Envie de participer ?
Bandeau

Cet article met en relief des évènements communs à nos Histoires nationales, française et suisse. Il amène une autre vision d’une guerre malheureusement trop peu connue, esquivée ou tout simplement tombée dans l’oubli.

Contexte Historique

Souvent les historiens expliquent les situations stratégiques et tactiques, puis certains s’attardent sur le déroulement des combats. Il est fait cas maintenant plus de la partie humanitaire que conflictuelle [1]. Les circonstances ont été reconstituées surtout par l’apport de documents suisses [2].

Survol de la situation générale

Survol de la situation générale dans le secteur frontière franco-suisse au mois de janvier 1871. L’exode en terre helvétique. L’organisation de l’internement puis celle du rapatriement. L’après guerre. Ne sont pas abordés les aspects stratégiques et opératifs du conflit. Ni ceux de la mobilisation et de la montée en puissance de l’Armée suisse. Egalement l’évaluation des commandants et leur comportement sur le théâtre des opérations ne font l’objet d’aucune analyse.

L’Armée de l’Est, placée sous les ordres du général Bourbaki, reçoit la mission de pousser offensivement en direction de Belfort afin de desserrer l’étau de l’adversaire et libérer la cité assiégée. Cette ville, terrain clé pour le contrôle de l’axe entre Vosges et Jura, représente une base de départ pour entamer la seconde phase qui va consister à couper les lignes de ravitaillement allemandes. Après de durs combats, les Prussiens ne cèdent pas. Malgré des actes de bravoure, l’attaque échoue. L’insuccès se transforme en une retraite cruelle au son du canon.

Les généraux allemands Von Manteuffel et Von Werder conduisent une opération en tenaille. Leur intention est d’interdire les communications en direction de Besançon et de la place de Lyon commandée par le général Ochsenbein [3]. Leur manœuvre, habile et impitoyable, réussit. Ils forcent la marche, coupent le repli et chassent durement l’Armée Bourbaki vers la frontière suisse.

Lire aussi: Application Peinture Aspect Canon de Fusil

L’Armée suisse remplit les missions générales inscrites dans la Constitution fédérale et précisées par l’autorité : faire respecter la Neutralité et défendre le territoire dès la frontière. Les évènements, instables, mouvants et la retraite précipitée de l’Armée de l’Est imposent une modification urgente du dispositif. Non seulement les conditions météorologiques frappent durement la troupe qui se bat depuis six mois. La population française souffre aussi des rigueurs de l’hiver et de la disette. Les routes sont encombrées de neige et la température demeure glaciale. Les morts sont délaissés, les militaires blessés ou épuisés abandonnés.

Sans vouloir juger l’attitude apparemment néfaste de trop d’officiers, les observateurs ressentent leur égoïsme et le mépris de la troupe. Un notable pontissalien révèle que des aide-de-camps d’un général viennent visiter sa demeure pour s’assurer que « la maison offre toutes les garanties nécessaires au service d’un officier supérieur(…) une salle à manger convenable, une cuisine vaste et belle(…) » [7]. Cette attitude est condamnée par Léon Gambetta, Ministre de l’intérieur. Le 25 janvier, il adresse une circulaire à ses généraux : « l’officier doit être l’ami et le tuteur de ses soldats(…) pour les aider à supporter les privations, il doit les supporter lui-même et leur donner l’exemple(…) » [8].

En présence du désarroi qui s’amplifie, la Suisse prend l’initiative de soulager les souffrances des hommes et des chevaux. La demande de protection formulée le 3 janvier 1871 par 14 officiers et 174 soldats du corps des « Vengeurs de la mort » (francs-tireurs, unité irrégulière). L’envoi d’ambulances militaires [12] dans le fuseau de retraite. Abandonnés, les souffrants reçoivent les premiers soins avant l’évacuation sanitaire au delà de la frontière. Le transit de trains entre Pontarlier et Genève. Convoi parfois à risques en raison de la présence de militaires atteints de maladies contagieuses. Des deux côtés de la frontière, on se rend à l’évidence, L’Armée de l’Est est à bout de souffle.

Ses soldats ont l’impression d’être abandonnés à leur triste sort. Il y a cependant des exceptions ; un certain nombre de corps de troupe acceptent les ordres de leurs officiers demeurés proches d’eux. Mais la cause est désespérée face à l’adversaire qui manœuvre sans répit. Les Prussiens coupent l’axe de repli. Dès lors, il est nécessaire d’agir vite pour éviter les contraintes prussiennes et abréger les souffrances des troupes.

