Pour un amateur d’armes un tant soit peu éclairé, difficile de ne pas admirer les platines, les beaux bois, les somptueuses gravures des fusils de maisons prestigieuses. Les noms de ces quelques maisons représentent sans contestation aucune la quintessence du luxe, de l’artisanat, de la chose bien faite, comme peuvent l’être Ferrari, Aston Martin, Lamborghini, pour l’automobile, ou Rolex, Patek Philippe, Bréguet… pour l’horlogerie.
Thomas Boss a créé la manufacture en 1812 à Londres. Il avait déjà travaillé pour Joseph Menton et James Purdey, mais est devenu indépendant. Il l’a légué en 1891 à John Robertson. Ce dernier a participé à developper la manufacture, et participa à deux innovations, dont notamment le « Boss single trigger » en 1894 (« mono détente »). Robertson est un des propriétaires les plus reconnus de la manufacture. Il était un innovateur et voulu faire de la manufacture une fabrique d’avant-garde.
Lebeau-Courally fut le seul, avec Franchi, à fabriquer pendant quelques années des fusils en utilisant officiellement les systèmes Boss (bascule, fermeture et devant).
F. Frederic Beesley est sans conteste l’inventeur de la platine moderne. Après avoir vendu son brevet à Purdey en 1880, cet inventeur de 33 ans a développé une seconde platine qui sera, quelques années plus tard, le système qui équipera les fusils Holland and Holland.
Boss and Co n’est pas seulement connu pour ses superposés.
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Probablement l’un des fusils les plus esthétiques au monde : le Barinwood de MacNaughton. Avec sa bascule soulignée de bois et des canons de 76 cm d’origine, ce fusil est le dernier numéro sorti de la fabrique en 1939, avant la fermeture liée au début de la guerre.
Il n’est qu’à observer des chasseurs pour remarquer que le superposé est très majoritaire dans leurs rangs. Quant aux tireurs de Ball-Trap, ils n’ont recours qu’à ce type de fusil.
Le choix des arquebusiers de disposer verticalement les canons n’est pas une affaire récente. Dès le XVIème siècle, les arquebuses à rouets fonctionnaient correctement avec ce type d’architecture. Le principe mécanique du rouet, pour la mise à feu de la charge du projectile, s’apparente au fonctionnement du briquet moderne.
Malgré son ingéniosité, le rouet fut abandonné au profit de platines à chiens extérieurs, moins couteuses à produire. Ce choix imposera aux armuriers, pendant des générations, la disposition juxtaposée des canons aux fusils de chasse.
À cette époque, au tout début du XXème siècle, l’artisanat anglais avait déjà tout inventé des principes du fonctionnement du fusil de chasse juxtaposé. L’avènement du superposé devait permettre aux grands armuriers d’enrichir leurs catalogues. Ce sera le cas de WOODWARD, aujourd’hui propriété de PURDEY, ou encore de BOSS et bien d’autres.
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Leur bascule utilise le basculage sur tourillons inventé vers 1885 par PIDAULT à Auxerre.
Parallèlement à l’artisanat, au début du siècle dernier, l’industrialisation permit aussi la fabrication de fusils. En 1905, l’Allemand MERKEL créa le premier superposé moderne de l’ère industrielle.
Cette première « bascule allemande » comme la nommait COURALLY, est haute. Depuis 1905, MERKEL est le premier fusil superposé de série de l’histoire.
Une vingtaine d’années plus tard, le génial J.-M. Le superposé BROWNING B25 partage avec le MERKEL sa bascule haute, conséquence de son axe de basculage situé sous le canon.
C’est sans conteste le tir sportif qui fit le succès commercial du superposé, comme le remplacement du traditionnel calibre 16 par le 12.
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Précisons d’abord qu’en terme de qualité balistique, c’est-à-dire groupement et pénétration, les performances du superposé sont équivalentes à celle du juxtaposé.
En revanche, les 2 bandes latérales des canons du superposé « influencent favorablement le réglage de son tir en hauteur », constatait Ferdinand COURALLY**.
Le régime vibratoire de ses canons fait, en effet, porter naturellement leur charge un peu plus haut. En termes pratiques, cela signifie que pour obtenir la même hauteur en cible, vous devrez découvrir environ deux fois plus de bande avec un juxtaposé qu’un superposé.
L’architecture des canons « over and under », comme les anglais l’appellent, aide aussi grandement au pointage et à la visée en masquant moins la cible.
Si, à calibre égal, le fusil juxtaposé est un peu moins lourd que le superposé, celui-ci possède un centre de gravité un peu plus en arrière. Avantage non négligeable, il s’accommodera de canons plus longs sans piquer exagérément du nez, ce qui peut se révéler fatiguant à cadence élevée.
De plus, la position « sur le champ » des canons donne l’impression qu’ils sont plus légers qu’en réalité.
