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L'objet ressemble à un jouet pour enfant, voire à un accessoire sorti d'un film de science-fiction. Pourtant, l'arme que franceinfo a fait fabriquer avec une imprimante 3D a pu tirer une balle bien réelle, capable de toucher une cible.

Fabrication et Composants

Nous avons choisi de produire un Liberator, la première arme du genre, conçue par Cody Wilson, qui a diffusé ses plans en 2013. Notre choix s'est arrêté sur ce pistolet, composé de 15 pièces, car il est facile à réaliser et à assembler pour des novices. Il a ensuite fallu trouver un moyen d'imprimer ces pièces.

Le type de plastique nécessaire a limité nos options : acheter ou louer une machine s'avérant trop cher, il a fallu se tourner vers des imprimeurs 3D professionnels, comme il en existe aujourd'hui beaucoup.

A l'intérieur du paquet, les fameuses 15 pièces en plastique, qu'il suffit d'emboîter logiquement pour obtenir un Liberator. Il faut aussi rajouter un clou, seul élément en métal nécessaire, qui fait office de percuteur.

Les pièces n'étaient pas parfaitement usinées. L'une de nos deux impressions s'est d'ailleurs avérée ratée, certaines pièces n'étaient pas à la bonne dimension.

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Fonctionnement et Fiabilité

Les différents essais déjà effectués dans le monde ne nous ont pas rassurés sur la réussite de cette étape. Comme le montrent les tests effectués par la police australienne ou les douanes américaines, l'arme ne fonctionne pas à chaque coup.

Par précaution, nous nous sommes donc adressés à des professionnels des armes à feu qui, au milieu d'un stand de tir, ont bloqué notre arme dans un étau fixé sur une table, avant d'attacher une corde à la gâchette.

La vitesse d'éjection s'est avérée en revanche bien moins importante que lors d'un tir avec une arme de poing classique, probablement à cause de la qualité d'impression du canon. Mais à bout portant ou touchant, ce tir aurait pu blesser ou tuer quelqu'un.

Des experts en armes à feu ont affirmé à franceinfo que ce type de dispositif était au contraire peu fiable, une défiance déjà relayée par le Guardian (en anglais).

Légalité et Réglementation en France

Une fois la preuve de la fonctionnalité de cette arme obtenue, nous nous sommes interrogés sur sa légalité. La loi française est bien faite sur ce plan.

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A partir du moment où l’objet est fabriqué pour lancer des balles ou cartouches au moyen d’un mécanisme, c’est une arme à feu classée en catégorie B si c’est une arme de poing pour le tir, en A si c’est une arme de guerre. Selon cette définition, notre arme est donc à classer en catégorie B.

Et le texte de loi est très clair : il interdit formellement la production, la vente et la possession de ce type d'arme, ou de ces éléments d'armes, sauf autorisation.

Mais même le porteur d'une autorisation légale ne peut pas posséder une arme 3D, car un problème juridique se pose : le contrôle des armes est basé sur le marquage, un acte obligatoire pour "toute arme à feu ou élément d'arme fabriqué ou importé en France" selon le code de la sécurité intérieure.

"C’est là qu’on voit le problème de l'inadaptation du droit, estime Julien Ancelin, expert en droit des armes légères. Si cette arme était utilisée pour commettre un acte délictuel ou criminel, on ne pourrait pas remonter à l’auteur [ni à son propriétaire ou à son fabricant].

Juridiquement, ne disposant pas des autorisations requises, il pourrait en revanche tomber sous le coup de l'article L317-1-1 du code de la sécurité intérieure qui interdit "la fabrication ou [le] commerce de matériels, armes, munitions et de leurs éléments essentiels", prévoyant une peine de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.

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Inquiétudes et Surveillance

Faut-il pour autant s'inquiéter d'un envahissement de ces armes illégales ? Toujours pas selon les autorités, qui se basent sur plusieurs points. Ensuite, le risque réel d'explosion de l'arme dans la main de son porteur en fait un choix peu probable pour celui ou celle qui voudrait s'en servir.

Enfin, le ministère de l'Intérieur affirme que, aucune arme entièrement produite en plastique n'existant encore, il faudra toujours un élément métallique pour en faire une arme fonctionnelle, à l'image du clou de notre Liberator. Il serait donc très risqué de vouloir passer un portique d'aéroport avec une arme imprimée en 3D, sans déclencher une alarme ou une identification par rayon X.

Contacté par franceinfo, le ministère de l'Intérieur a de son côté minimisé le risque représenté par ces "ghost guns", leur surnom aux Etats-Unis.

Mais les autorités ne balaient pas pour autant le sujet d'un revers de la main comme le montre la mésaventure de notre journaliste, convoqué au commissariat pour expliquer ses intentions.

Pour l'heure, en France, aucune arme imprimée en 3D n'a donné lieu à des suites judiciaires, contrairement au Japon ou aux Etats-Unis. Mais le ministère de l'Intérieur assure que des services surveillent l'évolution technologique de ces armes, et que des échanges ont fréquemment lieu avec plusieurs pays, notamment les Etats-Unis.

Au cours de notre enquête, plusieurs experts nous ont affirmé que la fabrication artisanale d'armes à feu était un problème très ancien.

"Il faudrait une proposition de loi ou au moins un règlement, pour faire évoluer la liste des catégories d'armes et prendre en compte les armes 3D, propose le juriste. Je pense que c’est une évolution qui pourrait se faire assez simplement.

En 2013, le Royaume-Uni avait fait évoluer sa réglementation en interdisant spécifiquement les armes imprimées en 3D, comme l'expliquait alors The Verge. En France, en 2016, des députés Les Républicains avaient soumis une proposition de loi autour des impressions 3D en général, mais elle n'avait pas abouti, ce texte ne faisant que rappeler des dispositions légales déjà existantes.

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