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Le football grec, plongé depuis de longues années dans un chaos dont la violence n'est qu'une plaie parmi d'autres, est confronté à de nombreux problèmes. Corruption, copinage, matches truqués, intimidations en tout genres, magouilles financières, présidents de clubs tout-puissants, arbitres et journalistes agressés, salaires impayés, joueurs endettés... le mal est profond et l'atmosphère toxique.

La Mort Tragique d'Alkis Kampanos : Un Symbole de la Violence dans le Football Grec

Alkis Kampanos avait 19 ans. C'était un garçon sans histoire, étudiant en première année d'économie à l'université Aristote de Thessalonique. Ce soir-là, comme il en avait l'habitude, Alkis avait retrouvé quelques potes dans un parc du quartier Charilaou. Vers minuit, posés sur le perron d'un immeuble à l'angle des rues Plastira et Gazi, ils ont vu deux voitures débouler, une de chaque côté. Les assaillants en sont sortis et l'un d'eux, flanqué d'une faucille bientôt identifiée comme l'arme du crime, leur a demandé quelle équipe ils soutenaient. Alkis est restée bouche bée, sans doute paralysé par la peur, mais l'un de ses amis a eu le malheur de répondre.

Alors la folie meurtrière s'est enclenchée et les coups ont plu, de poings, de pieds, de battes de baseball, de couteaux. Ces coups, ils ont envoyé deux gamins à l'hôpital. Alkis, touché à une jambe, avait déjà perdu trop de sang lorsque l'ambulance est arrivée. Ses derniers mots - « S'il vous plaît, arrêtez de me frapper » - hanteront à jamais ses parents, Melina et Aristidis, dont les visages étaient encore marqués par les larmes et les nuits sans sommeil le 3 avril, avant un triste match de play-offs contre le PAS Giannina (0-0). Ils résonnent aussi dans l'esprit des dizaines d'amoureux de l'Aris que l'on a vu se recueillir sur le lieu du drame ce jour-là, devant un impressionnant mur de cierges, d'écharpes, de fleurs, de messages de soutien et de dessins d'enfants. C'est tout près du stade Kleanthis-Vikelidis, l'antre de l'Aris, qu'Alkis Kampanos a trouvé la mort.

Pour « ne jamais oublier » Alkis Kampanos, Thanasis Evangelo­poulos a peint une immense fresque. Assis sur les marches de la honte, café frappé à la main, le graffeur Thanasis Evangelo­poulos venait d'achever une fresque de 15 mètres sur 15 en l'honneur du jeune supporter sur le trottoir d'en face. Cinq jours de travail pour « dire stop à l'intimidation et à la violence dans le sport », qui a fait deux morts en trois ans rien qu'à Thessalonique.

Les Mesures Prises pour Lutter Contre la Violence et Assainir le Football Grec

Avant même d'annoncer ses mesures en réponse à la mort d'Alkis le 21 février (fermeture de tous les clubs de supporters jusqu'au 31 juillet, durcissement du contrôle de ces clubs ainsi que des peines de prison contre les coupables de violence), le ministre délégué aux Sports, Lefteris Avgenakis, imputait la violence des supporters « à la culture et au mode de gouvernance » de la Fédération de football grecque (EPO), trahissant un conflit ouvert entre les deux parties.

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Il en a remis une couche quand il nous a reçus dans son bureau le 1er avril, reprochant à de maintes reprises à l'EPO de ne pas respecter les termes du mémorandum d'entente signé entre son gouvernement, l'UEFA et la FIFA en 2020. Cet accord, dont l'objet était d'assainir pour de bon le foot grec, a pourtant débouché sur la révision des statuts de la Fédération - entrés en vigueur au mois de février - et la mise en oeuvre d'un certain nombre de réformes institutionnelles sous l'oeil attentif (et la plume) de l'UEFA et de la FIFA, les « seules autorités compétentes en la matière » selon le PDG par intérim de la Fédé, Iakovos Filippousis.

