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La question d’un éventuel rétablissement de la conscription revient régulièrement dans le débat politique en France. Lors de l’élection présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron avait ainsi proposé l’instauration d’un « service militaire universel » d’une durée de seulement un mois.

Mais, une fois élu [et réélu], ce projet s’est mué en « service national universel » [SNU], lequel pourrait se généraliser en 2026 [du moins est-ce la feuille de route donnée au gouvernement].

Pour autant, selon le général Pierre-Joseph Givre, directeur du Service national et de la jeunesse au ministère des Armées, un retour de la conscription n’est pas totalement exclu. « S’agissant de l’éventuel rétablissement du service national, la réponse a été donnée par le chef de l’État et le ministre des armées. Jusqu’à présent, elle consiste à accroître l’épaisseur de la ressource humaine du ministère des armées, en augmentant la réserve. Le président de la République a par ailleurs indiqué que le débat n’était pas figé et que si les circonstances l’exigent, nous devons être prêts à rétablir un service national, sous une forme militaire ou autre », a-t-il en effet déclaré lors d’une audition à l’Assemblée nationale ayant eu lieu le 20 mars et dont le compte-rendu vient d’être publié.

La Journée Défense Citoyenneté (JDC)

En attendant la possible généralisation du SNU, chaque jeune âgé de moins de 25 ans, après avoir accompli les démarches [obligatoires] du recensement, est fortement incité à participer à la Journée Défense Citoyenneté [JDC, autrefois appelés Journée d’appel de préparation à la Défense, ou JAPD].

Celle-ci prévoit des tests d’évaluation, un enseignement sur le civisme, une information sur « l’égalité entre les femmes et les hommes » et une sensibilisation aux enjeux de la défense.

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L’utilité de cette JDC est régulièrement remise en cause [de même que son coût, de 100 millions d’euros]. « Ce n’est pas en quelques heures qu’il est possible d’aborder les enjeux de la Défense, qui, par ailleurs, ne sont évoqués que succinctement pour faire la place à d’autres thématiques », avaient ainsi estimé les députés Marianne Dubois et Joaquim Pueyo, dans un rapport remis en 2016.

Depuis, le constat n’a pas varié d’un iota… comme l’a récemment admis Sébastien Lecornu, le ministre des Armées. « C’est devenu une journée un peu fourre-tout, où des gens admirables s’engagent pour la faire vivre, mais au fond, elle se démilitarise un tout petit peu avec le temps », a-t-il en effet déclaré, à l’antenne de LCI, le mois dernier.

Comme elle « passe à côté de sa cible », le ministre a dit souhaiter la « rendurcir militairement » car il « faut qu’à la fin de cette journée, les jeunes Françaises et les jeunes Français […] aient les idées claires sur notre système de défense et les rudiments de compréhension sur le fonctionnement de l’armée française, sur les grandes opérations auxquelles l’armée française a pu participer ces dernières années ».

La JDC « remilitarisée »

Quel sera le contenu de cette JDC « remilitarisée » ? Le général Givre a donné des détails à son sujet. « Nous avons établi un prototype pour la nouvelle formule de la JDC. Elle sera ainsi découpée en plusieurs étapes. La première […] consistera à rassembler les participants dans une enceinte militaire, sauf dans les ‘déserts militaires’, où nous devrons aller à la rencontre des jeunes » et elle « débutera par la levée des couleurs et le chant de la Marseillaise, pour ressentir symboliquement le ‘vivre ensemble' », a-t-il dit.

Un autre type d’atelier portera « sur le tir sportif, à travers un tir laser, pistolet et carabine, pour les garçons et les filles, de type biathlon », a-t-il continué. On peut supposer qu’il s’agira d’armes à air comprimé pour tirer des plombs.

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« Le fait de prendre une arme en main exige de la discipline et de la stabilité émotionnelle. Les jeunes apprendront à manipuler une arme de manière intelligente et en sécurité », a fait valoir le général Givre.

Un autre atelier prendra la forme d’un « jeu de rôle, où les jeunes joueront des décideurs ou des soldats, des marins, des aviateurs, dans le monde entier », a-t-il poursuivi, sans donner plus de précisions.

Enfin, un enseignement sur les gestes élémentaires des premiers secours « physiques et psychologique » devrait également être au programme. « La journée se conclura par des échanges avec des militaires, dans le cadre d’un forum très informel, avant de procéder à une remise des certificats lors d’une cérémonie », a ajouté le général Givre, qui a estimé le coût de cette refonte de la JDC à 10 millions d’euros.

C’est un « montant extrêmement raisonnable par rapport à l’enjeu » et « nous espérons que cette immersion et ces échanges interpelleront et créeront des vocations », a-t-il affirmé.

