Après l'adoption du fusil d'infanterie Gras, des fusils d'infanterie Chassepot furent modifiés Gras pour le tir de la nouvelle cartouche métallique. Lors du remplacement du fusil Gras par le fusil Lebel dans l'armée française, des exemplaires (modèle 1866-74 et modèle 1874) du fusil déclassé furent vendus sur le marché civil.
Cet article propose une synthèse des "Gras modifiés chasse", regroupant des informations d'ensemble et explorant les variantes de détail. Il vise à aider ceux qui cherchent à identifier un exemplaire ou qui souhaitent écrire sur la question.
Les fusils Gras modifiés en arme de chasse à canon lisse correspondent peut-être une particularité française : après la Révolution le droit de chasse n'était plus l'apanage d'une élite, la plupart des campagnards chassaient mais beaucoup n'avaient pas les moyens de s'offrir un véritable fusil de chasse. Ils se contentaient alors d'anciens fusils militaires à canon lisse, chargés par la bouche et amorcés par silex ou capsule ; ou de fabrications analogues ré-employant souvent quelques pièces de type militaire, produites en masse et à faible coût par des bassins armuriers spécialisés dans les "armes de traite" destinées aux colonies.
Autour des années 1900, l'Armée Française ayant remplacé tous ses fusils, carabines et mousquetons Gras par des fusils Lebel et des carabines et mousquetons Berthier, a revendu aux enchères une partie des anciens modèles déclassés.
Les armes de système Gras (ou Chassepot, aisément transformables en Gras), simples et robustes, pouvaient intéresser les chasseurs peu fortunés à condition d'être transformées à canon lisse, car ils tiraient surtout du petit gibier ; d'ailleurs, en France métropolitaine la chasse à la carabine rayée était alors presque marginale...
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Achetés à bon compte par lots importants, beaucoup de fusils Gras furent ainsi modifiés pour ainsi dire en série, par des grosses entreprises (p. ex. Manufacture des Armes et Cycles de St Etienne) ou des petits armuriers ; assez peu semblent avoir conservé leurs caractéristiques militaires d'origine, à destination des sociétés de tir.
Les modifications "chasse" ne paraissent pas exactement standardisées ; un grand nombre de variantes fut proposé, durant les décennies où ils furent en vente. Peut-être pour suivre la demande, ou pour s'adapter à l'état des divers lots de surplus...
Ces fusils Gras modifiés Chasse étaient proposés à un tarif 3 fois plus bas qu'un fusil juxtaposé déjà démodé, presque 10 fois moins cher qu'un fusil du dernier cri.
La transformation en calibre 24 fut la plus fréquente, car elle nécessitait simplement :
Les calibres plus gros (20, 16 et 12) demandaient nettement plus de travail. Le canon d'origine (11 mm) n'étais pas assez épais pour le réaléser directement en gros calibre, la boîte de culasse étant trop étroite pour le bourrelet de ces calibres, il fallait la réaléser et élargir la tête de culasse pour bien soutenir le fragile culot des cartouches de chasse, ce qui changeait la procédure de démontage, imposant de modifier l'assemblage de la culasse.
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Hausse, guidon et tenon de bayonnette militaires étaient généralement supprimés et remplacés par un grain d'orge en bout de canon et un cran de mire monté à queue d'aronde sur l'écrou de culasse.
Toutefois, certains n'ont pas reçu d'autre modification que le réalèsage à canon lisse et ont extérieurement conservé l'apparence exacte des fusils réglementaires.
La longueur des fusils militaires étant un peu excessive, ils furent plus ou moins raccourcis. Le bois était souvent retouché : pour amincir la crosse (sans forcément réduire la plaque de couche), et éventuellement dégager le canon en coupant le fût juste devant la grenadière.
Le levier de culasse droit, propice au tir rapide de l'infanterie de ligne, était trop encombrant. Les culasses à levier coudé (carabines et mousquetons) n'étant certainement pas assez nombreuses, la plupart des leviers de fusil furent pliés et rognés pour leur donner approximativement l'apparence des leviers de carabine ou mousqueton (qui se reconnaissent par un striage en arcs de cercle sous le bouton, et par une forme généralement plus galbée).
