Ce vendredi 25 septembre, c'est la journée nationale d'hommage aux harkis. Une cérémonie s'est tenue à 11 heures ce matin aux Invalides.
Les harkis sont les Algériens qui se sont engagés dans les forces françaises durant la guerre d'Algérie. Le mot vient de l'arabe "harka", qui signifie "mouvement", et qui désignait des unités paramilitaires mobiles qui servaient lors de la période coloniale. À la fin de la guerre, ils sont plus de 60 000. Après le cessez-le-feu, et contrairement à l'accord entre les deux parties, ils sont victimes de persécutions de la part du nouveau pouvoir en Algérie.
S’il y a un terme qui nourrit les imaginaires des mémoires de la guerre d’Algérie, c’est bien celui de « Harkis ». Beaucoup en parlent sans véritablement en connaitre le sens exact, ni de quoi il relève, ni qui cela concerne. La traduction la plus courante dans un segment de la population française est celle de traitre : Harkis = traîtres. Harki est issu de harka. Ce terme ne date pas de la guerre d’Algérie et n’est en rien une création de l’armée française.
En effet, le terme est issu de Haraka qui signifie mouvement en arabe. Il s’agit donc de troupes supplétives en mouvement. Avant la conquête de 1830, sous la domination ottomane, des unités supplétives mobiles composées d’indigènes étaient utilisées par le Dey d’Alger pour des expéditions ponctuelles (faire des razzias) ou pour le prélèvement de l’impôt.
J’utiliserai le terme de supplétifs pour désigner l’ensemble des Algériens qui se sont engagés ou ont été enrôlés comme auxiliaires de l’armée française ou dans une unité supplétive entre le 1er novembre 1954 et l’indépendance en juillet 1962. Il est fort probable que l’estimation la plus réaliste se situe entre 200.000 et 250.000 hommes.
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En effet, il existe cinq catégories organisées avec une structure militaire sous statut civil : les harkis, Groupes Mobiles de Sécurité, les Moghaznis, les Asses des Unités Territoriales, les Groupes d’Autodéfense.
Début 1961, en plus des 68 000 FSNA combattant dans les unités régulières de l’armée française (engagés et appelés), on trouve des supplétifs au statut diversifié en fonction des missions qui leur sont assignées. Les moghaznis jouent ainsi le rôle de force de l’ordre sous le commandement d’un officier de SAS, ces « sections administratives spécialisées » créées en 1955 qui permettent à l’armée de fournir aux populations rurales de nombreux services (scolaires, médicaux, agricoles,…) tout en collectant du renseignement. À côté des 20 000 moghaznis, plus de 60 000 harkis forment de véritables groupes combattants : les harkas.
Messaoud Kafi est né en 1943, à Tadimout, au cœur de la région des Aurès. Sa mère avait à peine 17 ans et son père 29 ans. Un jour, son père ainsi que d’autres hommes de la tribu s’engagent en tant que harkis. De toute façon, il fallait choisir son camp dans cette guerre. On était ou du côté français ou du côté du FLN. Pas le choix de rester neutre ! Son père devient supplétif de laLégion étrangère dans le Sud de l’Algérie à Ouled Djellal.
Certains harkis n’étaient pas très jeunes. Toute la famille est partie vivre dans le campement de la Légion, organisé pour accueillir femmes et enfants. C’est là que Messaoud a commencé l’apprentissage de la langue française grâce à un appelé français qui faisait la classe aux enfants. En 1961, il avait 17 ans et son père commençait à être fatigué par son travail au sein de la harka. Il démissionne. Messaoud s'engage à son tour dans une Section Administrative Spécialisée (SAS) pour assurer un salaire régulier pour nourrir la famille. Un an après, c’était l’indépendance. Il ne part pas en France avec toutes les familles, qui avaient fui les massacres en 1962. Il est resté en Algérie où il a été contraint à des travaux forcés.
Pour empêcher les combattants indépendantistes de bénéficier du soutien des villageois pendant la guerre d’indépendance, l’armée française procède au regroupement de la population dans une opération pudiquement désignée sous le nom de « pacification ». En réalité, plus de deux millions d’Algériens ont été parqués dans des camps soumis à l’autorité militaire et qui ont déstructuré la société rurale.