Le 1er février 1871, à quatre heures, on entend battre « la générale » dans les cantonnements de l’Armée suisse. Sans attente, dans l’obscurité et un froid toujours glacial, défilent, en tête, les voitures des postes et du trésor avec une fortune de 1 682 584, 66 francs. Puis les calèches des généraux. Ensuite une grande quantité de pièces d’artillerie, des chariots du parc et en queue de colonne, les véhicules de réquisition. Mais le premier acte consiste à déposer l’armement, le matériel et les munitions. Puis une longue colonne se forme et marche péniblement en direction des deux cités. La progression marquée par la confusion et des manquements à la discipline dure tout le jour.

Lire aussi: Comment Fileter un Canon

Les troupes fuient le danger, les soldats se pressent les uns sur les autres pour échapper au péril, les témoins assistent à une mêlée générale, chacun suit son inspiration, son chemin ou son escorte. Si en général, la discipline est déplorable, il faut relever des exceptions. Quelques compagnies et corps de troupe sont conduits fermement et présentent un aspect militaire. Une interminable ligne noire serpente à travers le Jura et la campagne. La population s’apitoie sur le sort des troupes. Des malheureux marchent les pieds nus ou enveloppés de chiffons. Les uniformes sont en lambeaux. On entend de nombreuses quintes de toux. L’état des chevaux attire également la pitié : mal harnachés, affamés, recouverts de plaies purulentes, brutalisés par les conducteurs d’artillerie et du train. Parfois un soldat suisse écourte les souffrances d’un animal par un coup de feu. Cependant 10’680 bêtes atteignent les deux localités.

Les premiers secours s’organisent. Les troupes suisses dressent des bivouacs et allument des feux. Les plus démunis reçoivent de la subsistance. Les villageois mettent en place des « ravitaillements volants ». Les autorités et les habitants distribuent soupe, pain, vin, cigares, couvertures et médicaments. On héberge les hommes épuisés. Le témoignage d’égard d’Oscar Huguenin [16] à un « moblot » nous donne un exemple parmi de nombreux autres dont celui de la tante Julie « (…) la vieille femme fit un soubresaut…sur un petit banc (…) un soldat français, dormant d’un sommeil de plomb (…) Et la bonne vieille poussa amicalement le soldat dans sa cuisine.

Dans les cités et les bourgs, l’accueil s’organise. Femme et jeunes-filles tricotent des vêtements On prévoit des occupations : conférences, leçons de français de géographie et d’histoire. Des lazarets sont improvisés dans des églises et lieux publics. Les quêteurs recueillent des dons. La population française n’est pas oubliée. Entre le 4 et 23 mars, neuf wagons complets roulent en direction de la France. Le 1er février, le Chef du Département militaire fédéral communique, par télégramme, la répartition des militaires. L’évacuation est conduite par l’Etat-major du général et les cantons. Cent quatre-vingt six communes sont choisies. Les troupes proches d’un stationnement s’y rendent à pied. Au tour des 10 778 chevaux d’évacuer les lieux de transit. Ils sont pris en charge par onze cantons où la disette du fourrage se fait le moins sentir. Elles précisent, notamment, que les internés sont placés sous la juridiction du code pénal militaire fédéral.

Vient ensuite la charge de dresser l’inventaire du matériel de guerre déposé lors de l’entrée en Suisse. Il est établi avec une grande précision. L’arsenal de Morges [20], le château de Grandson (canton de Vaud) et les installations militaires de Thoune (canton de Berne) mettent en stock l’armement, les munitions et l’équipement Les pièces d’artillerie ainsi que les voitures de guerre sont parquées à Colombier et à Yverdon-les-Bains. Les ambulances et leur matériel partent en France en transitant par Genève en application des conventions négociées et signées dans cette ville. Le matériel égaré ou abandonné est recherché.

Le service de santé prend en charge de nombreux hommes blessés mais surtout malades. Beaucoup souffrent de maladies contagieuses. On en dénombre 17 987, soignés dans les hôpitaux et établissements aménagés pour la circonstance. La mort emporte 1 701 patients [22]. Un certain nombre de corps sont transférés en France à la demande des familles. Pour ceux qui reposent en terre helvétique, des monuments aux Morts, stèles ou mausolées ont été érigés en leur mémoire (on en compte une centaine aujourd’hui. leur entretien est placé sous la responsabilité du « Souvenir Français » en collaboration avec les autorités locales).

