Faire de l’affaire Dupont de Ligonnès un véritable objet de cinéma, quel programme ! C’est Jean-Christophe Meurisse qui s’en charge, avec toute la folie qui caractérise son cinéma depuis Apnée (2016). Quand Oranges sanguines a débarqué sur les écrans de cinéma français, beaucoup se sont demandés qui était l’olibrius derrière ce long-métrage fantasque et extrême.
D’aucuns le comparent même à Quentin Tarantino pour sa façon de tordre le cou au septième art, son usage de vieux standards comme bande originale de son film, son goût prononcé pour la violence et les guests de luxe. D’autres y ont vu une forme d’imposture, de la provocation facile. Alors, autant dire que lorsque le cinéaste a annoncé s’attaquer à l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès, le monde cinéphile attendait le long-métrage les bras ouverts ou équipés de fourches.
Et ce même si Jean-Christophe a le bon goût - peut-être le seul, nous allons le voir - de changer les noms, les époques et les lieux pour brouiller les pistes. En effet, ici, c’est Paul Bernardin qui a zigouillé toute sa famille pour ensuite mettre les voiles on ne sait où.
Les Français se passionnent pour l’affaire dite Bernardin et deux enquêtrices amatrices se rendent sur les lieux du crime pour trouver des indices. Pendant ce temps, les médias annoncent son arrestation à l’aéroport de Copenhague. Bon, même en brouillant les pistes, il est facile, même pour un non connaisseur de la véritable affaire, de voir en quoi l’intrigue du film reprend à l’identique les quelques rebondissements de la tuerie de Nantes.
C’est même d’ailleurs un point positif jusqu’au dernier tiers du récit puisque l’on prend plaisir à recoller les morceaux entre la réalité et la fiction. Les Pistolets en plastique prend le contre-pied - et on pouvait s’y attendre vu le pedigree du cinéaste ! - de tous les documentaires, téléfilms et autres séries déjà produits sur le sujet.
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L’affaire n’est qu’un prétexte pour une succession de sketchs aux personnages hauts en couleur. Cela commence fort avec une séquence de dissection où Fred Tousch et Jonathan Cohen ne semblent pas prendre la mesure de ce qu’ils sont en train de faire, et cela se poursuit avec des séquences hilarantes d’interrogatoires totalement lunaires avec l’extraordinaire Anne-Lise Heimburger ou le danois Thomas Landbo, ou du comique de situation révélant au passage Delphine Baril.
Il n’y a pas de doute, le film se créé sa propre identité et, pour une affaire aussi connue que celle de Ligonnès, ce n’est pas une mauvaise idée d’avoir emprunté cette voie-là. Seulement voilà, très rapidement le long-métrage démontre son manque de cohésion. Le récit est éclaté, choral, certes, toutefois il manque un liant à l’ensemble qui puisse empêcher Les Pistolets en plastique de rester un simple film à sketchs.
On comprend la légèreté avec laquelle Jean-Christophe Meurisse compose mais on ne peut s’empêcher de penser que son film aurait gagné à être soit plus resserré, moins dispersé, chapitré à la manière de Pulp Fiction (Quentin Tarantino, 1994) par exemple. En l’espèce, pour peu que l’on reste insensible devant certaines scènes - interminable séquence de visio entre deux policiers franchouillards joués par Aymeric Lomperet et Vincent Dedienne et trois flics danois - on risque de potentiellement s’ennuyer voire de décrocher.
On comprend même là où veut en venir le réalisateur : cette succession de portraits est assez grinçante pour révéler les aberrations de notre époque. Comme pour inscrire ce dernier film dans la continuité d’Oranges sanguines, Meurisse décide de faire de son petit manège d’humour noire un déluge de gratuité gore.
Dans une scène où l’une des deux enquêtrices éborgne à la petite cuillère, c’est toute la démarche du réalisateur qui tombe à plat. Non pas que la scène soit choquante d’un point de vue graphique : elle arrive tellement comme un cheveu sur la soupe qu’on ne peut s’empêcher d’y voir un aveu d’échec. Incapable de rester sur le fil de l’absurde, il préfère se jeter dans une surenchère digne d’une provoc adolescente.
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Et allez savoir pourquoi, alors qu’il avait jusque-là réussi à caractériser la place du tueur dans son film, il enchaîne avec une représentation réaliste des assassinats de la famille - avec un faux suspens indigne sur le meurtre d’un enfant de deux ans en mode « Va-t-il montrer en gros plan sa mort ? » - qui ajoute une troisième tonalité répugnante aux Pistolets en plastique. C’est presqu’un cas d’école auquel on assiste ici ; comment transformer l’expérience du visionnage de franchement drôle à tristement pathétique ?
Les Pistolets en Plastique raconte l’histoire de Léa et Christine qui sont obsédées par l’affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement. Après avoir réalisé le film politiquement acerbe Oranges sanguines en 2021, le réalisateur Jean-Christophe Meurisse revient avec une comédie osée et méta sur l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès.