Peut-être y avait-il une demande particulière en armes compactes au gabarit mousqueton, car on peut trouver du "faux mousqueton" : par exemple carabine de gendarmerie raccourcie en mousqueton (les pièces sont identiques, mais au final la grenadière se trouve plus avancée que sur un mousqueton Mle 1866, 66-74 ou 1874).
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Il se pourrait même que quelques fusils aient finalement pris l'apparence d'une carabine ou d'un mousqueton. On le reconnaîtrait par les cotes hauteur / largeur de la boîte de culasse et par le diamètre de l'embase du canon : environ 34 mm sur les fusils Mle 1866, 66/74 et 1874, et 32.5 sur les carabines et mousquetons de ces trois modèles.
La crosse diffère aussi, celle des fusils est plus longue et plus massive.
Certains Chassepot auraient même été directement transformés, sans passer par la case "66-74 réglementaire".
Il est fréquent que les marquages militaires soient effacés mais quelques différences originelles permettent parfois d'identifier le modèle initial des pièces, quand elles furent modifiées ou panachées.
La boîte de culasse Mle 1866 et 66-74 se distingue du Mle 1874 par le pan coupé à l'arrière de la boîte de culasse ; la boîte Mle 66-74 se distingue du Mle 1866 par la trace du déplacement vers l'arrière de la vis de ressort-gâchette.
Le bois Mle 1866-74 porte aussi cette trace, et sur le fusil un trou fait communiquer le logement de baguette avec le pontet (au bout duquel un écrou avait été rajouté, juste devant la vis AV de pontet) ; cet écrou et son logement sont absents sur toutes les versions de Chassepot.
Le fusil Mle 1874 possède aussi cet écrou mais la feuille avant du pontet est plus longue, l'écrou et son logement sont donc plus éloignés de la vis.
Ces Gras-chasse ont indifféremment reçu la modification M-80, ou pas. Leur numérotation n'est d'ailleurs pas toujours homogène, et l'on trouve aisément des panachages (en particulier entre pièces modifiées 80 ou non, cette modification concernant la boîte de culasse et la tête de culasse), sans savoir s'ils datent de la modification ou s'ils se sont produits durant leur longue carrière.
Le ressort de percuteur du Gras est identique aux Lebel et Berthier, mais pas le percuteur. Le chien de Gras ne se monte pas sur Lebel et Berthier, mais l'inverse fonctionne très bien. Le manchon à T (bouchon AR du chien) semble identique à celui du Lebel Mle 1886 (avant la modification 93) ; il se monte sur les 86-93 et Berthier, mais pas l'inverse.
Les garnitures Chassepot et Gras sont identiques à part le pontet (sur le fusil Mle 66-74 il y fut ajouté un écrou pour visser la baguette et sur le fusil Mle 1874 sa feuille avant est plus longue), mais à priori les gâchettes et queues de détente diffèrent (à noter que les crans de gâchette des carabines et mousquetons sont trop courts pour les fusils, et vice-versa).
Il est très possible que des échanges se soient produits entre canons et boîtiers, lorsque la modification imposait de décanonner (à partir du calibre 20). S'il subsiste des numéros de série, la lettre préfixe en capitales d'imprimerie indique une origine Chassepot ou 66-74 (lettre U ou V pour lesChassepot fabriqués à l'étranger, X pour les armes de théorie), la lettre en anglaises caractérisant les modèles 1874.
Ces fusils Gras transformés chasse étaient particulièrement robustes.
Par contre ces fusils n'acceptent que les anciennes munitions de chasse, pas les plus récentes. Du 12/65 par exemple pour le calibre 12 et non pas du 12/70. De même il est conseillé de les charger à poudre noire, la PSF étant bien trop vive pour ces vieilleries affaiblies par le temps.
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