Lire aussi: Le Canon de Fusil de Chasse

Le 26 février, la paix est signée à Versailles et le 10 mai, le traité de Francfort l’entérine. Les autorités fédérales ont déjà donné leurs instructions pour restituer le matériel et organiser le rapatriement. Une planification minutieuse et considérable. Les trains viennent de toute la Suisse pour sortir aux Verrières et à Genève. Des bateaux de plaisance traversent le lac Léman. Les rapatriés débarquent en Haute-Savoie. Les mouvements se déroulent selon la programmation. On déplore cependant le décès de 24 militaires lors d’un accident de chemin de fer à Colombier. Les causes ne ressortent pas clairement des enquêtes menées par la justice : rupture d’attelage ? Défectuosité des freins ? Surpoids ? Erreur d’aiguillage ?

Le départ des internés est marqué par de nombreuses manifestations officielles et au sein des familles. Un abondant courrier est échangé entre les familles d’accueil et les anciens internés. La tante Julie [23] reçoit des nouvelles du soldat Pujol. Elles proviennent de Florac, département de la Lozère.Au fil des ans, des réunions s’organisent dans les deux pays. On banquette. La ville de Mâcon remercie aussi chaleureusement les Suisses. Elle organise quatre journées de festivité qui débutent le 5 août 1872. Les peintures et dessins des artistes Bachelin, Castres et Huguenin immortalisent les évènements. Reste à régler le coût de l’internement. La somme due par la France s’élève en francs à 12 154 396,90. La France accepte les comptes. Aucune réclamation n’est formulée par son gouvernement.

Une partie est amortie par le contenu des caisses du trésor, la vente des chevaux et la liquidation d’objets. La Suisse est le proche témoin de la première guerre moderne sur le continent européen. Mais elle est aussi l’observatrice d’un drame humain. Les évènements l’amènent à jouer un rôle actif dès le commencement des hostilités. Concrètement, interner une armée du jour au lendemain et lui offrir des conditions d’existence convenables n’est pas une tâche aisée. Cas résolu par la disponibilité sans restriction de son armée et un élan de générosité sans précédent de son peuple. Il serait ingrat de ne pas mettre en évidence les efforts du CICR qui devient, avec l’expérience, de plus en plus opérationnel. Le conflit franco prussien représente une révolution dans le domaine du droit de gens et des victimes de la guerre.

L’hommage final vient de France et rendu récemment. Celui du Général d’Armée (CR) Pierre de Percin, ancien Président du Souvenir Français. Du Chef de l’armée ainsi que du Commandement des Forces aériennes pour les photographies prises au-dessus du sol. l’ambulance et de l’internement aux Verrières. L’Association suisse des sous-officiers de Reconvilier pour le portrait du Général Herzog, Commandant en chef de l’Armée suisse lors du conflit.

L'Escalade de Genève

A Genève, dans la rue du Puits-Saint-Pierre, face à une magnifique demeure du XVIIe siècle (aujourd’hui l’hôtel Les Armures), des piquiers et des hallebardiers courent à droite et à gauche. Cour Saint-Pierre, des tirs de mousquets se font entendre. Devant la cathédrale Saint-Pierre , des arquebusiers sont passés en revue pour défendre les rues, tandis que des cavaliers se dirigent, au galop, vers le parc des bastions. La cité est attaquée !

Ces scènes militaires se déroulent chaque année, au mois de décembre, au cœur de Genève, devant des visiteurs ébahis par le nombre impressionnant de soldats, la qualité de leurs costumes et de leurs armes. Des reconstitutions qui se rappellent au bon souvenir d’une victoire genevoise contre les armées de Savoie qui tentèrent, en vain, de prendre la ville dans la nuit du 11 au 12 décembre 1602. Une bataille victorieuse nommée l’Escalade. Pourquoi ce nom ? "Elle le doit à la tentative malheureuse des Savoyards d’escalader les murailles de la ville fortifiée de Genève avec des échelles en bois démontables", raconte Evelyn Riedener-Meyer, guide patrimoine de la ville.

