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Il est pertinent d'étudier la culture des armes à feu aux États-Unis sous le prisme de la violence en vue de la dissertation de Culture Générale du concours 2024. Du point de vue européen, la relation que les Américains entretiennent avec l’utilisation des armes à feu est perçue comme une « exception culturelle » (D. Combeau). En effet, aux États-Unis, la possession et donc l’usage des armes est bien moins restreint que dans d’autres pays, notamment pour assurer la sécurité des individus. Ceci caractérise une conciliance singulière vis-à-vis de l’expression de la violence au sein de l’espace social.

Les racines historiques et culturelles du droit aux armes

La violence aux origines de la culture américaine : étude du lien intrinsèque entre armes à feu et « américanité » (D. Combeau). Selon D. Combeau, dans Les Américains et leurs armes : droit inaliénable ou maladie du corps social ? Or, à ses yeux, la question relève d’un véritable « débat idéologique » , notamment autour de la place laissée à la violence dans la société. Les États-Unis admettent une particularité culturelle en ce qui concerne les armes à feux. Le port de ces dernières par les citoyens fait partie intégrante du sentiment d’appartenance à la nation et cela participe même à assurer aux individus qu’ils sont en pleine possession de leurs droits. Selon un article du journal Le Point, les armes font ainsi « partie intégrante de l’imaginaire collectif ». L’Histoire américaine et sa « mémoire populaire » caractérisent l’engagement des citoyens armés comme un pilier de la construction du pays.

On comprend donc que la capacité à répondre par la force et la violence s’enracine dans les fondements de la société américaine. Mais pour mieux comprendre le rapport des Américains aux armes, il nous manque encore une pièce maîtresse : le deuxième amendement de la Constitution américaine. Mais les interprétations de ces affirmations divergent. Les pourfendeurs du port d’armes choisissent ainsi une interprétation particulière de ces phrases : « porter une arme, c’est être américain. » Selon eux, (D. Combeau). En outre, d’après D. Combeau, on associe souvent là-bas la législation autour des armes à feu au contrôle exercé par l’État-providence sur les citoyens : or, on accuse l’État-providence de « causer les maux de la société ». Ainsi, toujours selon D. Combeau, pour être libre et Américain, il faut avoir une arme.

Dans Des Américains et des armes à feu. Violence et démocratie aux Etats-Unis, D. Combeau explique que le port d’armes à feu est en un sens constitutif du « contrat social » qui a été passé aux États-Unis, c’est-à-dire de la relation des individus à l’État et à la société. Pour beaucoup de citoyens américains, la possession d’armes est en effet un « droit inaliénable » visant à les protéger. Pour eux, le maintien de l’ordre, et donc la répression de la violence, ne peut s’assurer que par la menace des armes. À en croire Yann Phillipe, cette conception s’inscrit dans l’opposition entre deux discours majoritaires. C’est pour cela qu’on entend souvent dire que la violence est omniprésente dans la société américaine, comme un mal enraciné si profondément qu’il ne peut être expié.

Le deuxième amendement : un droit individuel ou collectif ?

La Constitution originale des États-Unis compte 27 amendements, et le deuxième est sans doute le plus célèbre. En d’autres termes, cet amendement garantit le droit de porter des armes aux États-Unis. Au cœur de nombreux débats, il est devenu un droit individuel inaliénable, notamment grâce aux puissants lobbies pro-armes, comme la National Rifle Association (NRA). Cependant, les États américains ont la possibilité d'interdire certains modèles, comme les armes de guerre.

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Écrit et adopté en 1791, soit 25 ans après l’indépendance des États-Unis, le deuxième amendement fait partie du « Bill of Rights », qui regroupe plusieurs normes relatives aux libertés individuelles. Le second amendement est apparu après la fin de la guerre d’indépendance, durant laquelle les Américains se sont libérés de la couronne anglaise. En ce qui concerne son sens, plusieurs interprétations s’opposent. Certains voient le deuxième amendement comme un droit aux États et non aux individus, impliquant la possibilité de former une armée de réserve, différente de l’armée nationale.

