L'Armée Allemande n'aurait jamais pu imaginer que les pistolets lance-fusées (de son nom original Leutch-Pistol) seraient utilisés à grande échelle et ce durant les 4 années de guerre dans laquelle elle est engagée. En effet à l'époque, très peu de moyens sont mis à disposition des troupes; les ondes hertziennes sont très peu utilisées et ce sont des kilomètres de câbles téléphoniques qui doivent être déroulés pour permettre la transmission de messages divers et variés.
Ainsi les pistolets signaleurs allemands, déjà en service avant la guerre, vont s'avérer d'une redoutable efficacité d'autant plus que son ennemi principal, la France, n'en est pas encore dôtée ! Pour mieux organiser notre réflexion, nous traiterons dans un premier temps des principaux pistolets lance-fusées utilisés par l'Armée Impériale, puis dans une deuxième partie des fusils transformés en arme de signalisation pour enfin envisager, dans une troisième et dernière partie, les cartouches employées ainsi que leur conditionnement.
Ce pistolet dénommé Hebel par les collectionneurs du monde entier est une arme de conception moderne et de fabrication soignée. C'est l'un des rares pistolets pour lequel nous pouvons déterminer avec une certaine précision l'année d'adoption, 1894, et ce grâce à un manuel d'instruction allemand datant du 30 avril de cette même année.
En avance sur son temps, il sera dans un premier temps distribué aux pionniers, puis très vite étendu à l'infanterie. Le pistolet Hebel, très robuste, est réalisé en acier usiné. Toutes ses pièces finies à la main sont bronzées en noir, sauf le chien et la détente qui sont polis en blanc glacé et les vis qui sont jaunies ou bleuies à la flamme.
Ce pistolet signaleur ayant été construit par une multitude de fabricants, presque tous ceux que l'on rencontre sont différents sur de légers détails comme, par exemple, la réalisation des poignées en bois qui peuvent être en noyer, voir plus rarement en hêtre. Ils présentent cependant tous et à peu de choses près les mêmes dimensions, 227 à 234mm de longueur de canon pour une longueur totale comprise entre 355 et 360mm environ, et arborent un poids important de près de 1,5kg.
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Cette arme dispose d'un double verrouillage de son canon; canon qui d'ailleurs est très bien usiné puisque celui-ci ne prend aucun jeu malgré une utilisation intensive comme le prouvent les armes découvertes, et ce quel que soit leur état. L'ouverture est commandée par un levier placé devant le pontet tandis que le système à bascule, dit "à brisure", est muni d'un extracteur automatique. Cet ingénieux procédé sera d'ailleurs repris sur la plupart des pistolets lance fusées adoptés par les allemands avant la Seconde Guerre Mondiale.
La carcasse du pistolet lance-fusées Hebel comporte, sur le côté gauche, une plaque de recouvrement maintenue par 3 vis qui permet d'accéder à une platine dont la qualité n'a rien à envier à notre revolver réglementaire modèle 1873. Cette dernière est à simple action et dispose d'un chien à rebondissement qui lui permet de revenir automatiquement sur le cran de sûreté.
A savoir que le pontet n'est pas solidaire de la carcasse et peut être ôté après que la plaque de recouvrement ait été retirée. On retrouve une multitude de marquages estampillés à différents endroits du pistolet lance-fusées Hebel. Ainsi au niveau de la bascule, sur le côté gauche de la carcasse, figurent le numéro de série de l'arme et le sigle du fabricant, voire ses initiales. On en comptabilise une bonne dizaine dont certains ont pu être identifiés avec certitude. La plupart d'entre eux sont situés dans le Land de Thuringue, région du centre de l'Allemagne.
Liste des fabricants identifiés :
Le côté droit de la carcasse du pistolet signaleur Hebel et le plan latéral de ce même côté du canon disposent quant à eux de poinçons relatifs aux bancs d'épreuve et émis sous forme de lettres couronnées (A, B, S ou U) mais également du fameux aigle impérial. Il arrive également parfois de rencontrer la désignation du calibre (26.65mm) sous forme de cercle renfermant le chiffre 4 ainsi que la date de production de l'arme.
