L'histoire des sociétés de tir a souvent été célébrée à l’échelle locale, à l’occasion d’une fête ou d’une manifestation, mais elle n’a pas donné lieu à des synthèses régionales.
Hôte de la prochaine Assemblée générale de la FSGT (via son Comité du Bas-Rhin), l’Alsace fut le premier territoire français à organiser, au début du vingtième siècle, le sport ouvrier. De nombreux clubs de la région fêteront bientôt leurs 120 ans d’existence. Parmi eux, on trouve notamment l’Union sportive Égalitaire, une association strasbourgeoise installée au cœur du quartier populaire du Neudorf.
Dès sa naissance, l’US Égalitaire a tenté de démocratiser les activités physiques auprès des jeunes. D'où cette belle photo prise devant les locaux du club en 1930.
La région avait été annexée par l’Empire allemand suite à la défaite française lors de la guerre de 1870-1871. Les clubs sportifs ouvriers s’y constituent donc à l’ombre de la puissante sociale-démocratie germanique, qui, à l’inverse de son homologue française, s’intéresse très tôt aux questions athlétiques…
L’Arbeiter turnebund (une fédération de gymnastes réunissant 180 000 adhérent·es en 1910) est fondée dès 1892 et est rapidement accompagnée par l’Arbeiter radfahrerbund (des cyclistes ouvriers). À Strasbourg, le club pionnier, né en 1902, s’appelle l’Arbeiterturnverein vorwärts (aujourd’hui connu sous le nom de la Société ouvrière de gymnastique et des sports l’Avenir) et, rapidement, de nombreuses autres sociétés sportives éclosent.
Lire aussi: L'histoire des Sociétés de Tir
Principalement situées dans les centres industriels du Haut-Rhin (à Mulhouse par exemple) ou de la capitale alsacienne et de ses alentours (Cronenbourg, Schiltigheim…), ces dernières sont souvent centrées sur la gymnastique ou les exercices de force, dont la lutte. Implanté dans le quartier populaire strasbourgeois du Neudorf, l’actuelle Union sportive Égalitaire apparaît dans ce contexte, durant l’été 1906.
La structure se dénomme alors Freie turnerschaft et, en 1908, elle participe à la Fête de gymnastique de l’arrondissement de Pforzheim avec une centaine de ses membres.
Après la Première Guerre mondiale, l’Alsace est de nouveau française. Le club change de sigle et de langue et devient la Société ouvrière de gymnastique Égalitaire. Cette dernière adhère à la Fédération sportive du travail et plus précisément à celle d’Alsace-Lorraine (le mouvement ouvrier ne reconnaissant pas le traité de Versailles de 1919 et les organisations régionales conservant leur singularité).
Même s’il établit désormais des relations privilégiées avec son vis-à-vis français (les contacts outre-Rhin étant désormais proscrits par les pouvoirs publics), le Rot sport (« sport rouge » en allemand) conserve donc son autonomie et est très puissant. En 1923, la Fédération sportive du travail d’Alsace-Lorraine comptait en effet pas moins de 11 000 licencié·es alors que la FST « de l’intérieur » n’en rassemblait qu’environ 5 000…
Au cours des années 1920, la vie de l'Égalitaire se trouve malgré tout marquée par quelques soubresauts. En 1929 se produit ainsi une scission provoquée par une partie de ses adhérent·es. En 1933, elle fusionne avec l’Eichenkrantz, une autre association du coin, pour désormais s’intituler : Union sportive Égalitaire (ou USE).
Lire aussi: Découvrez la Société de Tir de Villeneuve-sur-Lot
L’importance du club dans le quartier du Neudorf s’avère incontournable, ce dont témoignait le « vétéran » Ernest Herzorg dans le Sport et plein air (SPA) : « À l'époque (...) il n’y avait pas d'autre club pour faire de l'haltérophilie, de la gym ou de la natation. » L’US Égalitaire connaît alors un essor certain et envoie même une délégation au Rassemblement sportif antifasciste de Paris en août 1934, prémisse du processus unitaire qui aboutira à la création de la FSGT quelques mois plus tard. À l’image du sport ouvrier alsacien, l’USE rejoint les rangs de la nouvelle fédération sportive travailliste nationale, mais le Comité régional préserve une forte visibilité, notamment grâce à ses sélections spécifiques.