Parmi ces réformes : les créations d'une commission d'audit, de gouvernance et de conformité composée d'anciens juges de la Cour suprême, totalement indépendants, et d'un Conseil du football professionnel supposé assurer une meilleure représentation des parties prenantes. Le syndicat des joueurs (PSAPP) y a obtenu deux sièges sur un total de 13. « Les clubs ont six sièges et la Fédération cinq, complète Giannis Braho, responsable des relations internationales au PSAPP. Il y a un déséquilibre, c'est sûr, mais c'est une première étape pour nous, un nouveau départ. On n'était nulle part. On va essayer d'avancer nos pions.

La Corruption et les Matches Truqués : Un Fléau Persistant

Concrètement, le syndicat travaille à améliorer le système de licence afin de limiter le risque de voir des clubs devenir insolvables, un problème récurrent - une cinquantaine de clubs ont fait faillite depuis 2012, laissant derrière eux des arriérés de salaires de plus de 26 millions d'euros - qui fait des joueurs des « proies faciles » face à la manipulation des matches. Il discute aussi avec le ministère des Sports de la création d'un fonds de garantie pour les quelque 1 500 footballeurs victimes de ces pratiques, et prépare activement le lancement de l'application Red Button, censée leur permettre de signaler anonymement les tentatives de corruption dont ils feraient l'objet.

Lors de la dernière enquête d'envergure menée à ce sujet par le syndicat mondial des joueurs pros (Fifpro), en 2012, 30,3 % des joueurs du Championnat grec avaient répondu avoir été approchés au moins une fois pour truquer le résultat d'un match.

Assis dans un café du bord de mer à Glyfada, à une vingtaine de minutes de voiture du centre-ville d'Athènes, Anthony Mounier reconnaît qu'il se pose parfois des questions devant certains résultats, « quand des équipes qui sont bien prennent quatre ou cinq buts à domicile par exemple ». L'ailier français du GS Kallithéa (D2) croit aussi savoir que « des clubs qui ont des problèmes d'argent parient contre eux-mêmes pour remplir les caisses » et, plus surprenant encore, affirme que « nos concurrents directs pour la montée offrent des primes à nos adversaires ».

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« On le sait parce que tous les joueurs se connaissent, soutient l'ancien international Espoirs de 34 ans, qui avait fait trois jours de grève pour protester contre des retards de salaire quand il évoluait au Panathinaïkos (2017-19). Il y a des clubs où les mecs (en D2) ne prennent pas d'argent pendant quatre, cinq, parfois six mois. Accepter ces primes, c'est un moyen pour eux de se faire 300 ou 400 euros. » Ce qui est loin d'être anodin dans un Championnat où le salaire moyen tourne autour des 1 000 € par mois, selon le syndicat (contre « 6 ou 7 000 € en D1 »).

L'Ingérence des Présidents de Club : Un Pouvoir Excessif

Ancien arbitre en Super League, Petros Konstantineas a pris sa retraite prématurément en 2012, quand sa boulangerie familiale de Kalamata a été détruite par une explosion d'origine criminelle. Il avait reçu, une vingtaine de jours plus tôt, la visite de trois hommes, dont le numéro 2 de la Fédé de l'époque, Theodoros Kouridis, lui demandant d'avantager l'Olympiakos dans un match de Championnat.

En mars 2018, le dirigeant du PAOK, Ivan Savvidis, n'hésitait pas à fouler la pelouse de son stade pistolet à la ceinture. Il a fallu un mois à Konstantineas pour tout rebâtir, mais beaucoup plus pour se reconstruire.

Officiellement, la police n'a trouvé aucune preuve, mais il semble admis que l'ombre d'Evangelos Marinakis planait sur cette attaque. À la fois propriétaire et président de l'Olympiakos, l'homme d'affaires de 54 ans, qui a fait fortune dans le secteur du transport maritime, avait été suspendu de toute activité liée au football en 2015 pour son implication supposée dans un scandale de matches truqués en 2012 et 2013, avant d'être acquitté en 2021 faute de preuves suffisantes - au même titre que 27 autres personnes, dont l'ancien président de la Fédération grecque Giorgos Sarris. À la simple évocation de son nom, les visages se crispent et le chuchotement devient la règle.