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Par ailleurs, il est possible de trouver, comme sur la plupart des pièces d'équipement de cette armée, des marquages régimentaires sur la partie avant ou arrière de l'armature de la poignée mais également sur le côté gauche de la carcasse.
Pour continuer notre étude, veuillez trouver ci-dessous la photographie d'un étonnant modèle de lance fusée Hebel découvert sur le terrain. Cette trouvaille hors-norme, unique en son genre, nous présente une arme ordinaire dont la crosse est des plus étonnantes. En effet, cette dernière est moulée d'une seule pièce et est munie d'un dispositif de tir tout à fait original (Abschussvorrichtung) permettant d'effectuer des tirs verticaux lumineux destinés au repérage, notamment pour le réglage de tirs de l'Artillerie.
Ce type de lance-fusées était dénommé Pistole für senkrechten Leuchtschuss et était livré aux unités dans une caisse spécifique contenant également :
Des cartouches de signalisation bien particulières qui s'illuminent en phase ascendante, et non en phase courbe lors de la retombée comme avec les fusées ordinaires, devaient être utilisées avec ce type d'arme. Ces dernières étaient conditionnées dans la caisse en plus des accessoires précités comme suit :
A savoir qu'il pouvait être fait usage d'un modèle Hebel ordinaire dont on aurait ôté les plaquettes afin de pouvoir être fixé convenablement. Ce dispositif de tir si particulier n'est pas sans rappeler le dispositif de fixation dont il était fait usage lors la seconde guerre mondiale et qui portait le nom de Einspannvornrichtung.
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En outre, il est important de rappeler que le pistolet lance-fusée Hebel sera adopté par le principal allié de l'Allemagne. Ainsi, l'Autriche-Hongrie produira un pistolet signaleur identique au modèle allemand si ce ne sont ses marquages et poinçons qui le trahiront ou encore l'absence de contre-vis au niveau de l'axe de bascule. Un décrochement plutôt droit de l'épaisseur de la carcasse, au centre de la plaque de recouvrement, et non pas courbe est également à constater.
Pour finir, il ne faut pas oublier que le pistolet signaleur Hebel sera produit après-guerre avec un canon court et employé ainsi par l'Allemagne durant le second conflit mondial. Bien que certains exemplaires à canon long soient utilisés tel quel après-guerre, de nombreux exemplaires se verront modifier et donc raccourcis! De ce fait, on peut retrouver des modèles estampillés de marquages qui permettent d'affirmer un emploi sous la république de Weimar ainsi que sous le III Reich.
Outre ces utilisations, on peut également mentionner que l'Armée Belge semble avoir réutilisé des modèles du pistolet Hebel (certains parlant même d'exemplaires produits par le royaume lui-même). L'Armée Française semble avoir fait de même puisque des exemplaires, accompagnés de cartouches d'époque, étaient encore présents au début des années 90 dans les cabanes situées aux extrémités des pistes d'aviation, et censés être utilisés pour ordonner une remise de gaz en urgence au cours des lâchés en vol de nuit des jeunes recrues si l'exercice se déroulait mal.
Ce pistolet lance-fusée de fabrication rustique a été produit à Lièges durant l'occupation allemande de la Belgique (Août 1914 / Novembre 1918) même si aucune date, même approximative, n'est avancée ! Il est entièrement réalisé en acier et arbore un bronzage noir, voir plus couramment une peinture Feldgrau, même si la plupart des exemplaires rencontrés en sont démunis; absence due très certainement aux perpétuels nettoyages auxquels se livrent les gens !
La longueur du canon de ce modèle est de 206mm, pour une longueur totale de 358mm. Cette arme se compose d'un canon prolongé par un boîtier de culasse renfermant un percuteur linéaire. Ce pistolet fonctionne en simple action, le percuteur étant armé manuellement à l'aide d'un bouton-tirette situé à l'arrière.