Ce texte a donné lieu à maintes controverses sur son interprétation, et les pontes en robe longue de la Cour Suprême ont eu des difficultés à énoncer une règle d’application claire et uniforme. Que les nerveux ne dégainent pas trop vite, posséder une arme ne signifie pas qu’ils peuvent se balader avec une carabine dans le coffre, ou sortir leur colt pour un duel sur le bas côté de la route. La Cour Suprême a décidé qu’« un particulier peut posséder une arme à feu ; mais que ce droit n’est valable que pour se défendre ».

L'origine de ce droit remonte au XVIIème et XVIIIème siècles, à la période coloniale, durant laquelle les élites agraires étaient seules autorisées à posséder une arme pour la chasse; de leur côté, les milices anglaises voyaient leurs membres être choisis, entraînés et armés par les élites agraires. Les colonies étant très éloignées de Londres, dont la défense de la Couronne était alors un devoir, les milices ont joué un rôle déterminant dans la sécurité des colonies face aux attaques françaises mais aussi amérindiennes. Lorsque l'amendement a été voté en 1791, l'Union des États-Unis était encore jeune et fragile, et le pays ne possédait pas d'armée permanente, aussi la défense territoriale était elle surtout confiée aux milices locales.

Les réglementations actuelles et les débats sur le contrôle des armes

Aux Etats-Unis, le port d’arme est d’abord réglementé au niveau fédéral, puis par chaque état. Chaque Etat a ses propres lois sur le port d’armes, et décide s’il est nécessaire d’avoir un permis pour en porter et en utiliser une. Un permis est nécessaire, mais il est délivré par l’autorité locale (shérif ou police), et à leur totale discrétion. Le permis est ensuite délivré par le « Florida Department of Agriculture and Consumer Services » en Floride, est valable 7 ans et coûte environ 120$.

En Floride, montrer son arme en public sans raison légitime équivaut à une agression à main armée, passible d’une peine de 3 ans d’emprisonnement. Ces utilisations « justifiées » d’une arme doivent toutefois être motivées par la crainte d’un danger imminent, d’une violence infligée qui serait susceptible d’entraîner la mort ou de sérieux préjudices corporels.

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Lorsqu’une tuerie de masse se produit, ou deux comme récemment, on imagine que la société est à feu à sang. A. Kaspi tient donc à nuancer le discours des médias européens, en mentionnant qu’un tiers des habitants seulement possède des armes à feu. Mais d’un autre côté, la symbolique autour des armes semblent offrir à certains individus une illusion de puissance dans l’exercice de la violence, ce qui entretient la violence endémique présente aux États-Unis.

Un adolescent de 18 ans a ouvert le feu dans une école primaire du Texas, mardi 24 mai 2022, tuant 21 personnes dont 19 enfants de moins de 10 ans. Cette nouvelle fusillade a rouvert aux États-Unis le débat sur les armes à feu, avec peu voire aucune perspective de débouchés. GEO.fr fait le point dans une infographie sur la législation concernant les armes à feu État par État. "Quand, pour l'amour de Dieu, allons-nous affronter le lobby des armes ?", lance le président américain Joe Biden, ému,"écœuré et fatigué" après une nouvelle fusillade dans une école, l'une des pires depuis plusieurs années.

"Ne me dites pas qu'on ne peut rien faire contre ce carnage", soutient le président.Cette nouvelle tuerie a replongé les États-Unis dans le fléau des fusillades en milieu scolaire, que les gouvernements successifs ont jusqu'alors été impuissant à endiguer, mais aussi le très clivant débat sur la prolifération des armes à feu. Un débat stérile, sans perspective d'avancement, tant les Américains sont attachés à leurs armes et au deuxième amendement de la Constitution américaine, qui leur garantit le droit de les détenir. Dans le pays, 30% des adultes possédaient au moins une arme à feu en 2017. Fervent défenseur d'un meilleur encadrement des armes à feu, Joe Biden avait promis durant sa campagne de faire de cette cause une priorité dès le premier jour de son mandat.

