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Bandeau

Le Vieux Fusil est un film français de Robert Enrico, sorti en 1975, qui continue de susciter des réactions passionnées et contrastées. Très librement inspiré de massacres tels que celui d’Oradour-sur-Glane, c'est un film magnifique, lourd, intense, dérangeant et sinistre.

Contexte et Inspiration

Le scénariste Pascal Jardin s'est inspiré du massacre d'Oradour-sur-Glane, où 642 civils, hommes, femmes et enfants furent assassinés par des membres en débâcle du régiment der Führer. Et c'est dans la fureur des mitraillettes et des lance-flammes que des soldats allemands déciment le hameau de fiction de La Barberie où la famille de Julien s'est réfugiée.

L'action du film se déroule dans le Sud de la France durant l’été 1944, après le débarquement américain, et s’inspire des exactions monstrueuses commises par la division SS Das Reich lors de sa remontée sanglante vers la Normandie, et en particulier des massacres de Tulle, d’Argenton-sur-Creuse et d’Oradour-sur-Glane, les 8, 9 et 10 juin 1944.

Synopsis

Montauban, été 1944 : le chirurgien Julien Dandieu essaye de continuer son travail, malgré la pression de la Milice, en préservant son épouse Clara et sa fille Florence. Afin de mettre celles-ci à l'abri jusqu'à la fin de la guerre, il les envoie se réfugier dans le château familial de la Barberie.

Or quand il veut les rejoindre, il découvre avec horreur que la division SS Panzer Das Reich a massacré tous les habitants du village voisin. Le bon docteur retrouve les cadavres de sa femme et sa fille. Fou de colère, Dandieu retourne au village où il détruit les idoles dans l’église. Le médecin pacifiste va se transformer en un meurtrier méthodique.

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Réalisation et Impact

Pour avoir cet effet glaçant qu’il ne lâche pas tout au long du film, le réalisateur joue sans cesse avec l’image, le son, la musique, mais aussi les contrastes. On se souvient du bruit du lance-flamme, de la musique effroyable qui le précède, puis des rires des bourreaux lorsqu’ils visionnent de vieilles archives familiales, dans une séquence à la fois cynique et voyeuriste. Le réalisateur sait comment tenir son public, appuie sur la plaie pour mieux l’impliquer et saisir le traumatisme.

La crudité, certains diront complaisance, de sa violence dans ce quasi huis clos au château de Bruniquel est même une référence pour le serial killer dans "C'est arrivé près de chez vous".

Le Vieux Fusil est nettement divisé en trois parties. Au début, le film de Robert Enrico nous entraîne à Montauban en 1944. Philippe Noiret incarne le docteur Dandieu, un médecin dont la profession est forcément bouleversée par la guerre et l’Occupation. En règle générale, c’est toute la vie à la ville qui est rendue extrêmement compliquée par l’Occupation. Au milieu de ce contexte difficile, la seule consolation de Dandieu, c’est sa petite famille, sa mère, sa fille, et surtout sa femme Clara. Romy Schneider est exceptionnelle dans ce rôle. Lumineuse, radieuse, elle incarne plus qu’un personnage : une lumière (ce quoi renvoie son prénom). Même aux milieux des bruits de bombardements, elle conserve sa grâce. Cette lumière donne la vie autour d’elle. Cette image restera constamment, tout au long du film. Si, en nombre de minutes, Romy Schneider est peu présente à l’écran, son personnage est pourtant le centre même du film. C’est son souvenir qui va guider le docteur dans son expédition vengeresse.

Pendant qu’il prépare sa vengeance contre les soldats nazis, Dandieu va être assailli par les souvenirs de sa femme, sa rencontre avec elle, sa petite vie de famille de bon père bourgeois de province avant la guerre, etc. De ces flashbacks va donc se dégager une impression paradoxale, mélange de bonté, de sérénité, de joie, et de douleur (car cette lumière s’est éteinte, car tout cela est irrémédiablement du passé désormais).

A travers cette histoire de massacre(s), Le Vieux Fusil nous montre comment l’horreur de la guerre se répand et contamine tout le monde. Au début, Dandieu est un homme qui essaie de faire son métier de son mieux (au vu des circonstances). Mais est-il possible de rester neutre en une telle période ? Dandieu pensait sincèrement échapper à tout cela et protéger sa famille en l’envoyant à la campagne, dans le hameau de la Barberie. Et c’est vrai que les images bucoliques semblent être à l’opposé de la situation tendue et compliquée de la ville. Mais pourtant, la guerre ne préserve rien, tout est touché, souillé par sa folie destructrice. La Barberie devient la Barbarie.

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Controverses et Réception

Il est reproché au film de faire la promotion de la loi du talion. Apologie de l’autodéfense, le long métrage repose sur des arguments détestables : Dandieu utilise les mêmes procédés que ses ennemis, jusqu’à leur dérober un lance-flammes pour immoler le chef de ces assassins. Ainsi, les enjeux de la guerre sont clairement évoqués en privilégiant un schéma cathartique, où le bon Français se débarrasse du méchant Allemand, le but étant de caresser dans le sens du poil la bonne conscience d’un pays dont le gouvernement officiel collabora avec l’occupant. Ici, l’émotion envahit tout, détermine chaque geste, chaque plan, chaque parole, pour construire une sorte d’infernal chantage lacrymal.

Une partie de la critique parle d’indécence, choquée par l’aspect insoutenable de cette chasse à l’homme que le cinéaste assume pleinement et que le public (et les professionnels) salueront de concert.

En 1975, Le Vieux fusil réunit 3 365 471 spectateurs. C’est le cinquième meilleur résultat de l’année au box-office France derrière La Tour infernale, Peur sur la ville, On a retrouvé la 7ème compagnie et Histoire d’O mais loin devant Le Sauvage, Dupont Lajoie et Sept morts sur ordonnance.

En 1976, Jean Gabin et Michèle Morgan lui remirent le tout premier César du meilleur film. N'en déplaise aux "Cahiers du cinéma", qui le qualifiaient de "abject", Philippe Noiret remporta celui du Meilleur acteur. Quant au compositeur François de Roubaix, alors qu'il est né à Neuilly, il remporta le César de la meilleure musique, un trophée posthume puisqu'il venait, à 36 ans, de disparaître dans un accident de plongée.

Le film triomphera lors de la toute première cérémonie des César en remportant trois statuettes : meilleur film, acteur et musique (à titre posthume pour François de Roubaix, disparu peu avant). Le temps confirmera cet engouement. En 1985, Le Vieux fusil sera élu comme César… des César par la même profession.

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Interprétations et Thèmes

Le Vieux Fusil est du genre "rape and revenge", qui n'est pas une vengeance après qu'on vous a forcé à écouter Roméo Elvis, mais après un viol, comme "Un Justicier dans la ville", "L'Été meurtrier" ou "Le Retour de l'inspecteur Harry".

Si Le Vieux fusil reste fidèle aux thématiques du cinéma de Robert Enrico (qui va des Grandes gueules aux Aventuriers en passant par Pile ou face ou Fait d’hiver) c’est qu’il raconte l’histoire d’un type ordinaire, en apparence parfaitement équilibré, qui bascule malgré lui dans la violence et la folie.

Les années 70 sont celles où le pays commence à regarder en face son comportement pendant la Seconde Guerre mondiale et à pointer du doigt le fait que les Français ne furent pas tous des héros ou des résistants mais aussi des collabos. Le Vieux fusil sort un an après Lacombe Lucien de Louis Malle qui avait fait polémique. Mais le film d’Enrico est aussi l’une des rares incursions françaises dans un genre qui fait alors florès aux Etats-Unis : les films de justice expéditive, popularisés par Charles Bronson (Un justicier dans la ville en 1974) et Clint Eastwood avec la saga des Inspecteur Harry.

Dans le cas présent, la construction même du film nous permet de nous mettre aux côtés de Dandier. Immédiatement. Mais dès le début, le ton est pourtant donné avec cette entrée des Allemands dans la ville, au milieu des « maquisards » pendus de chaque côté. De même, l’hôpital où il officie est loin d’être un havre de paix, perpétuellement envahi de soldats allemands et de miliciens à a recherche des combattants que Dandier soigne.

Puis l’on découvre mieux le cocon de Dandier, un cocon qu’il entend préserver des affres de la guerre. Car ce que le film nous fera découvrir à coup de flashbacks, c’est une grande et belle histoire vécue par Julien et Clara et qui démarra par un coup de foudre. Deux êtres que tout oppose et qui ont eu le malheur de s’aimer juste avant la guerre. Julien était un médecin reconnu et installé ; Clara une jeune femme moderne qui travaille quand elle en a besoin et qui « ne peut aimer un homme à qui je cède tout de suite« . Et c’est pourtant ce qui arriva. Clara est à la vie heureuse de l’avant guerre, la vie heureuse à laquelle on s’accroche durant la guerre. Mais c’est surtout l’humanité de Julien.

Quand Julien découvre le terrible destin de sa famille, il vrille et se mue en un être éprit de vengeance et qui convoque les souvenirs de cette vie heureuse pour mieux trouver la force d’aller au bout. Mais cette vie heureuse « d’avant » est aussi celle dans laquelle il va se réfugier quand son esprit sera trop « secoué » pour supporter cette vengeance accomplie.

Mais s’il est bien des scènes qui ne peuvent que nous retourner, c’est d’abord celle où l’on découvre le sort de Clara, face aux Allemands. La prestation de Romy Schneider est en tout remarquable. Couplée à la scène où Dandier découvre les corps et ne peut qu’étouffer ses cris, ces deux instants sont horriblement bouleversant. Et comment ne pas être pétri d’émotion face à Dandier qui retrouve brièvement ses esprits à la fin du film, réalisant ce qu’il vient de faire. Avant de resombrer !

Acteurs

  • Philippe Noiret : Julien Dandieu
  • Romy Schneider : Clara Dandieu
  • Jean Bouise : François

Prix et Récompenses

Année Cérémonie Récompense
1976 César du cinéma Meilleur film
1976 César du cinéma Meilleur acteur (Philippe Noiret)
1976 César du cinéma Meilleure musique (François de Roubaix)
1985 César du cinéma César des césars

Le Vieux Fusil est un grand film. Philippe Noiret est exceptionnel (il faut voir cette image, furtive, lorsqu’à la fin du film il se rend compte de tout ce qui vient de lui arriver). Il est parfaitement secondé par un Jean Bouise qui a toujours été un des meilleurs seconds rôles du cinéma français. La présence de Romy Schneider évite au film, avec justesse, de sombrer dans le désespoir absolu en lui apportant la lumière et la grâce.

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