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Un des camps de regroupement est organisé à environ 30 kilomètres à l’ouest du village de Messaoud. lI est entouré de fils de fer barbelés et surmonté de plusieurs miradors. Si beaucoup se sont pliés à l’injonction d’aller s’y installer, sa famille, comme d’autres, refusent de quitter leurs maisons. Les premières semaines, on ne manquait de rien. Mais, une fois que toutes les réserves de nourriture ont été épuisées, on commençait à s’inquiéter sérieusement pour l’avenir. On a survécu misérablement pendant deux ans avant d’aller vivre, à notre tour, dans un camp de regroupement sur ordre du FLN.
Quelque 42.500 harkis ont aussi regagné la France par une procédure de rapatriement. Leur statut d'anciens combattants est reconnu en 1974 (en 2010 pour ceux restés en Algérie) et ils ont obtenu aussi la nationalité française dès les années 1960.
Entre le cessez-le-feu (19 mars 1962) et la proclamation de l’indépendance de l’Algérie (3 juillet 1962), plusieurs dizaines de milliers de personnes vont traverser la Méditerranée pour se réfugier en France. Parmi elles, on trouve militaires, fonctionnaires, « pieds-noirs » et FSNA, ces Français de souche nord-africaine comme l’on désignait pudiquement les musulmans - et certains juifs - de l’ex-colonie française.
Près de 42 000 d’entre eux sont placés par voie militaire à leur arrivée dans des camps de transit situés en France méridionale (Larzac, Bourg-Lastic, Rivesaltes, Rye-Le-Vigeant, Saint-Maurice-l ’Ardoise).
Dans tous les cas, les ordres du gouvernement et de l’état-major sont de désarmer tous les harkis et de ne pas les embarquer, à l’exception de ceux qui se sont engagés. Pour le colonel Breil du 7e RTA, cet abandon est inenvisageable : il décide donc de ramener tous ses hommes en métropole et charge le capitaine Alévêque de préparer l’arrivée du régiment à Épinal où nombre de casernes sont désaffectées. C’est ainsi qu’à côté des 1 200 tirailleurs du 7e RTA débarquent à la gare d’Épinal, en mai 1962, environ 200 harkis avec leur famille. Ces derniers sont aussitôt envoyés au camp de Bitche sous le commandement du capitaine Alévêque afin de préparer leur intégration parmi les militaires du rang.
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Dans l’immédiat, à Épinal, le principal problème à gérer pour garantir l’installation des harkis est celui de leur logement. Dans un premier temps, les célibataires sont installés dans la caserne Haxo (Golbey) ; celle de Courcy est réservée aux familles. Des baraquements en préfabriqués seront ensuite construits à La Louvroie (Golbey), dans l’ancien parc à ballons de l’armée ; puis les familles pourront bénéficier des premiers logements HLM du Plateau de la Justice à partir de 1965.
Par ailleurs, alors que les vacances scolaires approchent, le sort des enfants préoccupent le commandement. Devant l’absence de solutions proposées par les services de l’État, le colonel Breil entre en contact avec Jean-Marie Compas, responsable des services sociaux chez Boussac, qui met à disposition des enfants le château de La Forge, à Rambervillers, pour y passer l’été 1962.
Pour tous ces harkis du 7e RTA - devenu 170e RIM en 1964 -, le régiment a donc joué un rôle essentiel dans leur intégration. Les derniers à le quitter le feront quand, en 1994, leur unité deviendra le 1er régiment de tirailleurs grâce à la ténacité du député-maire d’Épinal Philippe Seguin, hommage à son père, Robert, tué dans le Doubs en septembre 1944 alors qu’il combattait au sein du 4e régiment de tirailleurs tunisiens.
François Hollande a reconnu, dimanche 25 septembre, « les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil inhumaines de ceux transférés en France ».
La journée d’hommage aux harkis, officielle depuis 2003, a été marquée par une cérémonie aux Invalides et l’attribution de la légion d’honneur à des supplétifs enrôlés par l’armée française dans la guerre d’Algérie.
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