Origine : Une Guerre de Religion

En 1602, la ville de Genève, alors République protestante, était convoitée par le très catholique duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. C’est ce dernier qui lança une troupe de 2000 hommes contre la cité suisse, dans la nuit du 11 au 12 décembre 1602, selon le calendrier julien (romain), alors utilisé à l’époque à Genève. "En réalité, l’attaque fut lancée dans la nuit du 21 au 22 décembre, si on se réfère au calendrier grégorien, aujourd’hui en vigueur", précise Evelyn Riedener-Meyer.

Toujours est-il que l'avant-garde de l’armée savoyarde, composée d'environ 300 soldats d'élite venus du Dauphiné, de la Napolitaine, du Piémont, mais aussi d’Espagne, se firent repérer par les vigiles de Genève. L'alarme fut donnée à 02 h 30 du matin, la Clémence, cloche de la cathédrale Saint-Pierre, sonna, vite relayée par les autres carillons des temples de la ville. Les 16 000 citoyens que comptait alors Genève se levèrent, effrayés, tandis que certains d’entre eux prirent les armes pour prêter main-forte aux soldats de la ville, appelés alors milice bourgeoise. Devant une telle défense acharnée, les Savoyards rebroussèrent chemin, et signeront, huit mois plus tard, un traité de paix et de reconnaissance de la République protestante de Genève. Bilan de l’attaque ? Cinquante-quatre d’entre eux furent tués, et 13 (ou 14 selon les sources) faits prisonniers. Côté Genevois, on compta seulement 18 victimes, dont les noms sont inscrits sur une fontaine érigée en 1857 au bas de la rue de la Cité. Impressionnant, on sait tout d’eux : âge, lieu de naissance, et même leur profession… Tout était consigné à Genève.

Cette victoire genevoise fut-elle un miracle ? Après l'attaque des Savoyards, au matin du 12 décembre, les habitants se rassemblèrent au temple de Saint-Pierre afin de louer Dieu. Et se jurèrent de ne jamais oublier ce glorieux épisode de la ville.

La Compagnie 1602 : Gardienne de la Mémoire

L’Escalade fut bien commémorée aux XVIIe et XVIIIe siècles, mais c’est au XIXe siècle qu’elle devint véritablement une célébration. Depuis 1926, elle est même une fête populaire grâce à une association historique et patriotique de la ville : la Compagnie 1602. "Nous sommes tous des bénévoles.

On peut assister à de vertigineux duels à l’épée sur la cour de l’hôtel-de-Ville, voir une terrifiante condamnation à mort d’un savoyard dans la Maison Tavel -aujourd’hui musée d’histoire urbaine et de la vie quotidienne- (on sait que les prisonniers furent étranglés ou pendus par un bourreau, et que leurs cadavres furent exposés sur les remparts afin de prévenir l'ennemi du sort qui l'attendait en cas de nouvelle tentative…). On peut aussi flâner dans le Passage de Monetier, l’ancien chemin de ronde, ouvert exceptionnellement au public pour l’occasion et éclairé à la lampe torche, ou encore se rendre compte par soi-même du bruit assourdissant d’un tir de canon, tel le Falco, reconstitution d'une pièce d’artillerie de l'époque de l'Escalade.

Les gourmands, eux, sont incités à goûter la soupe de la mère Royaume, clin d’œil à l’un des épisodes les plus insolites de l’Escalade. La nuit de l’attaque, la Genevoise Catherine Royaume, qui faisait mijoter une soupe aux légumes chez elle, aurait jeté, du haut de sa fenêtre, sa marmite sur la tête d'un soldat savoyard. Un geste qui l’a rendue célèbre, et qui a donné naissance à une tradition de l’Escalade : le bris d’une gigantesque marmite en chocolat, dans l’ancien arsenal, pour récupérer papillotes et légumes confectionnés en massepain. Autre événement incontournable, le cortège historique de la Proclamation, qui clôt les festivités. Véritable procession éclairée à la torche (frissons garantis), elle réunit, pendant plus de trois heures (!), en bon ordre, l'ensemble des compagnons costumés, avec les attelages et les armes. Une parade sensationnelle qui parcourt la vieille-ville et s'arrête en cinq lieux emblématiques de la cité, où un héraut (cavalier arborant les couleurs de Genève) chante un hymne en patois genevois, composé de 68 strophes.

tags: #tir #au #canon #Genève #histoire

Post popolari: