La mitrailleuse Gatling, une des premières mitrailleuses efficaces, combinait fiabilité, puissance de feu et facilité d'alimentation. Elle fut conçue par l'inventeur américain Richard Gatling en 1861, qui déposa en 1862 le brevet pour une arme à plusieurs canons rotatifs. Initialement, elle utilisait des cartouches en papier, ce qui limitait sa fiabilité.
Les essais de la Gatling impressionnèrent l'US Army, qui acheta plusieurs modèles en 1865. En 1866, elle fut modifiée pour tirer des munitions à étui en laiton. Pendant la guerre de Sécession, la Gatling n'était pas encore en usage officiel dans l'armée de l'Union, mais quelques exemplaires, achetés sur fonds privés, furent utilisés, notamment au siège de Petersburg et sur des canonnières.
Le principe de fonctionnement repose sur plusieurs ensembles, chacun constitué d'un canon intégrant une chambre et un mécanisme de percussion. Lors du tir, l'une des opérations nécessaires (chargement, verrouillage, percussion, extraction et éjection) est toujours en cours sur l'un des ensembles. Une manivelle imprime un mouvement de rotation à dix ensembles montés autour d'un axe central, permettant à chacun de tirer successivement grâce à un système de cames. Le chargement s'effectue par gravité à partir d'un chargeur placé au-dessus de l'arme. La cadence de tir pouvait atteindre 1 200 coups par minute, mais un tir utile dépassait rarement 400. Le calibre variait de 7,8 à 25,5 mm, et elle était servie par quatre opérateurs.
Napoléon III s'intéressa particulièrement à ce type d'arme, mais son utilisation par l'artillerie fut un désastre. La Défense Nationale ne s'en soucia plus du tout par la suite. La question se posait de savoir comment grouper dans un même régiment des pièces de 4 et des canons à balles, car les deux avaient des portées et des utilisations très différentes. Les artilleurs étaient gênés par ces canons à balles, déstockés des arsenaux juste au début de la guerre, car ils n'avaient jamais eu l'occasion de s'en servir.
Il y avait pourtant 190 canons à balles de Reffye à la fin 1868 : 24 batteries de 144 pièces stockées à Meudon et 46 pièces tenues en réserve dans les forts de Paris. La bataille de Mars la Tour le 16 août 1870 contre la 38° brigade prussienne a néanmoins vu leur emploi avec un immense succès. La France acheta 25 mitrailleuses Gatling à la Gatling Gun Company.
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Ces 25 Gatling ne sont relatées dans aucun combat de ma connaissance, à part les 3 qui participèrent, encore avec un gros succès, aux combats du Mans les 11 et 12 janvier 1871. Après guerre, la République ignora mitrailleuses et canons à balles, et les combats de l'été 1914 rappelèrent que des mitrailleuses convenablement utilisées étaient plus que meurtrières !
D'après les commissions qui statuèrent sur leur sort, aucune doctrine d'emploi de ces canons à balles et mitrailleuses n'ayant été adoptée, elles avaient été reconnues justes bonnes dans un usage de flanquement des forts. De plus celles qui tiraient du petit calibre furent reconnues inexploitables. Tout l'arsenal des canons à balles et mitrailleuses fut donc restocké dans les places fortes. Le tout fut mis à la réforme en 1907 quand le stock de cartouches vieux de 25 ans s'avéra inutilisable.
Dans les années 1880/1890 tout de même, quelques régiments de cavalerie testèrent à nouveau des mitrailleuses petit calibre étrangères. Seules les Nordenfeld, Maxim, Gardner et Gatling ont survécu aux essais. Toutes étaient à action manuelle, aucune n'était encore automatique. C'est la dernière époque où l'on peut réellement constater que la France possédait encore des Gatling. Jusqu'en 1900/1907, aucun règlement d'emploi de la mitrailleuse n'est vraiment décidé (à part un provisoire en 1900) malgré la venue de la Hotchkiss 1900 automatique mais étrangère. La Puteaux 1905 française fera un peu avancer les choses, mais on lui préférera tout de même la Hotchkiss après qu'elle ait subi des aménagements... et dans la cavalerie, toujours pas dans l'infanterie!
Ainsi "l'arme secrète" de Napoléon III aura fait long feu pendant près de 45 ans, les premiers balbutiements en France ayant eu lieu en 1863.
Voici quelques exemples de Gatling françaises :
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Pendant le siège de Paris, certains établissements construisirent des Gatling sous licence : Ets Cail, Ets Warral, Edgewell and Middleton.
Parmi les clients de la Gatling Gun Company depuis 1862, on trouve les USA (plus de 600 rien que pour l'armée de terre), la Russie (400), la Grande Bretagne, la Chine, l'Egypte, le Japon, la Tunisie, la Roumanie, le Maroc, la Turquie (230 rien qu'en 1870), la plupart des pays d'Amérique du Sud, etc. L'armée américaine en comptait encore 131 en 1915 ! Les dernières sortirent aux USA en calibre 30.06 en 1903. Une version à bandes fut testée en calibre .30 Krag aux USA en 1893, ainsi qu'une version électrique dans ce même calibre.
Pays | Nombre d'unités (approximatif) | Remarques |
---|---|---|
USA | 600+ | Armée de terre uniquement |
Russie | 400 | |
Turquie | 230 | En 1870 uniquement |
Autres | N/A | Grande Bretagne, Chine, Égypte, Japon, Tunisie, Roumanie, Maroc, Amérique du Sud, etc. |
La prise du pouvoir en mars 1871 par les communeux ne se traduit pas par une rupture en ce qui concerne les mitrailleuses - c’est le terme générique qui remplace désormais celui de canon à balles - aussi bien pour ce qui est de leur production que de leur utilisation sur le terrain.
Le 28 mars, au soir de sa proclamation, la Commune dispose de quelque 400 canons. La présence parmi eux de mitrailleuses, encore considérées comme des pièces d’artillerie, est avérée. Mais leur nombre, certainement minoritaire, est mal connu. Le gouvernement de la Défense nationale avait passé des commandes importantes, notamment de « 102 mitrailleuses de divers modèles commandées dans dix établissements différents, 115 mitrailleuses des systèmes Gatling et Christophe… ».
L’investissement de la capitale nuit peu à la production de guerre. Il convient en effet de se rappeler que Paris intra-muros est alors une ville industrielle, avec des stocks de matières premières suffisants pour supporter un long siège. À côté de nombreux petits ateliers, il existe de grandes entreprises comptant plusieurs centaines d’ouvriers. Concernant la fabrication des mitrailleuses, on peut citer en particulier trois sociétés : les ateliers Flaud, implantés près du Champ-de-Mars (on y avait transféré avant le premier siège la production de ceux de Meudon, où l’on fabriquait les canons à balles) ; Goüin, aux Batignolles (XVIIe) ; la société Cail, regroupée principalement dans le quartier de Grenelle (XVe), près de la Seine.
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L’armée versaillaise s’était équipée elle aussi de mitrailleuses. Au moment de sa formation, elle dispose de 4 batteries. Elle bénéficie ensuite d’une partie des commandes passées par le gouvernement de la Défense nationale. C’est le cas probablement de 19 Gatling commandées chez Remington, aux USA, et qui sont livrées en janvier 1871, donc trop tard pour pouvoir être acheminées dans Paris assiégé.
Si bien d'autres mitrailleuses ont été inventées par la suite et notamment la Maxim 1908 des Allemands, la Gatling est considérée aujourd'hui comme l'arme ayant la plus grosse cadence de tir du monde. Les derniers modèles de Gatling peuvent tirer jusqu’à 6000 coups par minute.
Tous les avions de chasse de l'US AIR FORCE sont aujourd'hui armés d'un canon vulcain rotatif descendant du système de Gatling tout comme le monstrueux A10 warthog et son canon rotatif à 7 tubes de 30mm capable de percer le blindage d'un char.
Paradoxalement cette arme dont les différents successeurs furent les principaux pourvoyeurs de morts des conflits modernes avait été inventée par Gatling pour réduire le nombre de tireurs nécessaires au combat et réduire ainsi la taille des armées et donc le nombre de morts.
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