L'ouverture se fait par rotation du canon autour d'un axe situé sur le côté gauche et est commandée par un bouton-poussoir. Le côté droit quant à lui, diamétralement opposé à cet axe, est muni d'un verrou qui fait également fonction d'extracteur. Le numéro de l'arme est frappé sur le côté gauche du pistolet, à cheval sur les 2 parties rotatives.
Les autres marquages se limitent à la lettre D et à une lettre I surmontée d'une couronne qui peuvent s'apparenter à des poinçons de contrôle. La partie supérieure gauche de la poignée en chêne comporte elle aussi une inscription dans un rectangle gravée profondément au feu, "MKD Lille" (pour Militär Kommandantur Lille).
A savoir que contrairement aux fabrications précoces, les futures productions disposeront dans un premier temps d'un pontet totalement différent avec armature de poignée aux angles plus ou moins prononcés et anneau de port puis, plus tardivement, d'un changement d'inscription dont l'intitulé sera "Kdtur Lille".
Cette armature de crosse renferme un ressort de rappel que l'on peut définir comme étant "à boudin" puisque ce dernier travaille en extension. La poignée, quant à elle, est composée de plaquettes fixées par deux vis traversantes (la vis supérieure faisant office d'axe de détente). La production de ce pistolet lance-fusée doit avoisiner les 30 000 pièces environ puisque le plus grand numéro de série observé est légèrement inférieur.
Druckknopf, c'est le nom donné à ce lance-fusées par le cercle des collectionneurs. Sa longueur est de 343mm pour un canon de 248 et son poids avoisine les 1.125kg.
Ce pistolet à canon long entièrement fabriqué en acier est de fabrication simpliste. Son système d'ouverture est d'ailleurs différent de ce que l'on a pu voir jusqu'à présent. En effet, le canon muni d'un extracteur automatique comporte un simple verrou dont l'ouverture est commandée par un bouton-poussoir situé sur le côté gauche de la carcasse (système repris sur le célèbre LP 42 utilisé durant le second conflit mondial).
La détente du pistolet lance-fusée Druckknopf est démunie de pontet, c'est ce que l'on appelle un type de détente "à éperon" ou encore détente "américaine" ou "mexicaine". Par ailleurs, contrairement au Hebel, le percuteur de cette arme ne se trouve pas sur le chien mais sur la carcasse qui ne dispose pas de plaque de recouvrement de platine. Le mécanisme est comme à chaque fois à simple action.
La poignée, de forme arrondie, possède un anneau facilitant le port et ses plaquettes réalisées en noyer sont fixées par une seule et unique vis. Les poinçons du banc d'épreuve, situés sur le côté droit du canon et de la carcasse, sont les mêmes que ceux apposés sur le Hebel. Les initiales du fabricant et le numéro de série se trouvent quant à eux sur le côté gauche de l'arme.
La seule et unique firme de production pour ce type de pistolet lance-fusée a pour initiale J.K. A savoir que des variantes existent chez un même fabricant, très certainement dues à la période de production. Ainsi, entre Novembre 1915 et Février 1916, une modification a été apportée au niveau du système de fermeture du canon, très facilement repérable grâce à une entaille une fois celui-ci basculé.
Il est, je pense, nécessaire de signaler que ce pistolet signaleur aurait été produit avec un canon court même si je n'ai pu en voir moi-même. Cette production très certainement d'après-guerre serait intéressante à analyser, notamment du point de vue des numéros de série afin de la dater approximativement; le chiffre le plus élevé recensé des modèles originaux à canon long atteignant les 33957 !
Modèle | Année d'Adoption | Longueur du Canon | Longueur Totale | Poids | Fabricants |
---|---|---|---|---|---|
Hebel | 1894 | 227-234 mm | 355-360 mm | ~1.5 kg | Multiples (voir liste détaillée) |
Kommandantur Lille | 1914-1918 (occupation allemande) | 206 mm | 358 mm | N/A | Liège (Belgique) |
Druckknopf | N/A | 248 mm | 343 mm | ~1.125 kg | J.K. |
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