L'histoire des fusils allemands est riche, marquée par des innovations significatives et un impact profond sur l'armement mondial. Des origines du Gewehr 98 à l'adoption du Karabiner 98k, ces armes ont joué un rôle crucial dans les conflits et les évolutions technologiques du XXe siècle.
Mauser est un fabricant d’armes allemand fondé au XIXe siècle, réputé pour ses fusils à verrou et ses pistolets. L’histoire de Mauser commence à l’arsenal royal d’Oberndorf, fondé le 31 juillet 1811 par le roi Frédéric Ier de Wurtemberg. C’est dans cet atelier que les frères Wilhelm et Paul Mauser travaillent au milieu du XIXe siècle comme armuriers et mettent au point un nouveau fusil à répétition à culasse rotative dès 1867. Leur prototype s’inspire du fusil français Chassepot, qui avait montré sa supériorité lors de la guerre de 1870. Le Gewehr Modell 1871 (fusil Mauser 1871) est ainsi adopté par la nouvelle armée allemande unifiée, supplantant la concurrence et marquant le début du succès pour Mauser.
Fort de ce premier contrat national, Mauser se tourne aussi rapidement vers l’exportation. Les premières commandes étrangères arrivent dans les années 1880-1890 avec, par exemple, le fusil Mauser 1889 pour la Belgique, le Mauser 1890 pour l’Empire ottoman et le Mauser 1891 pour l’Argentine. Le Mauser modèle 1893, adopté par l’Espagne (calibre 7×57 mm), rencontre un succès international en étant également choisi par de nombreux pays d’Amérique latine.
Lors de la guerre hispano-américaine de 1898, les troupes espagnoles équipées de fusils Mauser 1893 infligent de lourdes pertes aux forces américaines, notamment à la bataille de San Juan où 750 soldats espagnols tinrent tête à 15 000 Américains pendant plus de 12 heures. Cet événement incite les États-Unis à adopter à leur tour le système de culasse Mauser pour leur fusil Springfield M1903, moyennant le paiement de royalties à l’entreprise allemande.
À la fin du XIXe siècle, Mauser devient l’un des plus grands noms de l’armement : la Turquie, le Brésil, le Mexique, le Chili, l’Uruguay, la Chine, l’Iran, la Serbie ou encore la Suède figurent parmi les nombreux pays ayant adopté des variantes du fusil Mauser à cette époque. Paul Mauser, l’ingénieur en chef et cofondateur, décède en mai 1914 peu avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale.
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Le conflit entraîne une explosion de la demande pour les fusils Mauser : le Gewehr 98 équipe massivement les troupes allemandes, tandis que des versions carabines plus courtes sont également distribuées (Karabiner 98AZ, etc.) pour les unités de cavalerie et les Sturmtruppen (troupes d’assaut). Les usines Mauser, soutenues par d’autres arsenaux allemands, produisent des centaines de milliers de fusils pour l’effort de guerre.
Dans la Haute-Marne, les gendarmes ont découvert un vénérable fusil anti-char allemand datant de la Grande Guerre. Le Tankgewehr M1918 est une arme aux vastes proportions. Dépassant largement le mètre, elle fait 17 kilos et doit être maniée par plusieurs soldats. Son recul est colossal, et elle ne sera utilisée que quelques mois par l'Empire allemand, à la fin de la guerre. Sans qu'on sache bien comment, cette arme capable de percer le blindage des premiers chars de l'histoire, s'est retrouvée dans un grenier bien français. À l'occasion de la campagne mentionnée ci-dessus, les gendarmes de Langres (Haute-Marne) ont eu ce fusil entre les mains, et en ont fait mention sur les réseaux sociaux le lundi 5 décembre 2022.
Après la défaite de 1918, le traité de Versailles impose de fortes restrictions à l’industrie allemande de l’armement. Mauser n’a plus le droit de produire des armes militaires en grande quantité. Durant les années 1920, l’entreprise survit en se consacrant partiellement à la fabrication de produits civils et d’outillage de précision (par exemple des instruments de mesure comme des micromètres).
Néanmoins, Mauser continue à concevoir des armes et à honorer certains contrats étrangers en contournant les limitations du traité via des filiales ou des partenariats à l’étranger. Avec la montée en puissance du régime nazi et le réarmement de l’Allemagne dans les années 1930, Mauser retrouve une place centrale. Le fusil Karabiner 98k, version raccourcie du Gewehr 98, est adopté en 1935 comme arme de base de la Wehrmacht.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate en 1939, l’usine d’Oberndorf tourne à plein régime pour équiper les forces allemandes. Mauser produit non seulement des millions de fusils 98k, mais également d’autres armes : le pistolet semi-automatique Mauser HSc en calibre 7,65 mm (destiné aux officiers et à la police), des fusils mitrailleurs et des canons automatiques pour l’aviation (par exemple le canon de 20 mm MG 151/20).