Lors du tir, le départ du premier coup, normalement le canon du bas, le tireur ressent un recul moins traumatisant pour sa pommette qu’avec un juxtaposé. En cas de doublé, cela lui permettra de mieux conserver la visée en vue du tir du second coup.
Tous ces avantages du fusil superposé, un Américain nommé RENFRO les avait repérés avant tout le monde. Tout juste débarqué en Europe, en 1931, son superposé contribua à sa victoire surprise au championnat du monde de tir au pigeon de Monte-Carlo.
Benjamin Rophé, le fondateur d’Armes Prestige, a eu la judicieuse idée de faire essayer, à la chasse, des fusils de maisons prestigieuses. Qui n’a rêvé un jour, une heure, d’avoir entre les mains, de chasser avec un Purdey, un Boss, un Holland & Holland, un Beesley, un Woodward ?
Las… cela relève bien souvent du songe, du mirage que l’on entrevoit, pour s’évanouir aussitôt, comme une chimère inaccessible. Ce rêve, Benjamin Rophé le fait, pourtant, toucher du doigt.
Autre idée de Benjamin Rophé : pour pouvoir essayer ces armes dans les meilleures conditions, sans aucun esprit de compétition, ce ne sont pas des battues qui nous attendent (d’ailleurs, avec le manque de relief du territoire, l’exercice ne s’y prête guère) mais de la chasse devant soi, au chien d’arrêt.
Devant soi, au chien d’arrêt ; au fond, il ne reste que le plaisir.
Rendez-vous avait été pris de longue date dans le courant du mois de janvier, au sud de Tours, au domaine de la Lijarderie, tenu par la famille Delavault, sous la ferme direction de Ludivine, à quelques encablures d’Azay-le-Rideau, symbole de cette Renaissance qui annonça l’éclosion du classicisme à la française. C’est à peine croyable : le temps est clair, sans une goutte d’eau, comme si les âmes protectrices de Rabelais, de Ronsard, de Descartes avaient voulu que l’on découvre leur province sous ses meilleurs atours.
Les chasseurs sont déjà là, presque tous affairés, dans la salle de réception, autour des chefs-d’œuvre artisanaux apportés par Benjamin Rophé : des calibres 12, 16, 20, 28, 410, d’avant 1914, ou beaucoup plus récents. Il y en a pour tous les goûts et… toutes les bourses (voir notre encadré).
La raison en est simple : en battue, la direction des oiseaux, dépendant du vent, est aléatoire ; en outre, savoir tirer des faisans à plus de 40 mètres de hauteur n’est pas donné à tout le monde.
C’est d’ailleurs la démarche cynégétique de la famille Delavault sur les 400 hectares du domaine de la Lijarderie. Chaque chasseur ou groupe de chasseurs, qui se connaissent obligatoirement, se voit attribuer un territoire.
Pour cette première matinée, nous avons rejoint un groupe de quatre chasseurs. Le terrain est idéal pour qu’un chien d’arrêt puisse travailler dans les meilleures conditions : un biotope ouvert, encadré de bois et de haies, parsemé de cultures qui offrent un bon couvert au gibier.
Les plantations de miscanthus sont suffisamment étroites pour éviter de perdre de vue les chiens, et qu’ils n’en fassent qu’à leur guise, comme nous le voyons trop souvent.
En fait de chiens, nous avons trois setters anglais dirigés par Ludovic Delavault. Sans conteste, il connaît son affaire, et ses chiens connaissent leur métier.
Tout au plus, les puristes regretteront qu’il ne prête apparemment pas une grande atTir d’une poule faisane à l’arrêt d’un setter. tention au vent, paramètre essentiel, car (qui sera toujours différent entre le matin et l’après-midi) sur lequel chasser avec ses chiens.
S’ils n’en ont pas, les Delavault en mettent à leur disposition. Ils en ont, sans exagération aucune, une véritable meute, principalement des setters anglais.
Pour les chasseurs présents aujourd’hui, quand ce n’est pas une découverte, c’est un retour aux sources.
Au vrai, avec les contraintes de la vie moderne et urbaine, pouvoir chasser avec un chien d’arrêt est devenu un véritable luxe, mais n’est-ce pas là où sont concentrées les joies les plus pures et les plus totales ?
Parfaitement guidé, notre groupe pourra admirer de nombreux arrêts, et aura de nombreuses occasions de tir sur des perdrix et des faisans.
Certains se montrent d’une adresse redoutable, d’autres beaucoup moins… Mais tous seront unanimes à dire que ce choix de mode de chasse les ravit car, trop souvent, la chasse se résume à des battues où ils ont conscience de tirer plus que de chasser.
Dire que certains auront un peu de mal à rendre leur fusil à la fin de la journée est un euphémisme. D’autres reconnaîtront qu’ils n’ont jamais aussi bien tiré avec, eux qui ne chassent le petit gibier que deux ou trois fois par an.
C’est pour cela que Benjamin Rophé compte renouveler ce type d’événement.