Le poème "Strophes pour se souvenir" de Louis Aragon, écrit en 1955, est un hommage poignant aux membres du "groupe Manouchian", un réseau de résistants étrangers qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce poème est inspiré par la dernière lettre que Missak Manouchian, le chef du groupe, a adressée à sa femme Mélinée avant son exécution.
Le "groupe Manouchian" était une antenne des Francs-tireurs et partisans - main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI), une unité de résistance communiste composée essentiellement d'étrangers et d'apatrides. Ce réseau, constitué d'immigrés italiens, polonais, espagnols ou arméniens, a mené de nombreuses actions contre le régime de Vichy.
L'une des actions les plus notables du "groupe Manouchian" fut l'assassinat du SS Standartenführer Julius Ritter, responsable de la mobilisation de la main-d'œuvre du Service de Travail Obligatoire en France, le 28 septembre 1943. En novembre 1943, la police française parvient à arrêter 23 membres du groupe. Le 21 février 1944, 22 d'entre eux sont condamnés à mort et fusillés au fort du Mont-Valérien. Olga Bancic, la seule femme du groupe, est guillotinée quelques mois plus tard.
A la veille de l'exécution de 22 résistants communistes, plus de 15 000 affiches rouges sont placardées en France. L'"Affiche rouge", conçue pour justifier les exécutions, devient un emblème de la Résistance, transformant les membres du "groupe Manouchian" en martyrs.
Louis Aragon compose en 1955 le poème "Strophes pour se souvenir" pour rendre hommage à ces résistants. Le titre est d’ailleurs explicite.
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Aragon s'inspire de la dernière lettre de Missak Manouchian à sa femme Mélinée. Avant d'être un poème, "Strophes pour se souvenir" a été une lettre : celle que, le 21 février 1944, quelques heures avant de mourir, le résistant Missak Manouchian écrivait à sa compagne, Mélinée.
Le poème débute par ces vers poignants :
"Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant"
Aragon, à la fin du poème fait de ces hommes nos frères. Aragon tente de nous remémorer cette guerre et de nous rappeler ses héros.
Le poème est composé de sept strophes de cinq vers, soit sept quintils. Il ne comporte aucune ponctuation, à l’exception d’un point final, et douze vers au centre du poème sont imprimés en caractères italiques. Sans entrer dans l’examen du sens, on peut faire constater, par quelques décomptes de syllabes, qu’il est constitué de vers qui comptent tous 12 syllabes, et faire repérer des rimes.
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Le poème est structuré de manière à humaniser ces hommes. L’auteur donne la parole à Manouchian. Manouchian dévoile ses rêves et ses regrets. Ses mots ne s'adressent pas seulement à Mélinée, mais à toute l'humanité.
Dans sa lettre, Manouchian exprime son amour pour la vie et pour sa femme, mais aussi son absence de haine envers le peuple allemand : "Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand". Un message d'espoir transparaît également : "Bonheur à ceux qui vont survivre".
Aragon met en lumière le courage et l'amour de ces hommes pour la France, un pays qu'ils ont choisi par conviction. Il souligne également leur humanité et leur fraternité. Des émotions sont suscitées, compassion, affection... pour ces hommes.
L'"Affiche rouge", conçue par la propagande nazie pour discréditer les résistants, a eu l'effet inverse. Elle a transformé ces hommes en symboles de courage et de sacrifice. L'affiche rouge placardée à Paris et à Lyon, censée justifier les exécutions, n'aura pas l'effet escompté : elle devient un emblème de la Résistance et les membres du "groupe Manouchian" sont vus en martyrs.
L'affiche Rouge est comparée à une "tâche de sang".
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Elle caricaturait les résistants en métèques enjuivés, terroristes arméniens, espagnols, italiens, polonais… Même si sur les dix portraits de ces « Français de préférence »,,comme l’écrit Aragon) figuraient aussi trois Français de naissance, dont un Breton (Georges Cloarec).
Le poème d'Aragon a contribué à immortaliser la mémoire du "groupe Manouchian". En 1959, Léo Ferré met le poème en musique, popularisant ainsi l'histoire de ces résistants. De nombreux autres artistes ont interprété cette chanson, témoignant de l'impact durable de leur sacrifice.
Aragon n'est pas le seul à dédier un poème à la mémoire du "groupe Manouchian", c'est également le cas de Paul Eluard, qui consacre son poème "Légion" "à la mémoire de vingt-trois terroristes étrangers torturés et fusillés à Paris par les Allemands".
Le 21 février 2024, Missak Manouchian, son épouse Mélinée, et avec eux les 22 Résistants Francs-Tireurs-Partisans de la Main d’Œuvre-Immigrée qu’il commandait, sont entrés au Panthéon.
Nom | Nationalité | Rôle | Sort |
---|---|---|---|
Missak Manouchian | Arménien | Chef du groupe | Fusillé le 21 février 1944 |
Olga Bancic | Roumaine | Membre du groupe | Guillotinée le 10 mai 1944 |
Marcel Rayman | Polonais | Membre du groupe | Fusillé le 21 février 1944 |
Autres membres | Diverses | Membres du groupe | Fusillés le 21 février 1944 |
Le poème "Ils étaient vingt et trois" est un témoignage poignant de l'engagement et du sacrifice de ces résistants étrangers qui ont combattu pour la France. Il nous rappelle l'importance de la mémoire et de la lutte contre toutes les formes d'oppression.
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