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L'auteur étudie la place de l'iconographie dans la construction et l'évolution de l'archétype “gamin de Paris”. Il part du tableau de Delacroix, La liberté guidant le peuple, et des représentations liées aux Trois Glorieuses, puis étudie la mise en place des images du “gamin”, notamment de celle de Gavroche.

Genèse d'un Archétype: Du Tableau à la Rue

Comme sa grande sœur la grisette, le gamin de Paris est l'un de ces types sociaux que le XIXe siècle, et plus précisément la Monarchie de Juillet, a construits. En général, ces “idéaux-types” sont des productions multimédiatiques à l'élaboration desquelles même la sociologie savante naissante contribue. Ainsi, notre gamin “se promène” dans les différentes formes de littérature pittoresque, dans le théâtre, dans la chanson, dans la poésie et, bien sûr, il se retrouve dans toutes sortes de représentations iconographiques : peintures, gravures, caricatures, estampes...

Si, contrairement à la grisette, il n'est pas statufié, il est néanmoins sculpté par Étienne Marin Melingue. Mais, en plus, et c'est là un trait particulier de notre gamin, il connaît au mitan du siècle la consécration de la “grande littérature” : Victor Hugo va « créer un personnage là où il n'existait qu'un être collectif. Et ce personnage présente une particularité décisive : il est la voix des misérables ».

Le nom propre efface le nom commun, le mythe écrase l'archétype, Gavroche est désormais synonyme de gamin de Paris. Si, après la Commune de 1871, la silhouette du gamin s'estompe, elle ne disparaît pas complètement de la représentation symbolique de Paris.

Gavroche et ses pairs survivent un temps au dernier grand soulèvement de la capitale. On utilise même sa notoriété à des fins publicitaires et la réclame s'empare de sa silhouette désormais bien reconnaissable. Plus fondamentalement, le gamin de Paris se transforme en “gosses des rues”. Des écrivains à tendance populiste comme Léon Frapié, des illustrateurs comme Steinlen, Naudin ou bien sûr Poulbot, nous décrivent un enfant pauvre de “la butte”ou “des fortifs”, confronté à un quotidien difficile.

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La Liberté Guidant le Peuple: Un Point de Départ Iconographique

La Liberté guidant le peuple, d'Eugène Delacroix, est un tableau plus que célèbre et probablement le plus reproduit de notre pays. Cette huile polychrome sur toile de grandes dimensions, 2m60 sur 3m25, est peinte entre septembre et décembre 1830.

Elle est présentée au Salon de 1831, entre le 1er mai et le 15 août. Le peintre lui a donné pour titre Le 28 juillet et pour sous-titre la Liberté guidant le peuple.

Deux enfants figurent sur le tableau. Celui de gauche est coiffé du bonnet des voltigeurs de la Garde nationale, cette milice civique bourgeoise dissoute par Charles X après une revue de troupe mouvementée, en avril 1827, où le roi est accueilli aux cris de Vive la réforme. L'enfant de droite, la faluche des étudiants en guise de couvre-chef et brandissant deux pistolets, est plus remarquable.

La plupart des commentateurs en ont fait le prototype du gamin de Paris. En effet, Eugène Delacroix représente là un enfant du peuple (malgré sa coiffure, il ne peut s'agir d'un étudiant), participant à une insurrection urbaine symbolisée par une barricade, même si elle est peu élevée. Or, l'extraction populaire et l'appétence pour les barricades sont deux caractéristiques attribuées au gamin de Paris.

Cependant, Delacroix n'est pas le seul à immortaliser par l'image les Trois Glorieuses et, si la facture esthétique de son tableau lui donne une place singulière et importante dans l'histoire de l'art, les éléments que le peintre fait entrer dans sa composition se retrouvent dans bien d'autres représentations.

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Rappelons que, dans l'euphorie qui suit la chute de Charles X, les propos comme les images exaltent cette union de toutes les classes de la société qui a permis l'avènement du “règne de la liberté”. Pas une gravure, pas un tableau des événements de juillet qui ne s'efforcent de faire figurer tous les types sociaux parmi les insurgés.

Dans ce concert unanimiste, la participation des fils au combat des pères est glorifiée et vue comme le gage de la régénération. Alexis Eymery, par exemple, publie sous le pseudonyme de A. de Sainte un ensemble de douze histoires édifiantes, illustrées par autant de vignettes et mettant en scène des enfants et des adolescents.

Le frontispice de ce livre est formé par la vignette qui illustre la première scène de l'ouvrage, intitulée Les Barricades. Le jeune Apprenti imprimeur. Une légende nous apprend que le personnage qui va planter un drapeau tricolore au milieu de cette barricade construite au Carré Saint-Martin est un apprenti imprimeur et que l'enfant de six ans qui porte des cartouches aux combattants dans son tablier d'écolier est son petit frère.