Par ailleurs, et comme l’avait annoncé le ministre, il est prévu de « moderniser » le recensement afin d’être en mesure d’identifier les compétences des « personnes volontaires susceptibles de rejoindre la réserve ».

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Sur ce point, le général Givre a estimé qu’il fallait en effet « aller plus loin, probablement dans la connaissance de la jeunesse française et de la mise à jour des données qui nous permettraient, le cas échéant, de réquisitionner et/ou de mobiliser, sans passer par un intermédiaire ».

L’idée est d’éviter les « problèmes politiques » que l’Ukraine a connus au moment de voter une loi sur la mobilisation militaire. « Nous devons nous y préparer, non pas dans l’idée d’une levée en masse ou d’un service militaire. Mais parmi mes missions figure l’appel sous les drapeaux. Aujourd’hui, nous sommes, à mon sens, insuffisamment préparés ; raison pour laquelle nous travaillons ardemment », a conclu le général Givre.

Les Sociétés de Préparation Militaire: Un Retour aux Sources?

Dès la fin du XIXe siècle, de nombreuses associations promeuvent le développement de l’éducation physique en la liant à l’instruction militaire. La conscription devient ainsi un élément central de la vie sociale en France dès le dernier tiers du XIXe siècle.

D’abord amoindri par un système de tirage au sort de « bons » et de « mauvais » numéros en 1872, le service militaire devient de plus en plus universel avec la loi de 1889, mais surtout avec le texte de 1905 qui impose deux ans de service pour tous, à de rares exceptions près. Passer sous les drapeaux devient alors un véritable rite de passage.

Néanmoins, ce système de conscription a un coût énorme, dans la mesure où il s’agit de retenir des centaines de milliers de jeunes hommes dans des casernes pendant plusieurs mois. De surcroît, cette armée de soldats-citoyens ne permet pas à la France de rivaliser numériquement avec la puissance démographique de l’Allemagne unifiée.

Nombreux sont ceux qui imaginent des solutions à ce double problème. L’idée d’une armée de milice a par conséquent de nombreux partisans, à l’image de Jean Jaurès. C’est dans ce contexte qu’émergent les sociétés de gymnastique, de tir et de préparation militaire.

L’idée est simple : il s’agit de former les jeunes hommes en amont de leur service, dans des associations civiles, grâce à l’éducation physique et à l’instruction militaire, dans le but d’accroître la puissance du pays. Elles sont aussi pensées comme des lieux d’éducation civique et morale.

D’abord marginal dans les années 1860-1870, ce mouvement associatif reçoit progressivement le soutien de l’État, et devient massif dans les années 1900, dans le sillage de la loi de 1905.

Un mouvement de masse à la Belle Époque

Les premières sociétés de tir et de gymnastique émergent en France dans les années 1860. La défaite de 1870 donne une impulsion au mouvement. Il ne faut pas toutefois surestimer l’idée de « revanche », qui n’est pas en réalité un large mouvement d’opinion, encore moins une politique effective.

Ce sont les républicains qui font véritablement émerger les sociétés de tir et de gymnastique dans les années 1880, notamment par la promotion scolaire de la gymnastique et des pratiques d’enseignement militaire.

La loi George rend en principe obligatoire la gymnastique dès l’école primaire dès 1880, tandis que les bataillons scolaires doivent apprendre les rudiments militaires aux adolescents.

En dehors du cadre scolaire, les sociétés de tir et de gymnastique reçoivent progressivement un cadre légal (instruction ministérielle de 1892) et les premières aides matérielles de l’État, essentiellement par la mise à disposition d’armes et de munitions.

La réduction à deux ans du service militaire rend plus nécessaire, dans l’esprit des parlementaires, cette pré-formation militaire dans un cadre civil. Des projets de lois émergent même pour rendre obligatoire, sans succès, cet entraînement des jeunes hommes.

Une instruction ministérielle datée du 8 novembre 1908 institutionnalise pleinement la préparation militaire. Les associations peuvent demander le statut de « société agréée par le ministère de la Guerre », qui permet de recevoir aides et subventions.

Un « brevet d’aptitude militaire » est créé, qui octroie certains avantages aux lauréats lors de leur service militaire (choix du corps, avancement plus rapide) en échange d’un entraînement préalable sanctionné par des épreuves physiques (marches, gymnastique, athlétisme) et théoriques.

En parallèle, le gouvernement Clémenceau (1906-1909) relance massivement la pratique du tir scolaire.

Le conflit est bien sûr une rude épreuve pour les « préparatistes », puisque les associations sont décimées par la guerre. Mais l’idée de préparation militaire est plutôt dans l’air du temps, malgré l’essor du pacifisme et la démocratisation du sport.

Le nombre de sociétés décline à la fin des années 1920, mais dans les années 1930, à la faveur d’une institutionnalisation de l’instruction physique et du contexte international menaçant, le mouvement connaît un regain.

Plus de 3 500 associations pratiquent la préparation militaire à la vielle de la Seconde Guerre mondiale - de l’ordre d’une société sportive sur 10, et plus de 50 000 jeunes hommes se présentent aux épreuves du brevet militaire.

Entre pratiques conscriptives, sports et loisirs

La préparation militaire s’institutionnalise donc à la fin du XIXe siècle, en fixant une sorte de programme d’entraînement, qualifié par l’historien Pierre Arnaud de « pratiques conscriptives ».

Les sociétés de tir sont les plus nombreuses avant 1914, faisant du tir un sport national. Elles sont scolaires ou post-scolaires, civiles sous la forme d’associations ou bien mixtes, avec la participation des réservistes et des territoriaux.

L’organisation de concours annuels est un temps fort de la vie de ces associations. Sur le même modèle, les sociétés de gymnastique ne proposent pas seulement des exercices aux agrès, mais organisent aussi chaque année de grandes fêtes.

Le concours national de l’USGF est un spectacle impressionnant, rassemblant plusieurs milliers de gymnastes, avec grand défilé et mouvements d’ensemble synchronisés.

Enfin, les sociétés de préparation militaire à proprement parler naissent plus tard, dans les années 1900, en proposant un entraînement global mêlant tir, gymnastique et instruction, dans le but explicite de préparer le « brevet d’aptitude militaire ».

Enfin, les patronages de la FGSPF reprennent le même programme, mais dans une perspective catholique, ce qui crée de fortes concurrences entre ces différents types de sociétés.

Malgré leur objectif patriotique, les archives associatives suggèrent que des aspects terre à terre comme la gestion de la buvette ou l’organisation de festivités sont fondamentaux. Ce sont avant tout des lieux de sociabilités, organisés autour de rites communautaires, repas, concours, bals, qui rythment la vie collective.

Les pratiques conscriptives ont certes un aspect disciplinaire : les gymnastes défilent en uniforme, avec fanfare et drapeaux, dans le but explicite de former de futurs soldats. Pourtant, les jeunes hommes qui s’y inscrivent peuvent y trouver un lieu de divertissement, dans lequel ils fréquentent des gens de leur âge.

Dans les campagnes, ce souvent les premiers lieux qui proposent des loisirs dans un cadre associatif. Les instituteurs, et les curés, jouent ainsi un rôle essentiel dans la diffusion de nouvelles pratiques culturelles, centrées sur l’exercice physique.

Avec les années 1900, la gymnastique devient de moins en moins rigide, et s’ouvre aux sports. Le brevet créé en 1908 est essentiellement fondé sur des épreuves athlétiques : courses, sauts, lancers.

Mais dans les années 1910, et plus encore dans l’entre-deux-guerres, on voit aussi se diffuser les « sports anglais », à l’image du football. Le rôle des patronages catholiques dans la diffusion de la pratique est bien connu.

De l’autre côté, de nombreux clubs sportifs s’intègrent dans ce cadre militarisé. De nombreux clubs de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), devenus pour certains des clubs professionnels aujourd’hui, demandent le statut de « société agréée » et ouvrent des sections de préparation militaire.

Une éducation physique militarisée

Les pratiques conscriptives sont donc ambiguës, mêlant loisirs sportifs et éducation militaire effective. Il s’agit bien en effet d’apprendre à tirer au fusil Lebel, à marcher au pas (« l’école du soldat » fait partie à l’époque du programme canonique de la gymnastique), à faire de longues marches, à savoir lire une carte, et même à passer des épreuves supplémentaires d’équitation pour servir dans la cavalerie.

Si la préparation militaire, avant 1914, reste numériquement marginale rapportée à l’ensemble d’une classe d’âge (environ 50 000 brevets sont distribués entre 1908 et 1914), elle n’en demeure pas moins un phénomène emblématique d’une culture civique et militaire largement diffusée, y compris en dehors des murs de la caserne.

Le défilé annuel des gymnastes de l’USPMF dans le jardin des Tuileries devant les plus hautes autorités républicaines, en armes en en uniforme, peut paraître surprenant aujourd’hui, mais montre le lien étroit entre l’armée et la nation de l’époque.

On retrouve ainsi, parmi ces gymnastes et ces tireurs, de nombreux jeunes hommes des classes 1900-1914 durement touchés par la Première Guerre mondiale, à l’image du premier mort de la guerre, l’instituteur Jules Peugeot, instituteur et membre de la société de tir de Montbéliard.

Pourtant, au départ, l’armée n’est pas unanimement favorable à cette idée. De nombreux officiers ont peur d’être dépossédés d’une partie du contrôle de l’instruction militaire par ces associations civiles ; d’autres critiques pointent l’inefficacité de cet entrainement, voire son côté contre-productif, à l’image des bataillons scolaires des années 1880, rapidement abandonnés.

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