Mais aucune grande avancée n'a été faite au niveau national, en raison de la très courte majorité parlementaire des démocrates. Autre frein d'ampleur : la National Riffle Association (NRA), ce très puissant lobby du port d'armes qui finance de nombreux responsables politiques républicains. Puisqu'il est ainsi peu probable que le Congrès adopte des réglementations fédérales sur le contrôle des armes, c'est aux États de prendre l'initiative. Washington DC et l'État de New York possèdent les législations les plus restrictives sur le port d'arme. D'autres, comme le Colorado, le New Jersey et la Virginie, ont durci leurs règles en réponse aux tueries de masse en 2021, note Courrier International.

Mais plusieurs États ont profité de la pandémie de Covid-19 pour adopter des lois ou assouplir des anciennes afin de faciliter le port d'armes, se targuant d'être des "sanctuaires du deuxième amendement", comme l'Oklahoma et l'Arizona. Quant au Texas, théâtre de cette nouvelle fusillade, c'est l'un des États où il est le plus facile de se procurer une arme. Depuis le 1er septembre 2021, toute personne âgée de plus de 21 ans et n'étant pas visée par une interdiction peut détenir une arme à feu et la porter en public. Depuis le début de l'année 2022, plus de 200 fusillades de masses ont eu lieu en seulement quatre mois, selon le décompte de l'organisation Gun Violence Archive.

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Mesures récentes et initiatives législatives

Joe Biden a signé la loi visant à mettre en place une régulation des armes à feu, la plus importante en près de 30 ans, samedi 25 juin. Un texte qui reste toutefois bien en deçà de ce qu'ambitionnait le président américain. La législation, soutenue par des membres des Partis démocrate et républicain, a été adoptée vendredi sous les applaudissements par le Congrès. Elle instaure de nouvelles limitations sur les armes et consacre des milliards de dollars à la santé mentale et à la sécurité dans les écoles.

Le texte veut notamment renforcer la vérification des antécédents judiciaires et psychologiques pour les acheteurs d'armes âgés de 18 à 21 ans et instaurer un meilleur contrôle de la vente illégale d'armes, et le financement de programmes dédiés à la santé mentale. Mais les mesures proposées restent très loin de ce que voulait le président Biden, comme l'interdiction des fusils d'assaut. Évoquant la difficulté de faire passer une loi sur un sujet aussi sensible aux États-Unis dans un Congrès divisé, le président Biden a qualifié la nouvelle législation de « monumentale ».

Trois mois et demi après la tuerie de Newtown (Connecticut) qui a coûté la vie à vingt enfants et six femmes, la chambre des représentants locaux de cet Etat de l’est américain a voté une loi plus restrictive sur le contrôle des armes, rapporte Reuters. Les élus ont adopté le nouveau texte par 105 voix contre 44. Décrite par ses partisans comme l'une des lois les plus restrictives du pays, elle devrait être ratifiée dans la journée.

Dans le détail, le texte précise qu’une vérification des antécédents de tous les acheteurs d'armes à feu, que la vente soit privée ou publique, sera désormais obligatoire. Il sera également interdit d'acheter ou de revendre des chargeurs de grande capacité (plus de dix balles). Ceux qui en possèdent déjà pourront les garder mais devront les faire enregistrer. Enfin, les personnes avec des antécédents psychiatriques seront interdites d’armes pendant cinq ans contre un an auparavant.

En adoptant cette loi, le Connecticut a pris exemple sur le Colorado. Après la tuerie d’Aurora en juillet 2012, qui avait fait douze morts dans un cinéma lors de la projection du dernier Batman « The Dark Knight Rises », cet Etat situé au centre des Etats-Unis avait renforcé ses lois sur le contrôle des armes. Là-bas, les chargeurs de plus de quinze cartouches sont désormais interdits et la vérification des antécédents judiciaires de tous les acheteurs d'armes à feu est obligatoire.

