La présente étude longitudinale propose une méthodologie de quantification de la vogue du jouet militaire sur la première moitié du xxe siècle. Du début du siècle jusqu’aux années 1920, l’engouement pour le jouet militaire est aussi fort qu’au siècle précédent mais culmine pendant la Première Guerre mondiale pour retomber à un niveau bien inférieur à celui d’avant le conflit, qu’il garde jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Cette vogue semble être liée à l’importance du rôle éducatif du jouet militaire dans la préparation patriotique des jeunes, empreinte d’une forte culture militaire héritée du xixe siècle.
« Le premier jouet que réclament les petits garçons, c’est un fusil. » Ainsi commence le paragraphe consacré aux armes et équipements militaires du Rapport du Jury International à l’Exposition de 1900, rédigé par Léo Claretie, homme de lettres féru de jouets auxquels il a consacré de nombreux articles, chroniques et ouvrages.
Les armes font partie des jouets militaires dont Henry René D’Allemagne, archiviste-paléographe et bibliothécaire, retrace la longue tradition dans sa rétrospective de 1902. D’Allemagne y divise le jouet militaire en deux classes, les soldats de plomb et les équipements militaires. Selon notre estimation, le jouet militaire représente environ 10 % des jouets proposés dans les tout premiers catalogues de vente de jouets par correspondance de Catel et de Bestelmeier du début du xixe siècle. Il connaît un essor commercial important tout au long du siècle.
Antonin Rondelet, professeur de philosophie, économiste et romancier, s’amuse à l’issue de sa visite à l’Exposition Universelle de 1878 des « vogues » de certaines catégories du jouet militaire, et rapproche ces modes de changements sociétaux. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, la plupart des quotidiens français publient à l’approche des étrennes, souvent en première page, une rubrique d’information sur les nouveautés en matière de jouets et leurs vogues, sans oublier le jouet militaire.
Seule une infime proportion des quelques trois mille bazars et magasins de jouets de France publiait un catalogue. Force est donc de se concentrer sur l’offre très bien documentée dans les catalogues de bazars et magasins de jouets disponibles aujourd’hui.
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L’offre d’un catalogue commercial désigne ici le choix des produits qui y sont publiés. L’hypothèse d’un lien entre la vogue d’une catégorie et l’importance du choix de ses produits constitutifs est plausible. En effet, sans préjuger de la complexité ni de la multiplicité des critères présidant à la constitution d’une offre-produits, un commerce ajuste généralement son offre en retirant à terme les produits peu vendus ou désuets, et en ajoutant des produits à la mode, quitte à adapter leur prix, leur qualité ou leur sophistication pour toucher la clientèle désirée.
Les principaux grands magasins parisiens sont à l’époque des lanceurs de modes, diffusées bien au-delà de leurs quartiers d’implantation jusqu’en province, par la publicité et leurs catalogues. Ces derniers, qui sont distribués à travers toute la France, sont des supports indispensables aux ventes par correspondance.
Les grands magasins ont la réputation de viser principalement la haute et moyenne bourgeoisie parisienne. Or, il vient d’être montré qu’ils ne visent pas qu’une clientèle parisienne. Les Grands magasins ont, selon leurs priorités commerciales voire concurrentielles, des stratégies différentes de référencement de jouets bon marché et de luxe dans leur offre.
Malgré une disparité importante de l’éventail de l’offre et des prix, le Bon Marché aligne sensiblement le même nombre d’articles à moins de 5 francs (25% du portefeuille-produits, soit 178), que le Pont-Neuf (50% du portefeuille-produits, soit 143) et la Maison Dorée (75%, soit 196).
Le tableau présente une vue d’ensemble des catalogues de grands magasins parisiens identifiés sur la période 1900 à 1950 et de ceux qui sont retenus dans le cadre de ce travail. Chaque case à l’intersection d’une ligne (année des étrennes, c'est-à-dire du Nouvel-An) et d’une colonne (grand magasin) contient une source de consultation du catalogue correspondant. Peu de catalogues sont disponibles pour la période 1900-1904, et pour celle des années pendant et après la Seconde Guerre mondiale.
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L’offre d’articles et de références militaires par catégorie est établie en les totalisant selon leur appartenance à l’une des sept catégories précitées pour chaque catalogue comme montré dans l’image. Pour pouvoir comparer l’offre d’un magasin à l’autre, les totaux absolus sont normés en pourcentage du nombre total de jouets annuel. La courbe en mauve passe par les médians des offres relatives annuelles de jouets militaires proposés par les cinq grands magasins.
Le graphe montre l’évolution des dépenses militaires françaises rapportées en pourcentage du PIB superposée à la courbe de tendance déjà montrée dans l’illustration 5. Ces dépenses sont une mesure de l’engagement de la nation à soutenir son armée, en temps de paix pour la préparation à la guerre et en temps de conflit armé pour poursuivre l’effort des opérations en cours. La courbe en mauve représente la tendance de l’offre du jouet militaire et celle en rouge montre les dépenses militaires.