Il consacre bien évidemment un chapitre à l'histoire du jeune Arcole. Arcole, dont « le souvenir demeurait chargé de valeurs révolutionnaires à la fin du Second Empire », est un jeune garçon qui, durant les combats pour la conquête de l'Hôtel de Ville, se serait élancé sur la passerelle de Grève afin de planter un drapeau tricolore.

Dans le tableau qu'Hippolyte Lecomte consacre à l'un des épisodes des Trois Glorieuses, les combats de la porte Saint-Denis, deux enfants, dont l'un porte un fusil, sont visibles au premier plan.

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Dans le tableau de Philippe Auguste Jeanron, Les petits patriotes, même si sa facture est très différente, nous retrouvons des éléments de la composition de Delacroix : la barricade, les armes, les chapeaux (ici un tricorne de polytechnicien et un schako de lancier).

Tous ces tableaux, toutes ces gravures empruntent au mythe des enfants héros de la Révolution, notamment aux représentations des épopées de Bara et Viala. L'association d'un enfant combattant et de la Liberté symbolisée par une femme au sein nu et coiffée d'un bonnet phrygien n'est pas l'apanage du peintre si bien chanté par Baudelaire.

Par leur extraction fréquemment populaire et leur rôle dans le soulèvement insurrectionnel, les enfants de 1830 sont proches du gamin de Paris, mais, par bien d'autres traits, ils s'en éloignent fortement. Présentés comme d'honnêtes travailleurs et des fils respectueux qui luttent aux côtés de leurs pères, comme Darruder le petit tambour de l'an II, ils n'ont rien d'enfants des rues plus ou moins délaissés par des familles auxquelles, de leur côté, ils chercheraient à échapper.

Il peint deux familles frappées par les événements. À droite, un jeune combattant mort - dont le corps d'éphèbe nous fait penser au Bara de David - est pleuré par une femme et un homme en redingote et chapeau haut-de-forme qui a participé à la lutte, comme le prouve son bras en écharpe.

Les jeunes émeutiers ont un langage toujours “politiquement correct” et très éloigné de la gouaille de Gavroche et de ses pairs. Ils ne meurent pas le lazzi à la bouche, mais se contentent de crier Vive la charte, Vive la patrie ou d'entonner des chants patriotiques.

Il nous semble que le corpus iconographique "juvénile” de 1830 peut être vu comme un ensemble d'images intermédiaires. En effet, nous retrouvons dans ces représentations certains caractères de l’enfant-soldat héros de la Grande Révolution, mais aussi quelques traits de l’enfant-émeutier des révolutions perdues du XIXe siècle, à commencer par un statut de civil. “L'enfant aux pistolets” n'est plus vraiment le petit frère de Bara, il n'est pas encore tout à fait le grand frère de Gavroche.

De l'Héroïsme à la Marginalité: L'Évolution de l'Image

Dès 1831, la quasi-unanimité faite autour de l'enfant des barricades se fissure, alors que parallèlement la silhouette du gamin de Paris se précise. La participation des enfants et des adolescents aux événements de Juillet n'est guère péjorée que par quelques légitimistes.

Cette opinion, minoritaire au lendemain des Trois Glorieuses, se renforce considérablement alors que les insurrections républicaines et les soulèvements ouvriers se multiplient. Tous les témoignages concordent pour relever à chaque fois la participation des enfants aux combats. Si les républicains et les démocrates continuent de voir en eux des petits héros, pour les défenseurs de l'ordre instauré par “l'aristocratie des écus”, ils deviennent des “pousse à l'émeute” et de la graine de violence.

Que l'action politico-insurrectionnelle des enfants soit évaluée favorablement ou pas, elle est désormais l'œuvre des gamins. Joseph, fils d'ouvrier, meurt en résistant jusqu'au bout aux assauts des forces royales. Cet enfant « à l'air mutin et tendre » est, nous dit l'auteur, « le vrai type de ce qu'on est convenu d'appeler le gamin du Paris, enfants qui promettent à la France une génération de héros, bercés au bruit des gloires de l'Empire, nourris dans l'amour de la liberté et dans le mépris de la vie. Ils vont aux combats comme jadis, à leur âge, on allait au jeu. » Joseph est le vrai ancêtre de Gavroche…

Moins de deux ans après la chute du régime de Charles X, l’enfant-émeutier ne peut appartenir qu'à “la race des gamins de Paris”et, réciproquement, derrière chaque gamin sommeille un émeutier. De la rue Transnonain à la Commune, il n'y a guère d'images de barricades d'où sa silhouette soit absente. La vision développée par les artistes à l'égard de cet enfant dépendra aussi de leur opinion face aux mouvements insurrectionnels du XIXe siècle et, plus globalement, de la manière dont ils appréhendent le peuple.