Le club, dans la foulée des conquêtes sociales du Front Populaire, propose ses premières colonies de vacances en 1937, permettant ainsi à des centaines d’enfants issus des milieux les plus modestes de découvrir un univers différent du leur. Mais la gymnastique demeure sa principale activité. Dans un numéro de Sport (l’ancêtre de Sport et plein air) en mai 1939, on apprend que « la Fédération sportive et gymnique du travail, département du Bas-Rhin, organisera, les 19 et 20 août 1939, à Strasbourg-Neudorf, un grand concours de production spéciales avec ou sans engins. L’organisation de cette manifestation sportive sera assurée par la Société ouvrière de gymnastique et de sports " Égalité " Strasbourg-Neudorf [l’auteur·e de l’article ignore probablement sa nouvelle appellation], et aura lieu à l'occasion d’une Fête de nuit sur son terrain de sports à Strasbourg- Neudorf. »
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Alsace est annexée par le Troisième Reich et l’Union sportive Égalitaire est dissoute par les nazis. Toutefois, une nouvelle équipe relance son activité en 1945, avec le projet de doter le club d’un foyer propre. Chose qui se concrétisera finalement au stade Langhaag, évidemment situé dans le quartier du Neudorf.
Dans le SPA d’octobre 2002, Ernest Herzorg se remémorait cette difficile, mais enthousiasmante, renaissance : « À la Libération, tous les vivants sont revenus à la FSGT : c'était des défilés, des fêtes sportives dans tout Strasbourg. En 1946, nous avons eu notre premier nouveau tapis de lutte : un ancien matelas bien ondulé, mais nous étions si contents ! Tout de suite, nous avons installé les agrès que nous avons pu trouver en faisant le tour de la ville, mais les Championnats n'ont repris qu'à partir de 1948-1949 ; il fallait d'abord tout réparer. »
À la manœuvre de ce retour se trouve Albert Lichtlé. Militant syndicaliste et politique, cet ancien résistant s’investit « avec toute sa famille dans le développement de l’Égalitaire de Neudorf », peut-on lire dans le Maitron (le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier). « De 1945 à 1974, il en fut le président. »
Lire aussi: Tir à Marly : L'Histoire
Cette période est aussi marquée par la diversification d'activités au sein de l’USE à travers l’introduction du tir sportif, du basket-ball, de l’haltérophilie, du football, du tennis de table et de la pétanque. Sans oublier les échecs… En janvier 1954, Sport et plein air évoquait par exemple la « troisième rencontre du Championnat d’Alsace » disputée dans les locaux de l’US Égalitaire.
Après Albert Lichtlé, ce fut ensuite au tour de Robert Christmann, ancien responsable de la section tennis de table et engagé au côté du Parti communiste français, de reprendre les rênes de la maison. Cet employé du trésor, qui se retrouve de la sorte souvent à occuper la fonction de trésorier, aussi bien au club que dans le Comité régional de la Fédération, occupe la fonction de président jusqu’à octobre 1983. Ses successeurs, que ce soit Albert Veltz à partir de 1987, Lucien Guth, élu lors de l’Assemblée générale 1994 de l’USE, et Roland Marteel (nommé en 2000) assureront la continuité et la présence de cette vénérable institution dans le paysage sportif associatif strasbourgeois.
En outre, durant les années 1980/1990, des activités originales comme les fléchettes pointent le bout de leur nez dans la structure. À l’occasion de la disparition du secrétaire général du Comité départemental du Bas Rhin, Jean-Jacques Goetz, SPA (avril 1994) signalait que cet homme était « également le président fondateur de la toute jeune commission de fléchettes (darts) qui a le vent en poupe et qui se développe hors des limites espérées. L’occasion aussi de rendre l’hommage qu’il mérite à son club d'origine, l'US Égalitaire. »
Aujourd’hui, la structure strasbourgeoise propose une dizaine d’activités FSGT différentes allant du badminton aux claquettes en passant, évidemment, par la gymnastique (rythmique).
Du 8 au 11 novembre, la FSGT tient son treizième Congrès fédéral à Strasbourg. Un congrès dont l’objectif officiel est de préparer les événements et les commémorations du cinquantenaire du sport travailliste en France.
Environ 500 délégué·es venu·es de tout le pays s’y étaient retrouvé·es, de quoi rassurer la Fédération qui se trouve alors dans une situation difficile, plus que jamais ostracisée après l’invasion de la Hongrie par l’URSS l’année précédente.
« Sans doute les clubs de la FSGT ont-ils voulu être à la hauteur de " l’étiquette " de ce Congrès du cinquantenaire en étant si largement représentés, bien que les travaux se déroulent sur quatre jours, dans une ville géographiquement éloignée et alors que les conditions économiques actuelles sont si difficiles », pouvait-on lire dans le Sport et plein air de novembre 1957.
