La crise migratoire à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie continue de s'intensifier, engendrant des mesures de plus en plus strictes et suscitant de vives inquiétudes quant au respect des droits de l'homme.
Pour faire face à la pression migratoire, la Pologne a achevé en 2022 la construction d'un mur en acier le long de sa frontière avec la Biélorussie et a déployé des milliers de soldats. Des mesures similaires ont été mises en place le long de sa frontière avec la Russie.
M. Tusk a annoncé récemment le renforcement du dispositif, dans le cadre d’un projet de 2,3 milliards d’euros. «Actuellement, il y a près de 6000 militaires» mais «à terme, il y en aura jusqu'à 17.000, dont huit sur place et 9000 en réserve», prêts à y être déployés en 48 heures, formant «une force de réaction frontalière rapide», a précisé le chef de l'état-major de l'armée polonaise, le général Wieslaw Kukula.
Cet été, le gouvernement a mis en place une zone tampon complètement militarisée le long de la frontière pour empêcher les migrants de pénétrer dans le pays.
Selon les gardes-frontières polonais, plus de 17 000 personnes ont tenté de franchir la frontière entre la Biélorussie et la Pologne depuis le début de l'année. Au mois de mai, les soldats polonais ont tiré plus de 700 coups de semonce adressés aux migrants, selon le ministère de la Défense.
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Un soldat polonais est mort poignardé par un inconnu à travers la barrière en juin. En mai dernier, un soldat polonais est mort après avoir été poignardé alors qu’il tentait, derrière une clôture, d’empêcher des migrants de pénétrer sur le territoire polonais. L’événement avait provoqué une forte émotion en Pologne et même conduit le premier ministre Donald Tusk à déclarer que les forces de sécurité aux frontières pourraient désormais utiliser leurs armes face aux migrants.
Alors que la situation est particulièrement tendue dans la zone, le drame aurait pu avoir des conséquences incontrôlables. Un soldat, membre du contingent déployé par la Pologne à la frontière avec la Biélorussie pour contenir les migrants voulant rallier l’Europe, est mort des suites d’un « accident malheureux », a annoncé samedi l’armée polonaise. Selon les premiers constats, « son arme de service a déclenché un tir (…) sans participation de tierce personne ». La victime « n’avait aucun contact avec les migrants », a assuré l’armée.
Ce vendredi 12 juillet, le gouvernement a élargi les prérogatives des forces armées. Elles ont désormais le droit de tirer sur les migrants sans en être tenues responsables pénalement. Une mesure qui inquiète les humanitaires sur place. Ce vendredi, les députés polonais ont levé la responsabilité pénale des soldats désormais autorisés à tirer face aux migrants.
Le Parlement polonais a légiféré après une série d’incidents impliquant des militaires polonais et des migrants. En mars, trois soldats polonais ont ainsi été poursuivis par la justice de leur pays pour avoir tiré à balles réelles sur des migrants qui traversaient la frontière biélorusse. Cette décision judiciaire avait suscité une forte réprobation dans l’opinion publique.
Le texte a été adopté le jeudi 11 juillet. 401 députés ont voté en faveur de cette nouvelle loi qui a largement fait consensus au sein du Parlement polonais. Seuls 17 s’y sont opposés. Le texte allège les règles d’engagement des militaires, garde-frontières et gendarmes aux frontières, qui ont été soumises à une forte pression migratoire depuis quelques années.
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Le projet de loi a cependant été vivement critiqué par certaines associations qui y voient un « droit de tuer ». Le gouvernement polonais avait initialement prévu d’exonérer de toute responsabilité pénale les soldats pour tout acte constituant un crime commis lors d’une opération à la frontière.
Comme le rapporte le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, le projet de loi a été très critiqué par certaines associations qui y voient un «droit de tuer». Le journal polonais explique que le gouvernement avait d’abord prévu d’exonérer de toute responsabilité pénale des soldats pour tout acte constituant un crime commis lors d’une opération à la frontière.
Nombre d’organisations humanitaires accusent la Pologne de poursuivre la pratique illégale du refoulement. Dans un communiqué diffusé mercredi, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Michael O’Flaherty, a publié le contenu d’un courrier adressé le 17 juillet au Premier ministre polonais Donald Tusk. Il s’y dit « préoccupé par les informations faisant état de la poursuite de la pratique des renvois sommaires de personnes à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, en contradiction avec les obligations de la Pologne au titre du droit international » en matière de droits de l’homme.
Une erreur selon l'activiste humanitaire Kasia Mazurkiewicz, qui s’inquiète pour la vie des réfugiés : « En voyant quelqu’un dans la forêt, on n’est pas en mesure de dire s’il représente une menace ou s’il s’agit d'une personne fuyant un pays en guerre, et qui cherche juste à survivre. Et il faut les traiter comme des humains. Or, on ne tire pas sur des humains ». Avec son association d’aide aux migrants, elle arpente régulièrement la forêt le long de la frontière, et craint désormais pour sa propre sécurité. « Pour nous, c’est très inquiétant, car on sauve des vies humaines, mais on a peur de se faire fusiller en portant secours aux autres. Désormais, on va réfléchir à deux fois avant d’aller sauver quelqu’un, car on sait qu’on risque nous-mêmes d’y rester ».
Entre les forces armées et les activistes, les tensions sont au plus haut cet été.
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Moscou et Minsk, accusé de déstabiliser volontairement les frontières de l’UE, maintiennent une pression migratoire constante sur la Pologne depuis l’automne 2021 où une grave crise diplomatique avait éclaté entre l’UE et la Biélorussie. La France avait accusé le chef d’État biélorusse d'être derrière un «trafic» d'êtres humains «savamment organisé» avec des pays tiers, vers l'Union européenne, via la Turquie et Dubaï.
La Russie est accusée de déstabiliser délibérément les frontières de l’UE. L'Union européenne accuse aussi les dirigeants de la Biélorussie d'orchestrer l'afflux de migrants.
| Période | Nombre de tentatives de passage illégal (depuis la Biélorussie) |
|---|---|
| Depuis le début de l'année | Plus de 17 000 |
Selon les garde-frontières polonais, plus de 17.000 tentatives de passage illégal depuis la Biélorussie ont été détectées depuis le début de l’année. Cette année, plus de 18 000 personnes ont tenté de traverser illégalement la frontière.
Il s’agit de soutenir les garde-frontières mais aussi de renforcer la frontière orientale de l’Otan dans le contexte de la guerre d’Ukraine.
La Pologne a déployé une quinzaine de milliers de soldats le long de la frontière, sans compter la police et les gardes-frontières, et y a instauré il y a bientôt trois mois un état d’urgence. La situation reste tendue, des troupes étant déployées également côté biélorusse.
Des milliers de migrants, la plupart originaires d’Afrique et du Proche-Orient, ont franchi ou tenté de franchir au cours des derniers mois la frontière de la Biélorussie pour entrer en Lituanie, en Pologne ou en Lettonie, pays membres de l’Union européenne.
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