La construction de l'archétype du “gamin de Paris”mobilise, nous l'avons dit, dans les années 1830-1840, toutes les formes de littérature. Les tableaux de Paris, genre inauguré au XVIIIe siècle par Louis-Sébastien Mercier, comme les fresques dédiées à la France pittoresque, réservent désormais un chapitre à cet enfant un peu particulier de la capitale. Les physiologies ne pouvaient pas éviter ce type et le théâtre se devait de lui consacrer quelques pièces. La chanson et la poésie ne sauraient l'ignorer. Les diaristes et autres auteurs de mémoires, s'ils ne sont pas strictement provinciaux, le croisent nécessairement. Les romanciers en font un personnage au moins secondaire de leurs intrigues.

Les arts graphiques, comme la littérature, représentent le gamin sous un jour plus ou moins favorable. Cependant, au-delà des contrastes, nous trouvons un socle commun sans lequel l'archétype n'existerait pas.

S'il peut y avoir un doute sur l'identité sociale de l'enfant de 1830, si, selon les sources, le jeune Arcole est étudiant comme sur une gravure anonyme conservée au musée Carnavalet, ou ouvrier com...

L'Art Urbain Contemporain et le Sacré: Madones et Pistolets

Quelle place occupe le sacré dans l’art urbain, réputé transgressif et contestataire? Réalisées au pochoir, à la bombe, au rouleau, ou bien sérigraphiées, des images de dévotion et des copies des tableaux religieux peuplent bel et bien certains murs de rues et d’églises.

Il suffit de regarder les Madones du graffeur C215 pour saisir la dimension spirituelle de son travail au style pop hypercoloré. Ou admirer les collages mis en situation dans les rues de Naples par Ernest Pignon Ernest. Ses dessins revisitant les tableaux religieux du Caravage s’inscrivent dans des lieux symboliques où ils prennent tout leur sens : ainsi, la Flagellation du Christ collée sur une colonne de San Domenico Maggiore.

La rencontre entre une œuvre, un lieu et sa mémoire, est essentielle. « Les églises sont puissantes par nature, elles y expriment la foi des fidèles; quand je colle sur des églises, je prends toujours des personnages de la Bible pour garder un sens » dit Julien de Casabianca, dont les collages de la Descente de Croix du primitif flamand Van Der Weyden ornent San Petru de Luri (Corse).

« La puissance de la religion est présente dans l’art de la rue », précise la star du street art Bansky; soit en célébrer un aspect (les anges, la mort), soit s’en servir pour questionner la vie et la religion même. Le graffeur Žilda (qui a reproduit l’Annonciation de Gentileschi) ajoute que peindre des créatures ailées ne fait pas de lui un mystique mais lui permet d’aborder l’irrationnel et de surprendre le passant.

La finalité reste malgré tout de capter, surprendre et interroger: comme le fait Bansky à Naples avec sa Madone au pistolet, une figure sacrée baroque auréolée d’une arme. Détourner le sens et révéler est le propre de l’art urbain.

Les icônes chrétiennes en voient parfois « de toutes les couleurs », en particulier chez Inti (« dieu soleil » en quechua), un artiste chilien reconnu, au style très coloré. Originaire de Valparaiso, berceau du graffiti contestataire des années 1970, sa devise est Couleur, Carnaval et Résistance. Il juxtapose croyances amérindiennes, traditions, christianisme et dénonciations sociales.

Dans ses fresques, Kusillo-le-clown, le carnaval, ou la marionnette andine reviennent souvent, tout comme l’épi de maïs; les têtes de morts et les cœurs évoquent les mythes précolombiens. Mythes et figures chrétiennes se croisent. Ainsi, Kusillo remplace l’Enfant Jésus dans les bras d’une Vierge armée. Le Bon Pasteur avec sa brebis est un migrant au regard interrogateur. On croit voir la Vierge à l’Enfant ou une Pieta, mais il s’agit en fait de la déesse de la fécondité Coatlicue, un jaguar sur ses genoux.

Inti désacralise les figures religieuses pour révéler un sens. Il interroge la peur, la violence, la pauvreté et questionne nos limites. Sa fresque de Paris, Madre Secular II (Mère Laïque), rappelle l’image de dévotion « le Cœur Immaculé de Marie » sur un fond floral mais elle porte le collier de Coatlicue, et des cartouches. Dans sa main, une pomme remplace le cœur: pas celle d’Eve, mais celle de Newton, fruit de la connaissance. La lettre G et les constellations symbolisent la loi de la gravité théorisée par Newton.