« Ils y ont ajouté la hauteur de vues que les sujets traités dans les Commissions de travail rendait indispensable. Ces compétitions ont lieu à la belle saison, à l’échelle locale, entre voisins, à l’échelle régionale ou interrégionale.
La fête la plus connue est celle qui se tient à Strasbourg en 1576, pour célébrer le centenaire des Guerres de Bourgogne, mais ce n’est pas la seule : les concurrents alsaciens, rhénans, souabes et suisses se retrouvent au moins une fois par an dans les villes partenaires.
Crossbow and harquebus competitions were at their height in the 15th and 16th centuries, mainly in Germanic countries. These competitions took mainly place during the warm season, locally, in people’s neigbourhoods, and regionally or at a larger scale.
Schießen mit der Armbrust oder mit der Arkebuse (Hakenbüchse). Das war vor einem halbn Jahrtausend der richtige Sport für den rechten Mann. Und natürlich mußte er sich mit anderen messen. Das tat er besonders in den deutschsprachigen Ländern auf dem Schützenfest. Davon gab es wohl nie mehr als im XV. und im XVI. Jahrhundert. Warum? Da sind einmal die vielen Schützenvereine.
Dann traf es sich gut, daß dieser Sport die Männer für die vielen kriegerischen Auseinandersetzungen unter den freien Reichsstädten und Fürsten fit machte. Die Wettkämpfe veranstaltete man immer in der warmen Jahreszeit. Es gab sie zwischen benachbarten Orten, auf lokaler, auf regionaler und auf überregionaler Ebene. Um die Wette geschossen haben Dutzende von Mannschaften und Hunderte von Teilnehmern. Wichtig waren aber auch die Zuschauer, die ihre Männer anspornten. Das waren nicht selten mehrere Tausend. Das bekannteste Schützenfest dürfte das sein, das die Straßburger 1576 veranstaltet haben.
Anlaß war das Gedenken an den Burgunderkrieg, der genau hundert Jahre vorher zu Ende gegangen war. Aber das war beileibe nicht das einzige. Die Konkurrenten aus dem Elsaß, aus den Ländern am Rhein, aus Schwaben und aus der Schweiz maßen ihr Können mindestens ein mal pro Jahr. Austragungsort war eine ihrer untereinander befreundeten Städte. Jeder Organisator, Stadt wie lokaler Fürst, bot alle seine Möglichkeiten auf, sein Fest noch schöner und noch größer zu machen als der Nachbar.
1« L’arquebuse ne porte pas toujours ». En d’autres termes, il ne suffit pas de viser pour toucher la cible qu’on s’est assignée, il faut de l’expérience et de l’entraînement, ainsi que l’équipement idoine. Empruntée aux Adages et proverbes de Solon de Voge, un ami de Ronsard qui s’est arrêté quelque temps à Remiremont, vers 15701, cette métaphore s’applique tout particulièrement à l’Alsace de la Renaissance et se comprend aussi bien au sens propre qu’au sens figuré.
2 Cf. 2Comme on le sait, le patriotisme impérial qui se développe à partir de l’imprimerie et reste vif malgré les clivages confessionnels n’est pas étranger à la militarisation qui affecte le pays et aux nombreux plans de défense qui le fédèrent. En cas d’alerte, les « états » d’Alsace disposent de milliers d’hommes prêts à barrer la route aux envahisseurs welsches, pendant que leurs compatriotes se fortifient derrière les remparts de leurs villes2. La tactique a été adoptée peu après 1515 : elle est restée à l’ordre du jour jusqu’à la veille de la Guerre de Trente Ans, mais elle n’a quasiment jamais servi, si ce n’est pour des manœuvres et, paradoxalement, lors de l’intervention lorraine contre les paysans insurgés en mai 1525.
3Ces questions prennent tout leur sens quand on s’intéresse à la genèse des sociétés d’arquebusiers et au succès des concours régionaux ou interrégionaux dont elles sont les protagonistes. Le tir de Strasbourg, célébré par le poème de Fischart (1546-1590) Das Glückhafft Schiff von Zürich (1576) n’est-il pas l’archétype de ces fêtes militaro-sportives indissociables de la Renaissance allemande ?
4L’apparition d’armes à feu portatives est chose faite dans le deuxième quart du XVe siècle.
5Contrairement aux arcs, qui possèdent une cadence plus grande et se prêtent à un tir de saturation, ces armes peuvent être manipulées en visant directement la cible : le carreau d’arbalète ou la balle sont propulsés artificiellement et ne dévient guère de leur trajectoire horizontale. Leur emploi est bien adapté à la défense des places fortes, aux embuscades ou à la chasse.