Bien que le scénario s’inspire de la fameuse affaire française, l’angle que choisit le réalisateur pour en parler est tantôt tragique tantôt comique. Ce mélange de ton est très intéressant car il permet d’obtenir, lors de plusieurs scènes, des bascules de registre qui donnent du cachet à cette comédie.
Par exemple, lors de la première scène du film, nous avons une discussion entre deux médecins légistes en train de disséquer un corps. Ils parlent de la fascination de notre époque pour les meurtres et crimes en tous genres. Cet humour est toujours au service d’un message acerbe sur des problématiques liées à la police ou au désir humain d’obtenir justice par tous les moyens.
Pendant une heure et demie, nous sommes baladés entre plusieurs groupes de personnages qui vont inexorablement se rencontrer. Les blagues ne tombent pas toujours juste mais, néanmoins, le réalisateur s’essaye à beaucoup d’expérimentations différentes, ce qui fait que nous ne sommes jamais sur le même registre.
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Le sentiment qui persiste après le visionnage du film, c’est à la fois l’utilisation de la violence et la critique de la complaisance qu’on peut avoir face à celle-ci. C’est ce qui advient de plus en plus dans les affaires criminelles en France. La justice n’est cependant pas hors de tout reproche.
Les policiers veulent grimper les échelons de leur hiérarchie, même si cela veut dire faire enfermer un homme innocent… ce que personne n’est complétement. En définitive, Les Pistolets en Plastique est une bonne comédie absurde qui traite de thèmes importants et actuels.
Avec Les Pistolets en plastique, le réalisateur et metteur en scène Jean-Christophe Meurisse s’amuse à son tour de notre fascination morbide pour les faits divers. Dans la pure continuité du décapant Oranges Sanguines, le film joue avec le feu, pousse les limites du politiquement correct, sur fond de comédie noire.
Léa et Christine, deux enquêtrices amatrices, ne rêvent que d’une chose : résoudre l’affaire Paul Bernadin. Après avoir tué toute sa famille, l’homme s’est volatilisé et est devenu un véritable mystère national. Le duo décide de passer quelques jours près de chez lui, à Dijon, pour trouver des indices.
En parallèle, un indicateur pense avoir enfin retrouvé sa trace : le tueur serait dans un avion, direction le Danemark. Dans une salle d’opération, deux médecins légistes discutent au-dessus d’un corps ouvert. Ils dissèquent la France contemporaine.
L’échange est lunaire : on parle des productions Netflix, de l’intérêt malsain du public pour les séries consacrées aux tueurs en série, des ragots concernant un célèbre indicateur, de l’orientation sexuelle, etc. Librement inspirée de l’affaire Dupont de Ligonnès, l’oeuvre dépeint une société obnubilée par les faits divers.
Un territoire idéal pour explorer nos névroses et s’amuser de notre fascination pour le sensationnalisme. Un portrait féroce, cynique, froid, sans concessions, qui prolonge d’une certaine manière le comi-tragique Oranges Sanguines, film acide sur la politique française.
Le cinéma de Jean-Christophe Meurisse est avant tout cathartique : plutôt que de pleurer sur le sort de notre société en saturation, il vaut mieux rire de notre monstruosité. Entre les enquêtrices du dimanche, les policiers incapables, le suspect à deux doigts de devenir dingue, le tueur en vacances, la voisine à l’interminable monologue raciste, Les Pistolets en plastique ne manque jamais de surprendre et de décaler notre regard sur ce qui nous entoure : la paranoïa, la violence, les certitudes, l’état de notre santé mentale, etc.
Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, la chute est inévitable. Derrière nos imaginaires et notre intérêt pour les monstres se cache une réalité que l’on se refuse à voir crûment : le tueur tue, pour de vrai. Et le film ne manque pas de le rappeler lors d’une scène aussi intense que douloureuse.
D’un coup, on ne rit plus, la fascination se transforme en dégoût. C’est certainement la plus grande force du film : sa capacité à marier humour et gravité, bêtise et réflexion, le tout avec une mise en scène riche. On est à la fois dans la parodie du film policier, dans la comédie sociale, la romance superficielle, avant de virer vers le film d’horreur, gore et implacable.
Jean-Christophe Meurisse développe au cinéma ce qui fait son succès au théâtre depuis 15 ans, avec la compagnie "Les chiens de Navarre" : un humour sans filtre, trash, potache et politique. Il y a trois ans, dans Les Oranges sanguines (son second film,) il s'inspirait de l'affaire Cahuzac.
Ici, il se délecte de l'épisode écossais de l'affaire Dupont de Ligonnès, quand un pauvre innocent, pris pour l'assassin de Nantes, était arrêté à l'aéroport de Glasgow, et on se souvient tous de l'emballement médiatique, peu glorieux, autour de cette fausse piste. Dans Les Pistolets en plastique, c'est au Danemark qu'un brave type est arrêté, car il ressemblerait à l'assassin Paul Bernardin, qui lui, se la coule douce en Argentine.