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L’importance stratégique de Mauser pour l’effort de guerre allemand est telle qu’Adolf Hitler en personne exige une production massive : il ordonne que la ville d’Oberndorf fournisse 70 000 fusils Mauser par mois, objectif atteint en ayant recours à environ 5 000 travailleurs forcés venus de toute l’Europe.
Après la capitulation allemande de 1945, la ville d’Oberndorf se retrouve en zone d’occupation française. Les installations de Mauser sont en partie démantelées sur ordre des autorités françaises : une grande partie des machines-outils est saisie au titre des réparations de guerre et les archives de l’entreprise sont détruites.
Dans ce contexte, trois anciens ingénieurs de Mauser - Edmund Heckler, Theodor Koch et Alex Seidel - récupèrent clandestinement certains équipements restants et fondent dès 1949 une nouvelle société d’armement : Heckler & Koch.
Au cours de son histoire, Mauser a conçu et produit de nombreuses armes devenues légendaires. Les plus notables sont ses fusils à verrou de la famille Mauser 98 - qui ont défini le standard du fusil militaire au XXe siècle - ainsi que certains pistolets révolutionnaires pour leur époque.
Principal fusil d’infanterie allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce fusil à répétition à verrou de calibre 7,92 mm dérive directement du Gewehr 98 adopté par l’armée impériale en 1898. Le Gewehr 98 original mesurait 1,25 m avec un canon long, tandis que le Karabiner 98k est une version plus courte (barreled 600 mm) adoptée en 1935 comme standard par la Wehrmacht. Alimenté par un chargeur interne de 5 cartouches, il était robuste, précis et fiable. Environ 14,6 millions de Karabiner 98k ont été produits de 1934 à 1945, faisant de lui l’un des fusils militaires les plus fabriqués de l’histoire.
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Le Mauser C96 est un pistolet semi-automatique introduit en 1896, à une époque où les armes de poing étaient encore majoritairement des revolvers. Conçu par les frères Feederle au sein de Mauser, ce pistolet présente une silhouette unique : chargeur interne de 10 coups placé en avant du pontet, canon long (environ 15 cm sur les versions standard) et une crosse en bois détachable pouvant servir d’étui holster.
Outre le fusil 98 et le C96, Mauser a développé d’autres armes marquantes. Le Tankgewehr M1918 a déjà été mentionné comme le premier fusil antichar de l’Histoire, capable de tirer une munition de 13 mm perforante pour tenter d’arrêter les chars alliés en 1918. Dans les années 1930-40, Mauser a produit des canons automatiques, dont le MG 151/20 (un canon de 20 mm) qui a armé de nombreux avions de la Luftwaffe durant la Seconde Guerre mondiale.
Historiquement, l’essentiel de la production Mauser s’est déroulé à l’usine d’Oberndorf am Neckar en Allemagne. Durant la Première et la Seconde Guerre mondiale, cette ville-usine vivait quasiment au rythme de Mauser, mobilisant jusqu’à 11 000 ouvriers au plus fort de l’activité industrielle. Mauser n’avait pas d’usines à l’étranger lui appartenant en propre, mais l’entreprise a souvent construit des chaînes de production sous licence dans d’autres pays.
Dès la fin du XIXe siècle, Mauser a fortement misé sur l’exportation d’armes militaires. Les fusils à verrou Mauser, grâce à leur fiabilité et leurs performances, ont été adoptés par des dizaines de pays sur tous les continents, soit par des ventes directes, soit via des licences de fabrication.
On retrouvait des fusils Mauser dans les armées d’Europe (Allemagne, bien sûr, mais aussi Belgique, Espagne, Suède, Turquie, Serbie, etc.), d’Asie (Chine, Empire ottoman, Iran…), d’Afrique (l’Afrique du Sud des Boers en fit usage lors des guerres anglo-boers) et d’Amérique latine (Mexique, Chili, Argentine, Brésil, etc.).
Mauser a été un atout stratégique pour l’Allemagne lors des deux guerres mondiales, fournissant l’armement individuel standard du soldat. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’usine Mauser était intégrée dans le complexe militaro-industriel du Troisième Reich, avec une production sous contrainte (objectifs imposés par Hitler) et le recours au travail forcé.
Cette implication totale dans l’effort de guerre a fait de Mauser une cible pour les Alliés, et sa destruction en 1945 symbolise l’écroulement de la puissance industrielle allemande. À l’inverse, la renaissance partielle de Mauser après-guerre, via H&K pour les armes légères et via l’intégration à Rheinmetall pour les canons, reflète la volonté de l’Allemagne de l’Ouest de reconstituer une industrie de défense sous contrôle démocratique.
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