En rase campagne, en bataille, leur manipulation exige une grande discipline : le chargement se décompose en plusieurs mouvements qui occasionnent des temps morts, à moins de mettre en place un système de roulement, un feu roulant4. Pour autant qu’on puisse le dire, les pays germaniques ont une avance considérable sur les autres nations. Leur excellence guerrière repose sur la combinaison de piquiers et d’arquebusiers. Ces derniers forment près d’un tiers, ou plus, des effectifs des armées de métier.
Ainsi, en 1514, les 494 lansquenets de passage à Dijon se répartissent entre 48 double-paye (doppelsöldner), joueurs d’épée ou hallebardiers expérimentés, 140 hacquebutiers et 306 soldats du rang5. L’iconographie donne de très nombreux exemples de l’utilisation des armes à feu légères au combat, entre fantassins d’abord, mais aussi, et surtout, contre des cavaliers. L’arquebuse est méprisée par ceux-ci, comme l’était naguère l’arbalète6 ; les blessures qu’elle provoque sont pires que celles des pointes ou des lames, qui entament et déchirent « proprement » les chairs : elles les éclatent et les écrasent, dispersant les esquilles, en augmentant les risques de gangrène.
6Le développement de milices bourgeoises ou seigneuriales suit des modalités analogues : les armes à feu sont toujours plus nombreuses, dans des proportions qui n’ont rien à envier aux combattants de métier : dans le premier tiers du XVIe siècle, au moment de la Guerre des Paysans, le ratio est le même7. Il évolue sur le plan qualitatif autant que du point de vue quantitatif, et se rapproche de la moitié, ou la dépasse à la fin de la Renaissance.
10 Archives municipales de Strasbourg (AMS), 1 MR 2, fol. 49 vo. 11 AMS, 1 MR 2, fol. 117 vo. Pour les oiseaux, cf. 7À cette date, la possession d’un équipement individuel est encouragée par les autorités, ce qui n’est pas vraiment nouveau, mais s’est fait par à-coups, du fait d’une certaine suspicion.
En effet, l’arrivée d’un armement moderne, relativement bon marché9, semble avoir précédé les mesures d’encadrement réglementaires des seigneurs et des villes. À Strasbourg, dès 1461, on interdit de se servir d’arbalètes ou de handbüchsen à l’intérieur de la cité10. La chasse, notamment au gibier à plumes, est proscrite dans un rayon d’une lieue, comme le rappellent plusieurs ordonnances à partir de 1484, ce qui suggère, incidemment, de fréquentes infractions à la règle11.
Ceux qui dénoncent des activités s’inquiètent de leur danger éventuel, mais craignent encore plus les désordres qu’elles sont susceptibles de causer : à une date inconnue, sans doute peu avant 1504, les principaux représentants de l’Obrigkeit de Basse-Alsace, l’évêque, en tant que landgrave, l’unterlandvogt de Haguenau, les comtes de Hanau-Lichtenberg et de Bitche et les sires de Ribeaupierre s’entendent pour interdire la chasse dans leur juridiction de manière à mettre un terme aux « entreprises impertinentes commises par le commun peuple qui s’adonne à présent et continuellement, en délaissant son travail, à la chasse et à l’abattage du gibier ».
12 Archives départementales du Bas-Rhin, G 217. 8On retrouve des dispositions analogues au lendemain de la Guerre des Paysans. 9Que tirer de ces prescriptions ? Une première remarque, en creux, sur la liberté d’acheter et de posséder une arme : en général, c’est son mauvais usage qui est sanctionné, et non sa possession. La répression qui suit le soulèvement de 1525 n’a pas d’effet durable dans ce domaine. Le droit de chasse varie selon les lieux, mais la défense contre les animaux nuisibles est licite.
Deuxième constat : les arbalètes et les arquebuses sont souvent assimilées à des loisirs, la chasse, les exercices récréatifs. Leur valeur militaire en procède. La période qui nous intéresse voit l’abandon des premières en tant qu’armes de guerre et, corrélativement, leur maintien dans leur registre ludique. Elles acquièrent peut-être même une dimension supplémentaire en perdant leur rôle originel. Ce sont des armes de luxe, qui restent chères et sont quelquefois des chefs d’œuvre artistiques ou techniques. Si elles disparaissent des arsenaux des villes et des châteaux14, elles restent très présentes dans des inventaires aristocratiques, comme si elles avaient gagné leurs lettres de noblesse15.