Du début de xxe siècle jusqu’en 1923 : les sept catégories du jouet militaire sont représentées à des degrés divers. L’offre passe par un minimum vers 1911, culmine en 1917 pour baisser rapidement jusqu’en 1923. La catégorie des jeux de société à thème guerrier connait un succès grandissant à partir de 1912 et celle des jouets mécaniques est en progression continue dès le début du siècle.
Les années 1920 : seules quatre catégories subsistent, du fait de la disparition des poupées militaires, des uniformes et des jeux de société à thème guerrier. L’offre de la catégorie des jouets mécaniques est en baisse et amorce une timide reprise vers la fin des années 1920.
Les années 1930 : Après la disparition de la catégorie des armes de type militaire vers 1933, trois catégories restent : les figurines, les panoplies et les jouets mécaniques.
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Au début de xxe siècle, le jouet militaire est rationalisé dans la logique d’éducation soldatesque des garçons au sacrifice pour la patrie, héritée du xixe siècle. Beaucoup d’illustrations de couvertures de catalogues ne sont pas moins martiales que celles abondamment publiées à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale. Le jouet militaire est en vogue bien avant la débâcle de 1870. L’image de gauche date de la fin du xixe siècle. Beaucoup de couvertures antérieures à la Première Guerre mondiale mettent en scène des enfants-soldats dans des attitudes martiales, le sabre-jouet au clair.
De 1905 à 1911, quelques panoplies et boîtes de soldats russes et japonais émergent de la monotonie de l’offre héritée du siècle passé.
De 1912 à 1914, l’européanisation des tensions et conflits (guerre italo-turque avec débarquement à Tripoli en 1911-1912, guerres balkaniques 1912-1913) inquiète l’opinion et inspire quelques jouets militaires. D’Avenel constate, sans citer de sources, que la vente de fusils d’enfants augmente en 1913 « au moment du vote de la loi de trois ans, avec le noble réveil de l'esprit patriotique. » Ce sursaut patriotique semble expliquer le fait que la hausse de l’offre du jouet militaire précède d’un ou deux ans la soudaine montée des dépenses militaires.
De 1915 à 1917, la courbe des dépenses militaires et celle de l’offre montent en flèche. Ceux des fabricants français qui n’ont pas été mobilisés ou dont la manufacture n’a pas été réquisitionnée pour produire des équipements de guerre, profitent, tout comme les grands magasins, du marché porteur pour offrir du jouet militaire. Les poupées alsaciennes et lorraines apparaissent pour la première fois dans le catalogue du Louvre en 1915.
L’offre en jouets militaires décline en France dès 1917, comme en Allemagne et en Grande Bretagne. La prolongation du conflit et les souffrances endurées par la population et les combattants sur le front tempèrent l’engouement pour le jouet militaire. Une lettre d’un Poilu, horrifié à la vision des jouets militaires publiés au catalogue d’étrennes qui a servi d’emballage au colis envoyé par sa femme, est transmise aux directeurs des grands magasins.
La page du jouet militaire dont l’écriture avait commencé au xixe siècle se tourne définitivement autour de 1923 quand les catégories « jeux de société à thème militaire », « poupées militaires » pour petits enfants et surtout « uniformes » disparaissent définitivement. La fin des uniformes pour enfants n’est pas anecdotique, car elle exprime une altération de la relation de l’enfant à la geste militaire. En effet, les uniformes, fidèles miniatures des tenues de soldats et d’officiers français et couramment offerts comme cadeaux d’étrennes au xixe siècle, ont une fonction plus représentative que ludique. Ces tenues, auxquelles s’ajoutent celles de soldats et officiers alliés vers le milieu de la guerre, symbolisent, contrairement aux panoplies à but ludique, une forme d’allégeance à l’idéal du sacrifice héroïque pour la patrie.
Le tir aux pigeons, autrefois une activité de loisir populaire, a inspiré la création de nombreux jouets. Ces jeux, souvent vintage, offrent un aperçu fascinant de l'histoire et de la culture des époques auxquelles ils appartenaient.
Les jeux de tir aux pigeons ont une longue histoire. Certains modèles anciens sont de véritables raretés, témoignant du savoir-faire et des matériaux utilisés à différentes époques. Par exemple, en 1941, pendant l'occupation allemande, l'usine Euréka a été réquisitionnée pour fabriquer des caisses à munitions, tout en continuant à produire des jouets en bois.
Un exemple frappant est le jeu "La Tranchée Boche", offert aux enfants pendant la Première Guerre mondiale. Ce jeu permettait de tirer sur des effigies de soldats allemands. Lorsqu'une cible était touchée, elle basculait, révélant un drapeau tricolore.
Le principe de fonctionnement de ces jouets est souvent simple mais ingénieux. Certains modèles, comme le fusil à flèche à culasse mobile Euréka, imitent le fonctionnement des armes à feu réelles. L'armement se fait en reculant la culasse à l'aide d'un levier, et une tige actionnée par un ressort propulse la flèche.
D'autres jeux, comme le canon sur roues Euréka des années 1910, utilisent un mécanisme similaire à celui des premières mitrailleuses à manivelle.
