cas de tireurs neutralisés, il est impossible d’affirmer qu’un civil armé a empêché un meurtre, ou a fortiori une tuerie de masse.
Le FBI, sa division des affaires criminelles et le centre ALERRT (Advanced Law Enforcement Rapid Response Training) de l'Université du Texas publient chaque année des rapports sur les incidents par balle survenus aux Etats-Unis et impliquant un «tireur actif». Un «tireur actif» est défini comme «une ou plusieurs personnes se sont activement résolues à tuer ou à essayer de tuer des gens dans une zone peuplée».
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Entre 2000 et 2018, 277 fusillades avec un «tireur actif» ont été recensées. Neuf «victimes potentielles armées» ont stoppé le tireur. Il s'agit d'un policier en repos, de deux agents de sécurité armés, et de six civils qui portaient des armes dissimulées.
Selon le rapport publié en avril 2018, sur les cinquante fusillades qui ont fait 221 morts et 722 blessés dans 21 Etats en 2016 et 2017, vingt sont considérées comme des «tueries de masse». Huit tireurs ont été «arrêtés par des citoyens». Sur ces huit cas, quatre civils n'étaient pas armés.
Dans deux autres cas, un civil a tenu à distance le tireur en attendant que les forces de sécurité arrivent.
Selon le rapport sur l’année 2018, sur les vingt-sept tireurs, un a été tué par un citoyen.
Sur ces vingt-sept cas, des citoyens se sont opposés au tireur à cinq reprises. Dans trois de ces incidents, les civils n’étaient pas armés.
Des civils armés sont déjà intervenus lors de fusillades en tuant un tireur potentiel. C'est arrivé six fois sur les 277 fusillades analysées par le FBI et le centre ALERRT entre 2000 et 2018. Sur ces trois dernières années, il n'existe qu'un seul cas où le tireur a été abattu dans le cadre d'une tuerie de masse (faisant au moins quatre morts). Il s'agit de la fusillade de Sutherland Springs dans une église texane en novembre 2017.
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