Dans les pays où la tradition s’est maintenue, en Suisse, en Allemagne, en Autriche, il existe des travaux de qualité inspirés par le patriotisme local, ce qui n’est guère le cas en Alsace, si ce n’est par allusion, dans des cas exceptionnels ou avec des ellipses16. Il en va de même dans l’espace bourguignon, où des encouragements princiers avaient contribué à leur naissance, à la fin du XIVe ou au début du XVe siècle.
20 Cf. Antony-Schmitt (Marie-Madeleine), Le culte de Saint-Sébastien en Alsace. 11À Metz, la compagnie d’arbalétriers reçoit ses statuts en 1399 : élection de deux maîtres, serment, cotisation, entraînement régulier le dimanche. Elle organise un concours de tir à l’oiseau le 1er mai, avec des invitations et un vin d’honneur17.
À Strasbourg, le règlement des arbalétriers de 1405 renouvelé en 153418 spécifie le rôle de son comité directeur, les Siebner, sous le parrainage d’un des stettmeister de la cité (oberschützenherr) et la présidence d’un membre du Conseil des XV (obersiebnerherr), ce qui suffit à dire l’importance de la chose.
Adopté par ses membres, les « gemein schützen gesellen » dans le dernier tiers du XVe siècle, celui de Mulhouse19 est placé sous la protection de la Vierge et de saint Sébastien20, pour « promouvoir la paix et l’amitié de leur bonne compagnie » et ratifié par le bourgmestre et le conseil de la ville. Il s’articule autour de deux points : le tir proprement dit et l’organisation interne de la société. D’abord, pour éviter la fraude lors des épreuves, on prévoit que seul un juge qui ne fait pas partie des compétiteurs est habilité à marquer les points sur le tableau des résultats. Les tricheurs se voient confisquer leur arme.
12Bien entendu, ces règles de courtoisie ont cours dans le local de la société de tir : les blasphèmes sont proscrits, les jurons taxés à hauteur de deux sous au profit de la paroisse Saint-étienne, les insultes personnelles frappées de six deniers d’amende. Les querelles sont soumises à l’arbitrage des responsables ou éventuellement portées devant les autorités de la ville.
Si un membre ou un invité fait ses besoins hors des endroits indiqués pour cela (derrière de talus du schiessrain, ou à une certaine distance de la maison21), on lui enlève sa chaussure droite et on la place au milieu de la cible, à moins qu’il ne se rachète en offrant un pot (mass) de vin.
13La sociabilité des schützengesellschaften mériterait de longs développements, mais elle est difficile à saisir à travers des archives qui mettent l’accent sur le contrôle administratif des autorités. Ces dernières s’efforcent de les encadrer dans la perspective militaire qui les intéresse. Les arbalétriers et les arquebusiers sont traités de la même manière - à Bâle, en 1466, les sociétés correspondantes reçoivent les mêmes statuts -, mais les premiers, qui se prévalent de leur antériorité, finissent par céder le pas aux seconds. Les incitations officielles dont bénéficient ceux-ci se font toujours plus fortes avec le temps.
14Dans les villes les plus peuplées, ces compagnies d’arquebusiers sortent du cadre corporatif dans lequel se fait le service militaire. Les nombreuses montres d’armes strasbourgeoises des Guerres de Bourgogne23 permettent de connaître les « spécialités » des membres des différentes tribus : le décompte reste à faire, mais, selon toute vraisemblance, le panachage est la règle, les armes à feu cohabitant avec les piques, les épées, les hallebardes, et, bien entendu, les arbalètes.
16On possède un relevé des 152 tireurs strasbourgeois regroupés sous l’étiquette « am hantbussen rein », à une date inconnue, mais sans doute proche de 150024 : y figurent 21 charpentiers, 15 maçons (dont 6 poêliers), 15 bateliers, 15 cordonniers, 7 tailleurs, 6 maréchaux, 10 pelletiers, 11 tonneliers, 7 tisserands, 4 tanneurs, 4 jardiniers, 8 charrons et 33 membres dont le scribe dit « je ne sais pas avec qui [c’est à dire dans quelle corporation] ils doivent faire leur service » : il y a parmi eux un cartier, Kasper Keiser, un fabricant de tamis, un cordier, deux potiers d’étain, un crieur de vin, un valet de la douane. À l’exception des maraîchers, ils relèvent presque tous des arts mécaniques.
17La désignation schuessgesellen am hantbussen rein, - littéralement, « les compagnons tireurs du talus des arquebuses » -, leur attribue un terrain d’exercice schiessrain, bien précis. En effet, la pratique du tir nécessite des infrastructures adaptées, des lieux suffisamment vastes et sécurisés sans être distants.
tags: #societe #de #tir #strasbourg #histoire