Le journaliste Aris Asvestas, qui enquête sur la corruption dans le football grec depuis plus de vingt ans, a été agressé deux fois sur le chemin de son domicile, en 2012 puis en 2018. Le message était clair : ils voulaient me forcer à arrêter et me faire vivre dans la peur. »

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Selon des sources concordantes, Marinakis tenterait aujourd'hui de retrouver son influence perdue au sein de la Fédération - supposément au profit de Melissanidis - en usant de ses connexions avec le parti au pouvoir, Nouvelle Démocratie.

Suspension du Championnat et Réactions

L'incident de trop: le gouvernement grec a suspendu lundi jusqu'à nouvel ordre le championnat de football de Grèce, après l'irruption armée durant un match du président du PAOK, dimanche, nouvel épisode d'un long feuilleton de violences dans les stades. "Nous avons décidé de suspendre le championnat", a annoncé le secrétaire d'Etat aux Sports, Giorgos Vasiliadis, à l'issue d'une réunion d'urgence avec le Premier ministre, Alexis Tsipras.

Les rencontres "ne reprendront pas tant qu'un nouveau cadre ne sera pas mis en place, convenu par tous", a-t-il ajouté, précisant qu'Athènes était "en contact" avec l'UEFA. Le gouvernement grec de gauche avait déjà recouru à une telle suspension il y a deux ans, au nom de la lutte contre la violence et pour l'assainissement du football national.

Les images de l'épisode ont fait le tour du monde. Le bouillant dirigeant du PAOK, un influent homme d'affaires gréco-russe de 58 ans, était recherché lundi par la police pour "violation de la loi sportive", a indiqué une source policière. Selon cette source, il "dispose d'une licence" de port d'arme, et n'est donc pas poursuivi sur ce point.

Rebondissant sur les sympathies pro-gouvernementales affichées par M. Savvidis, l'opposition de droite s'est saisie de l'affaire, jugeant qu'elle attestait du "déclin" du pays sous la direction de M. Tsipras.

De son côté, le quotidien de centre gauche Ethnos, contrôlé par M. La saison est de fait très noire pour le foot grec, dont les matches ne se sont jamais autant disputés devant les tribunaux. En cause, des violences récurrentes impliquant les quatre grands clubs, PAOK, AEK, Olympiakos (le Pirée) et Panathinaïkos (Athènes), en dépit d'une série de mesures déja prises par les autorités, dont le bannissement des stades des supporteurs organisés de ces équipes lors des rencontres à l'extérieur.

Mi-février, Olympiakos avait ainsi perdu trois points et écopé d'une amende de 90.000 euros après l'envahissement du terrain par ses fans suite à la défaite face à l'AEK.

«Déposer les armes» ou être exclu «de la famille du football international», c’est le choix devant lequel la FIFA a placé mercredi les responsables d’un sport dont le spectacle désolant est désormais autant visible depuis les tribunes des stades que les bancs des tribunaux. La FIFA attend un rapport du comité de surveillance sous dix jours pour statuer sur le sort du football grec, dont le championnat est suspendu jusqu'à nouvel ordre.

Pour espérer reprendre le championnat, les responsables du foot en Grèce devront d’ici vendredi 23 mars prendre un engagement écrit d’éradication de la violence des stades. Pour tenter de trouver un apaisement, il est d’ores et déjà prévu que les matches de Super League et de Coupe grecs se déroulent l’an prochain avec le système d’assistance vidéo VAR.

Tableau Récapitulatif des Sanctions et Mesures

Mesure/Sanction Description
Fermeture des clubs de supporters Fermeture de tous les clubs de supporters jusqu'au 31 juillet.
Contrôle des clubs de supporters Durcissement du contrôle des clubs de supporters.
Peines de prison Durcissement des peines de prison contre les coupables de violence.
Suspension du championnat Suspension du championnat de football de Grèce jusqu'à nouvel ordre.
Système d'assistance vidéo VAR Introduction du système d'assistance vidéo VAR pour les matches de Super League et de Coupe grecs.

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