Outre les jeux de tir aux pigeons, d'autres jouets anciens offrent un aperçu fascinant du passé :
La marque Euréka est synonyme de jouets emblématiques du début du 20ème siècle. Cet article explore divers modèles de fusils et jouets fabriqués par Euréka, offrant un aperçu de leur histoire et de leur valeur pour les collectionneurs.
Le premier modèle de carabine à flèche fabriqué par Euréka date de la période 1890/1910. Ce modèle, appelé « Richement nickelé », mesure 63 cm de long. Son canon et son mécanisme épais sont en fonte d’acier, et sa crosse est en hêtre. Il est marqué KB, Paris, Euréka, breveté.
Un autre modèle est le très beau fusil à flèches type LEBEL de la marque Euréka, datant du début des années 1900. Il est en très bel état d’origine, avec une plaque de couche, un faux levier d’armement et un porte-baïonnette.
Pour les amateurs, voici un rare modèle Euréka qui vient compléter ma collection : Le fusil à flèche à culasse mobile, modèle LEBEL 1898. L’armement se réalise comme sur le vrai fusil à balle, la culasse mobile se recule à l’aide du levier.
La mitrailleuse terrestre Euréka, avec son petit sac en toile plein de ses balles en acier creux, se trouve dans sa boite d’origine aux décors signés par Poulbot. Elle figure encore au catalogue de 1936. Cet ensemble est très rare, surtout dans cet état exceptionnel.
Il existe également une très rare mitrailleuse, modèle antiaérien sur trépied, à 2 canons. Ce jouet date de la 2ème période, après 1901, mais il ne figure pas au catalogue de 1936. Il arbore le logo K.B. En épaisse fonte d’acier, le pontet fait office de queue de détente. Longueur 20 cm. Marquage côté droit « EUREKA », côté gauche « K.B.
Au-delà des fusils et mitrailleuses, la collection Euréka comprend une variété de jouets, notamment des pistolets et carabines modèle n°1, à flèches, à air comprimé, Tromblon, Rex, mitrailleuses en boites, tirs L »Allemand, Guillaume Tell, Aux pigeons, canards, Clown, Aux Ovnis, Ball-Trapp, Hallali n°1, Hallali n°2, jusqu’aux derniers modèles de fusils, carabines pistolets.
Un jeu animé intéressant est « La Tranchée Boche », un jouet offert aux enfants pendant la guerre pour tirer sur 4 effigies de têtes de soldats Allemands. Quand l’une d’elles était touchée par une flèche, elle basculait en arrière, les 4 têtes abattues laissant apparaître un petit drapeau tricolore.
Produit de 1933 à 1936, au nom de code usine EK13, mon modèle TOURISTE est un n°203 livré avec frein à main, ailes enveloppantes et corne d’appel, équipé des l’options pare-chocs nervurés et sujet de bouchon de radiateur « Flèche ailée ». Sa carrosserie est posée sur un châssis composé de 2 longerons en U soudés à un caisson avant et une traverse arrière. Dépourvues de suspension ses roues de 250 sont ici à faces plates. Le radiateur de style Bugatti diffère de celui ses grandes soeurs.
Les TIRS AUX AVIONS EURÉKA ont vraisemblablement été produits au cours de la deuxième guerre mondiale. D’autant plus étrange que ces 2 jouets au principe de fonctionnement identique, à peu près similaire à celui des tirs aux pigeons, utilisent des représentations d’avions Allemands mais aussi Français ? ? ?
Le tricycle date vraisemblablement du tout début du siècle, en 1904. Je l’ai trouvé sous cette appellation en feuilletant un de mes catalogues, celui de 1924. Elle aurait, vraisemblablement, été diffusée bien avant cette date, au tout début du siècle en 1904, mais je ne possède pas encore un document de cette année précise. Le pédalier, les moyeux de roues sont donc en Zamac, et le cadre, la fourche et le guidon sont en bois de hêtre.
Toutes les pièces d’assemblage en métal sont rivetées entre elles au travers du cadre en bois. La transmission est assurée par une chaîne à double rouleaux dite « à pas sauté » et un tissus brut, de couleur kaki, recouvre la selle en tôle.
Jouer au petit soldat c’est bien mais être soldat, tout au moins se déguiser en soldat, c’est mieux ! D’autant que chacun sait combien les enfants aiment se travestir. Les fabricants de jouets l’ont très vite compris créant des panoplies de soldats vendues dans les grands magasins. Il en était de toutes sortes : panoplies de cuirassier, d’officier d’artillerie avec képi, sabre, pistolets, cartouchière, épaulettes et médaille, ou d’officier d’état-major avec aiguillettes et épaulettes en or fin, ou encore de colonel avec sabre et fourreau d’acier damasquiné.
Mais quand on a une arme, il faut s’en servir et s’entraîner. Les cibles permettaient aux enfants de s’exercer avec des fléchettes.
Tous ces jouets militaires sont émouvants, car il faut se souvenir que beaucoup de ces enfants, qui ont joué au petit soldat, sont morts en 14-18 dans la boue des tranchées ou à l’assaut des barbelés. Ce n’était plus un jeu.
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