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Depuis la fin de l’année 2020, l’intégralité des prisons de la région pénitentiaire de Lyon sont équipées de lanceurs de balles de défense (LBD). Cette décision, qui suscite des controverses, met en lumière une priorité accordée à une approche ultra-sécuritaire au détriment des moyens humains et du dialogue.

Le Déploiement des LBD en Prison

Le projet d'introduction des LBD en prison ne date pas d'hier. En 2010, une note de la direction de l’administration pénitentiaire intitulée « Déploiement des LBD 40mm au sein des services pénitentiaires » prévoyait l’entrée en jeu de cette « arme à létalité réduite » en prison. Une circulaire de 2012 est venue encadrer leur utilisation dans les établissements pénitentiaires.

Pourtant, les années suivantes, seuls quelques établissements pénitentiaires se sont dotés de LBD, comme Vannes en 2014. Selon Jean, surveillant, « Le déploiement s’était toujours cassé les dents sur le prix, notamment des cartouches ». L’arrivée de cartouches rechargeables a changé la donne, incitant Stéphane Scotto, directeur interrégional de Lyon, à déployer le LBD dans sa région pénitentiaire. Une source pénitentiaire se souvient : « Nous étions en pleine crise des Gilets jaunes et les dérives liées à l’utilisation du LBD se multipliaient, mais le directeur interrégional de Lyon a insisté pour que les efforts soient portés sur le déploiement de cette arme dans les prisons de la région. »

Réactions et Doctrine d'Utilisation

Cette décision a pris de cours jusqu’aux surveillants. Thomas explique : « Il y a eu un effet de sidération. Mais on fait ce qu’on nous dit de faire ». La direction interrégionale (DI) a publié une doctrine d’utilisation le 23 décembre 2019.

D’après cette doctrine, le LBD peut être employé en cas d’incident collectif (impliquant deux détenus minimum), contre une personne seule dans les zones « neutres » ou « sensibles », et en cas de violences exercées à l’aide d’armes blanches ou d’armes par destination. La distance de tir idéale est de trente mètres, et les tirs à moins de dix mètres sont interdits, sauf en cas de légitime défense ou d’état de nécessité.

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Des surveillants expriment leur scepticisme quant à la plus-value de cette arme par rapport à l’arsenal existant. Jean souligne : « On a d’autres choses pour le maintien de l’ordre : dispositif de dispersion, Gomm-cogne, fusil à pompe, etc. » Thomas ajoute : « Quand il y a un mouvement collectif, les Éris sont là pour ça ! Je ne vois pas l’apport du LBD. »

Les Risques et les Alternatives

Pour de nombreux observateurs, le déploiement de cette arme est révélateur de la dérive sécuritaire de l’administration pénitentiaire. Un cadre pénitentiaire explique : « Création des Éris, extractions judiciaires avec des agents armés sur la voie publique, remplacement des Élac par les ELSP : les montées en compétences se font clairement sur le secteur de la sécurité ». La multiplication des armes pouvant être utilisées en détention (aérosol, matraque, pistolet à impulsion électrique, balle en caoutchouc, armes à feu) est perçue comme une policiarisation des missions.

Un formateur de l’Énap expliquait en 2008 : « Plutôt que de remplacer le recours aux armes à feu, ces armes risquent en permanence d’être utilisées dans des situations où, précisément, il est difficile, voire impossible, de se servir d’une arme à feu. Le résultat serait donc bien d’étendre le champ d’utilisation des armes plutôt que de le réduire ». Les armes à létalité réduite pourraient donc se substituer aux méthodes de contraintes moins douloureuses, perturbant ainsi les relations sociales en prison.

Thomas s’exclame : « Sur les Gilets jaunes, l’impact des LBD a été catastrophique. S’il est utilisé en détention et qu’un détenu est blessé ou mutilé, ça va devenir l’enfer pour nous ! ». Il estime que la paix sociale en prison ne saurait dépendre de ces armes. Jean ajoute : « On a un rôle d’éducateur sur la coursive, c’est le plus intéressant, mais on délaisse tout cet aspect de communication, de gestion de groupe, de désamorçage des conflits pour mettre l’accent sur de nouvelles armes ».

L'Importance de l'Humain et du Dialogue

Dans la DI de Lyon, de nombreux agents citent en exemple le projet du “surveillant-acteur”, qui permet à certaines personnes détenues d’avoir un surveillant référent, qui les suit de près, leur fixe des objectifs, en lien étroit avec les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et les magistrats. Ce projet permet également une plus grande autonomie du personnel de surveillance.

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Thomas explique : « On rentre dans quelque chose qui vise à rétablir un rapport de meilleure connaissance entre détenu et surveillant, qui proscrit le besoin d’être le plus fort ou le plus armé. Ça remet de l’humain dans notre métier, ça désamorce les tensions et ça permet de casser la spirale de la violence ». Cependant, ce projet ne semble pas être une priorité pour le directeur interrégional. Un surveillant résume : « On voit que notre administration, dans ses mœurs, est inadaptée à ce genre de projet. On met beaucoup plus d’énergie pour déployer le LBD et les moyens de sécurité passive que de moyens sur l’humain et la sécurité active ».

Le Profil Sécuritaire de Stéphane Scotto

Stéphane Scotto est perçu comme ayant un profil très sécuritaire. Un cadre pénitentiaire souligne : « C’est un ancien de l’État-major de sécurité (EMS) ». Matthieu Quinquis, avocat, estime que l’EMS « a surtout témoigné d’une forte technicisation des questions de sécurité et d’une moindre prise en compte des facteurs humains dans la gestion des incidents ». Pour lui, le déploiement du LBD dans la région « n’a rien de surprenant ».

L’histoire récente fait craindre à l’avocat que l’expérience dépasse bientôt les limites de la région pénitentiaire de Lyon. « M. Scotto a déjà, par le passé, fait des postes qu’il a occupés des laboratoires de développement de nouvelles méthodes et de doctrines de l’administration pénitentiaire, qui ont ensuite été généralisées », rappelle-t-il.

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