Les acteurs clés du débat : NRA et autres organisations

L'influente National Rifle Association (NRA) arrive en tête des pro-armes et fait régulièrement du lobbying auprès des hommes politiques, en très large majorité des candidats Républicains au Congrès. Créée en 1871 par deux anciens combattants de la guerre de Sécssion, la NRA avait pour raison originelle d'améliorer l'adresse au tir, car le conflit avait révélé à ses fondateurs que les tireurs n'étaient pas assez précis.

Vers le milieu des années 1970, la NRA a pris une ampleur médiatique importante, à mesure que les lois fédérales tentaient de limiter l'accès aux armes : ardente partisane du droit de posséder une arme, l'association a perçu les nouvelles lois comme une tentative d'empêcher à terme les citoyens d'acquérir des armes. A travers des campagnes publicitaires et des interviews à la radio et à la télévision, la NRA a cherché à ancrer dans la culture américaine le droit d'être armé pour se protéger des intrus, voire d'un éventuel gouvernement tyrannique.

Après avoir soutenu Ronald Reagan à l'élection présidentielle de 1980, la NRA a obtenu du gouvernement d'alors une loi protégeant les droits des détenteurs d'armes en 1986; dotée d'une budget annuel d'environ $ 250 000 000, en grande partie versés par les cotisations de ses près de 5 000 000 d'adhérents, la NRA reçoit aussi des fonds provenant des fabricants d'armes, dispose de revenus de placements financiers et profite du fait qu'elle n'est pas une association politique pour s'affranchir d'un plafond de dépense imposé pour les campagnes électorales.

La National Sheriffs Association (NSA) de son côté a exprimé le souhait que davantage soit fait pour punir plus durement les anciens condamnés à nouveau arrêtés armés, que la jeunesse soit mieux éduquée et ne recourt pas aux armes à la moindre insulte (le rôle des médias sociaux est dénoncé) en impliquant encore plue les communautés, les familles et les religieux.

L'International Association of Chiefs of Police (IACP) appelle à l'interdiction de la vente en ligne de gilets pare-balles, sauf pour les forces de l'ordre et rendant la neutralisation de suspects plus compliquée; le port dissimulé d'armes à feu est aussi remis en question et plus particulièrement il est souhaité par l'IACP qu'il soit interdit sur les campus. L'IACP soutient également fortement la loi de 1994 interdisant la vente aux civils d'armes semi-automatiques avec chargeurs de plus de 10 munitions : durant l'applicaiton de cette loi (jusqu'en 2004), le nombre d'attaques avec fusils d'assaut a baissé de 66%.

Conséquences et statistiques sur la violence armée

En 2021, la vente d'armes à feu et de munitions a généré $ 70 520 000 000 et soutenu 375 819 emplois, avec notamment 52 799 boutiques dans tout le pays.

Des programmes de prévention ont été mis en place dans de très nombreuses écoles et municipalités, pour sensibiliser parents et enfants aux dangers des armes et aux bons comportements à adopter pour éviter les drames domestiques. Après les enfants, les autres victimes très fréquentes sont les personnes issues des minorités (tout spécialement afro-américaines et hispaniques), principalement en raison de préjugés raciaux présents dans l'esprit d'une partie de la population.

Dans les 48 830 décès dûs aux armes à feu en 2021 aux États-Unis, 15 290 victimes étaient afro-américaines, 5741 hispaniques, 576 asiatiques, 556 étaient métisses, 466 amérindiennes et 68 étaient natives du Pacifique.

L'année 2022 a vu mourir 44 359 personnes par armes à feu aux États-Unis, dont 24 090 par suicides; il-y-a également eu 38 553 blessés.

Tableau récapitulatif des décès par armes à feu en 2021 aux États-Unis

Groupe Ethnique Nombre de Décès
Afro-Américains 15 290
Hispaniques 5 741
Asiatiques 576
Métisses 556
Amérindiennes 466
Natives du Pacifique 68

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