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Le café philosophique de Montargis a proposé une séance de débat autour de la question de la puissance des mots et de l’importance du langage. Cette question renvoie à une citation de Jean-Paul Sartre qui affirmait que "les mots sont des pistolets chargés".

Les participants ont été invités à s'interroger sur ce qui fait la puissance du mot et de l’importance du langage. De quels types de mots parle-t-on ? D'oralité ou d'écrit ? De quel sorte de pouvoir parle-t-on lorsque l’on pense aux mots ? Le poids des mots a-t-il été supplanté aujourd’hui par le choc des images ? Il a également été question d'engagement : quelle est aujourd'hui la place de l'artiste et de l'intellectuel engagé ? Peut-on dire qu'ils tendent à s'effacer et que leurs mots sont plus inoffensifs qu'il y a quelques années ?

D'un engagement à travers l'écriture

Sartre le dit très tôt, il y a la politique. On voit en lui généralement un intellectuel engagé, mais qu'en est-il réellement ? Y a-t-il un message sartrien ? Le bilan parait accablant. On l'a accusé d'avoir été passif sous l'occupation, compromis avec le totalitarisme, démagogique avec la jeunesse gauchiste. Il sut pourtant, quelquefois faire preuve de lucidité et de courage. La figure de Sartre concentre de manière saisissante à la fois les aspects essentiels d'un temps d'oscillation, d'hésitation et de décision qui traduisent simultanément le propre parcours de son siècle.

La guerre : les germes d'un engagement ?

Dans ses Carnets de Drôle de guerre il écrit : « Je voulais écrire, cela n'était pas la question, cela ne fût jamais en question, seulement, à côté de ces travaux proprement littéraires, il y avait « le reste », c'est-à-dire tout : l'amour, l'amitié, la politique, les rapports avec soi-même, que sais je ? ».

Une littérature engagée : engagement ou neutralisme ?

Selon lui, l'écrivain engagé sait que la parole est action : il sait que dévoiler c'est changer et qu'on ne peut dévoiler qu'en projetant de changer. Il sait que les mots sont des pistolets chargés. Sartre va alors écrire pour son époque.

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Nous affirmons ; Nous prétendons ; Nous nions ; Nous adhérons. C'est sur ce rythme sans mollesse, par la voix de Sartre, que défilent dans le premier numéro des Temps modernes programme et définitions : changer à la fois la condition sociale de l'homme et la conception qu'il a de lui-même ; rendre la littérature à ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être, une fonction sociale. Faire des Temps modernes une littérature engagée.

"Il ( l’écrivain engagé) sait qu’il est l’homme qui nomme ce qui n’a pas encore été nommé ou ce qui n’ose dire son nom, il sait qu’il fait "surgir” le mot d’amour et le mot de haine entre les hommes qui n’avaient pas encore décidé de leurs sentiments. Il sait que les mots, comme dit Brice-Parain, sont des “pistolets chargés”. S’il parle, il tire. Il peut se taire mais pusiqu’il a choisi de tirer, il faut que ce soit comme un homme, en visant des cibles et non comme un enfant, au hasard, en fermant les yeux et pour le seul plaisir d’entendre les détonations.

Nous tenterons plus loin de déterminer ce que peut être le but de la littérature. Mais dès à présent nous pouvons conclure que l’écrivain a choisi de dévoiler le monde et singulièrement l’homme aux autres hommes pour que ceux -ci apprennent en face de l’objet ainsi mis à nu leur entière responsabilité. Nul n’est censé ignorer la loi parce qu’il y a un code et que la loi est chose écrite: après cela, libre à vous de l’enfreindre, mais vous savez les risques que vous courez. Pareillement la fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s’en puisse dire innocent. Et comme il s’est une fois engagé dans l’univers du langage, il ne peut plus jamais feindre qu’il ne sache pas parler: si vous entrez dans l’univers des significations, il n’y a plus rien à faire pour en sortir; qu’on laisse les mots s’organiser entre eux en liberté, ils feront des phrases et chaque phrase contient le langage tout entier et renvoie à tout l’univers; le silence même se définit par rapport aux mots, comme la pause en musique reçoit son sens des groupes de notes qui l’entourent.

Le compagnon de route du communisme

Adhérant au Mouvement de la paix, Sartre se rend en novembre 1952 à Vienne pour le Congrès mondial de la paix, téléguidé par l'URSS. Sa présence donne au Congrès un lustre inespéré pour ses organisateurs. Son alliance avec les communistes prend une autre forme dans la capitale autrichienne : il y fait interdire la reprise des Mains sales qui y était prévue. Moins que son discours à la tribune, c'est sa présence fait date : les communistes peuvent se réjouirent d'avoir acquis à leur cause le philosophe et l'écrivain le plus célèbre du monde.

...à une véritable action politique

On remarque donc que l'engagement de Sartre est de plus en plus présent. En 1947, Sartre s'attaque au gaullisme et au RPF, qu'il considère comme un mouvement fasciste. L'année suivante, la guerre froide, qui va marquer un tournant dans la pensée de Sartre, amène les Temps modernes à condamner l'impérialisme américain. Mais dans le même temps, il affirme un pacifisme neutraliste. Avec Merleau-Ponty, vrai tête politique de la revue et d'autres intellectuels, il va même jusqu'à publier un manifeste en faveur d'une Europe socialiste et neutre.

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Sartre et l'anticolonialisme

D'abord, il va faire une série de voyages. Ce glissement progressif vers le statut d'intellectuels intouchable prend alors une dimension nouvelle au cours des très nombreux voyages qu'il a l'occasion d'effectuer ces années-là. Reçu désormais par les chefs d'Etat, il devient un véritable ambassadeur d'une autre France et de la conscience morale internationale. Ainsi, il se rend au Brésil, à Cuba, au Japon, en URSS, en Egypte, en Argentine, en Chine. Le couple Sartre-Beauvoir se rend notamment à Cuba, en mars 1960, à La Havane et s'entretient avec Fidèle Castro.

Les années gauchistes : la liberté retrouvée

On voit que Sartre mène cette fois-ci une véritable action politique. Durant ses années gauchistes, il apporte son soutien aux mots d'ordre extrémistes avec les maoïstes de la Gauche prolétarienne. Au moment où les groupes maoïstes voient leurs publications saisies et leurs directeurs arrêtés sur ordre du ministre de l'Intérieur, certains de leurs dirigeants s'adressent à Sartre pour utiliser son nom et son prestige comme bouclier. En avril 1970, le philosophe accepte de devenir le directeur de La Cause du peuple, journal du groupe maoïste.

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