Interrogatoire kafkaïen chez les très scrupuleux Danois, flics français nullissimes, duo d'enquêtrices amatrices en roue libre, Jean-Christophe Meurisse se régale de la fascination morbide pour le fait divers, de ce qu'on projette consciemment ou pas dans la fuite réussie de l'assassin et offre à ses interprètes un formidable terrain de jeu, à coups de duos très efficaces et d'improvisations maîtrisées.
Dans ce jeu de massacre qui ne nous épargne pas le gore, saluons les prestations de Jonathan Cohen, Laurent Stocker, Vincent Dedienne, Aymeric Lompret, Norah Hamzawi, Romane Bohringer, Philippe Rebbot et des fidèles venus du théâtre: Delphine Baril, Charlotte Laemmel, Anne-Lise Heimburger, Gaëtan Peau, Fred Tousch et Anthony Paliotti.
Les séquences virevoltent comme des cartes à jouer aux mains d’un champion de poker. À la morgue, Jonathan Cohen disserte devant un cadavre sur la fascination des gens pour les séries horrifiques. Dans un avion, une passagère enceinte (Nora Hamzawi) décrit dans le détail ses épisiotomies. Romane Bohringer prend le large en famille avec armes et bagages.
La farce paye. Cela ne faiblit pas une seconde. On regarde le résultat d’un œil surpris, ravi. Une troupe d’acteurs semble folle de joie de se retrouver au générique, fût-ce pour une brève apparition. L’ennemi public numéro un conserve son mystère. On ne pensait pas qu’il inspirerait un jour une comédie aussi loufoque.
Le cynisme le dispute à l’absurde. Il y a des parties de ping-pong, un cure-dents qui s’offre des acrobaties, un pompiste qui ne perd rien pour attendre. Les flashs d’actualité ponctuent cette course folle. Des gendarmes, mitraillette au poing, débarquent sur une plage exotique comme dans Le Magnifique. L’humour règne.
Mocky et les Monty Python ont trouvé leur successeur. Marqués par une multitude d’événements, ces Pistolets en plastique disent assez notre encombrante passion pour le mal. Ils le font dans un éclat de rire grinçant, en dehors de tout conformisme.
Toutes nos fascinations névrotiques sont catapultées, condensées et torpillées dans ce qui pourrait s’apparenter à des sketches (façon les Vamps pour le duo d’enquêtrices du web génialement interprétées par Delphine Baril et Charlotte Laemell) ou numéros d’acteurs éblouissants (et ce serait déjà énorme!) si le réalisateur se contentait d’une juxtaposition de scènes choc.
Ce n’est pas le cas. Le film jubile d’une esthétique forte corollaire de l’extravagance du propos et d’acteurs tous en majesté. Les vingt dernières minutes poussent le curseur du pistolet balle à blanc un peu loin nous infligeant un sadisme quelque peu gratuit.
Entre deux coups de scalpel et de sécateur de jardin, ils déplorent le voyeurisme morbide du public français : “non mais les gens sont complètement accros à la violence, il n’y a que ça qui marche…” Ironie bourrine de la contradiction texte-image, séduction instantanée de la plus grande star comique du moment, annonce grossièrement méta du programme à venir : Jean-Christophe Meurisse n’a pas son pareil pour introduire un film, installer dans un grand fracas son second degré, son euphorie sanglante, et mettre joyeusement les pieds dans le plat.
Les Pistolets en plastique est moins, comme on a pu le lire, un film sur l’affaire Dupont de Ligonnès qu’un film sur la France dont a accouché cette affaire. Un homme vient de massacrer sa famille : le pays est sur les dents.
Entre un danseur de country dénoncé par erreur à l’aéroport comme le coupable en fuite, un duo de mémères enquêtrices amatrices éprises de justice sauvage, et la cavale du véritable meurtrier en Argentine, l’auteur d’Apnée reconstitue un éventail de conséquences de l’horreur, et déploie un continuum de conflits et de violence qu’il filme comme une sorte de partouze nationale.
Tout l’hexagone est électrisé par le crime : qu’on s’en indigne, qu’on s’en indiffère, qu’on en soit injustement accusé ou qu’on l’ait soi-même commis, on n’échappera pas à son empire, c’est-à-dire à une sorte de spirale collective de sado-masochisme. Le crime, ou plutôt le true crime - c’est-à-dire le récit et la religion du crime -, fonctionne comme un accélérateur de pulsions dans lesquelles Meurisse plonge avec une voracité de cartooniste.
À l’instar d’Oranges sanguines, Les Pistolets en plastique ne s’offre pas d’autre porte de sortie qu’une force d’aspiration vers le glauque, série de numéros souvent extatiques glissant en pente douce vers un abîme de morbidité. Apnée reste encore son meilleur film parce que tiré vers une échappée, un sentiment libertaire et anarchique. Le programme ici est de regarder encore et toujours mourir un pays de psychopathes.
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