Banksy et l'Enfant: Innocence et Guerre

L’œuvre de Banksy Bomb Hugger (2003) est une sérigraphie réalisée sur papier en édition limitée à 600 exemplaires. Une des œuvres les plus connues de Banksy, Bomb Hugger représente une fillette aux cheveux attachés en queue de cheval. C’est la protagoniste de l’œuvre et elle trône au milieu de cette incomparable sérigraphie.

Les yeux entrouverts et une expression douce sur son visage, elle serre dans ses bras une bombe comme s’il s’agissait d’un jouet. Le doux fond de couleur rose accentue encore plus l’innocence de la petite fille, tout en marquant l’opposition avec la dangerosité de l’engin. Avec Bomb Hugger, Banksy souhaite transmettre de l’anxiété et du bouleversement chez ceux qui l’admirent.

L’image est une critique caustique à l’égard du gouvernement et des médias lorsqu’ils renvoient une image de la guerre positive. Avec Bomb Hugger, Banksy a réalisé un de ses meilleurs graffitis. Une image similaire est apparue pour la première fois en 2003 sur un mur à Londres, ainsi qu’à Brighton, station balnéaire à une demi-heure de la capitale.

L’image de l’enfant peut être considérée comme un élément constant dans le travail du street artist et elle est à la base de nombreux chefs-d’œuvre de Banksy. Des œuvres telles que Girl with Balloon et Ice Cream Bomb Girl ont effectivement comme protagoniste une jeune fille très ressemblante au même personnage de Bomb Hugger. Ice Cream Bomb Girl, notamment, aborde le thème de la guerre.

Fresques Murales et Messages Engagés: Kobra et la Paix

À Rio de Janeiro, Eduardo Kobra a réalisé en 2016 la gigantesque fresque Etnias à l'occasion des jeux olympiques. Elle est composée de cinq visages vibrants et très colorés, peints dans un style très réaliste. En 2018, Kobra s’est installé à New York avec un projet ambitieux qu’il a appelé Colors of Freedom : peindre 18 œuvres en 5 mois.

À travers ses fresques, il souhaitait faire passer des messages de paix tout en rendant hommage à des personnalités qu’il admire. Même si Kobra a peint avant et après 2018, la plupart de ses œuvres visibles aujourd’hui dans les rues de New York datent de cette période Colors of Freedom.

En plus de dénoncer la violence, la guerre, ou le racisme, Kobra utilise souvent ses fresques pour rendre hommage à ses artistes préférés, comme Roy Lichtenstein : l’un des précurseurs du mouvement artistique du pop art.

Cette œuvre est l’une des plus connues de Kobra à New York. Elle peut être aperçue depuis la High Line et a une symbolique très puissante. Kobra voulait véhiculer le message que deux personnes avec le même but, celui de la paix, peuvent travailler en harmonie malgré leurs différences religieuses.

Cette fresque est une des œuvres engagées où Kobra dénonce les violences et les guerres. Il a mis en scène le robot C-3PO de la saga Star Wars qui tient dans sa main un panneau avec l’inscription “Stop Wars” parsemé de balles.

Cette fresque est l’une des plus petites à New York : vous pouvez facilement la rater si vous n’y prêtez pas attention. Pourtant elle est très jolie et orne parfaitement l’entrée de l’école City As School. Elle représente une femme de couleur avec un QR Code.

Dans le même thème, cette prochaine fresque représente la Statue de la Liberté portant un sombrero. Kobra souhaitait de nouveau rappeler que les États-Unis symbolisaient la liberté pour les immigrants venant du monde entier.

Le Roi de la Pop a également eu le droit à une fresque signée Kobra. Celle-ci le représente, d’un côté enfant et de l’autre adulte. Elle a été réalisée pour les 60 ans de l’artiste en 2018. C’était même la première fresque réalisée pour le projet Colors of Freedom du street artiste.

Cette prochaine fresque est l’une des plus poignantes que Kobra ait faite à New York. Elle représente une jeune garçon se prenant en selfie avec un pistolet dans les mains. L’inscription “stop guns” se trouve juste au-dessus de l’enfant.

Women of the World est une des fresques les plus récentes de Kobra, réalisée en 2021. 5 portraits de femmes ont été peignés pour représenter les 5 continents habités : Afrique, Amérique, Asie, Europe et Océanie. Elle est située au World Trade Center, juste à côté de la gare Oculus.

Il y a toute une zone recouverte de street art très colorée où un beer garden et une terrasse s’installent en été. Fight for Street Art est l’une des premières fresques de Kobra, réalisée en 2014. Il a de nouveau représenté deux de ses artistes préférés : Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat. Il a recréé une photo de Michael Halsband qui représente les deux artistes en boxeurs dans les années 80.

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