Si vous avez l'habitude de bavarder avec des amis pigeons à l'heure du thé ou du pastis, n'évoquez jamais avec eux la mémoire de Léon de Lunden. Cette fine gâchette venue d'outre Quiévrain a touché l'or en tuant 21 de leurs frères (en 21 coups de fusil seulement) sur les 300 déplumés lors du concours de Paris en 1900 !
Ce tir aux volatiles vivants est toutefois l'ancêtre du ball-trap et du skeet toujours d'actualité.
Pierre de Coubertin a inscrit le tir aux premiers jeux olympiques en 1896. Les défenseurs des animaux seraient sans doute sur les dents si cette discipline existait encore. Le tir aux pigeons est apparu lors de l'édition parisienne en 1900. Contrairement à sa version moderne, le tir sur des cibles fixes et des disques en argiles, l'objectif consistait à abattre un maximum de pigeons... vivants. Au total, plus de 300 volatiles ont été abattus en 1900.
La performance de Léon de Lunden n'était pas olympique contrairement à la légende, en tout cas elle n'est plus reconnue par le CIO même si la compétition, elle, avait eu lieu près de la Tour Eiffel à l'occasion des Jeux.
L'historien Andrew Strunk rapporte dans un article l'état du champ de tir à la fin de l'épreuve, dans une vision où « les oiseaux estropiés se tordaient sur le sol, le sang et les plumes tourbillonnaient en l'air et les femmes assises à côté sous leurs ombrelles étaient en pleurs.
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Le ball-trap daterait de la fin du XVIIIe siècle en Angleterre. Jusqu’entre les deux guerres mondiales, de vrais oiseaux (pigeons principalement) étaient libérés de leur cache et pris comme cible vivante. Cette pratique dite « honteuse et inesthétique » est interdite à la fin du XIXe siècle. Des boules de verre remplies de plumes sont alors lancées. En 1880, l’oiseau d’argile avant de devenir plateau d’argile.
Les règles concernant la pratique de ce sport avaient été préétablies vers 1920 dans le Massachusetts, et qui se nommait le « Clock Shooting » (Tir à l’horloge). Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le tir aux pigeons d’argile se démocratise par les soldats américains qui s’entraînaient et en faisant aussi une activité de détente.
En France, en 1967, l’Union des Sociétés de Tir a fusionné avec la Fédération Française de Tir aux Armes de Chasse. La Fédération Française de ball-trap naît en 1985, pour la défense et le suivi de la discipline.
Un tireur à Issy. Ce Tir aux pigeons a été créé fin XIXe-tout début XXe dans les Hauts d’Issy, encore campagnards à l’époque, par la maison Gastinne-Renette, célèbre armurier parisien. La société française baignait alors dans une ambiance de préparation militaire, perceptible dans la presse, à l’école ou dans les sociétés sportives.
Le Tir aux pigeons occupait un vaste terrain situé entre la rue d’Erevan (anciennement rue du Plateau) et la rue de l’Egalité. L’entrée donnait sur la rue d’Erevan (aujourd’hui, zone du marché) et les tirs se pratiquaient dans le sens sud-nord (de la rue de l’égalité vers une zone boisée en contrebas, le long du boulevard Rodin). Bien sûr, de hautes palissades en bois protégeaient le voisinage, de plus en plus important avec la vague de construction lancée après la Première Guerre mondiale. Le gestionnaire du lieu était un certain M. Carte de 1900.
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Avec le temps, le tir se pratique sur pigeons d’argile, notamment aux Jeux olympiques de 1924, qui sont à nouveau organisés à Paris. Les épreuves de tir aux armes de chasse - inscrits pour la dernière fois au programme des J.O. - ont lieu à Versailles (pour le tir sur cerf courant) et à Issy-les-Moulineaux (pour le tir aux pigeons).
La presse se fait l’écho de la préparation de l’équipe de France : « La Fondation nationale de tir aux armes de chasse (25 bis, rue Decamps, Paris-XVI) prie les tireurs français pratiquant le tir sur pigeons d’argile de vouloir bien s'inscrire chez M. Gastinne-Renette, 38, avenue Emmanuel-III, pour prendre part aux trois réunions d'entraînement olympique qui se tiendront au stand d'Issy-les-Moulineaux, les lundi 12 mai et lundi 2 juin 1924, à 14 h.
Jean-Baptiste Merlino (ci-contre), qui habitait rue de la Défense, se rappelle que, malgré la clôture du terrain, les plombs de chasse retombaient au-delà, dans les rues avoisinantes et dans la partie boisée descendant jusqu’au boulevard Rodin. Dans les années 1950, les enfants pénétraient par des ouvertures ménagées dans la palissade et les garçons ramassaient souvent des morceaux de pigeons d’argile et des douilles. Le Tir aux pigeons était un club « chic » et les enfants étaient ravis de voir passer de belles voitures dans le quartier. Quelle surprise pour M Merlino de voir un jour passer Jean Gabin (à gauche) ! Les voitures se garaient à l’intérieur et les tireurs se retrouvaient dans le petit bâtiment d’accueil construit le long de la rue de l’Égalité.
Peu à peu, le site devient un terrain vague où jouent les enfants du quartier, bien qu’il soit interdit d’accès. Une ZAC est alors en projet. Nicole Essayan, avec d’autres filles, profite de cette zone sauvage pour y cueillir des fleurs. La construction des premières tours au début des années 1970 fait définitivement disparaître les derniers vestiges du Tir aux pigeons.
Plusieurs épreuves olympiques ont marqué les débuts des JO avant de disparaître. En voici quelques exemples :
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