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Ce n'est pas rien : cela fait maintenant plusieurs heures que Franck n'a pas entendu la moindre bombe. Ce vendredi 17 juin, l'ancien parachutiste est "en perm", quelque part à l'est de Kharkiv (Ukraine).

Après quatre mois de guerre, combien de Français, comme Franck, se trouvent encore en Ukraine pour résister à l'armée russe ?

Le ministère français des Affaires étrangères, pas beaucoup plus bavard, rappelle simplement que l'Ukraine toute entière est une zone de guerre, et qu'il est donc "formellement déconseillé de s'y rendre, quel qu'en soit le motif".

"Il y a eu une grosse vague d'arrivées au début, puis ça a logiquement diminué. Sur le sol ukrainien, Franck a bien croisé quelques Français mais jamais Nicolas.

Pourtant, lui aussi est sous les bombes. Où précisément ? "Dans le Donbass..." coupe-t-il. "Soumis au secret", le Franc-Comtois de 32 ans, qui vient de rejoindre les forces d'opérations spéciales, ne peut pas dire en plus.

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Le gestionnaire de patrimoine, qui a mis son entreprise en sommeil pour rejoindre l'Armée des volontaires ukrainiens (UDA), a pris du galon. S'il n'a encore jamais eu à tirer en dehors des entraînements, Nicolas est exposé comme les autres aux bombardements à répétition.

"Quand on tire dix roquettes, les Russes vont en tirer cent, raconte-t-il, à peine paniqué. Nicolas, originaire de Besançon (Doubs), s'est engagé début mars 2022 dans un groupe paramilitaire en Ukraine.

Après 116 jours sur place, Nicolas "trouve" qu'on s'habitue à tout. Aux avions de chasse, les mêmes qu'il trouvait beau lorsqu'il était "gamin" mais qui pourraient cette fois "faire demi-tour pour te faire sauter le perron".

"Quand les missiles passent au-dessus de ta tête les premiers soirs, se souvient le trentenaire, tu ne comprends pas, tu te dis que ce n'est pas possible. S'habituer à tout ? Enfin presque.

Il continue de se sentir mal à la vue des blessures causées par les obus. "On parle beaucoup des morts, mais les blessés... Ce sont des bras, des jambes en moins.

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Et puis, comment s'habituer à la mort qui rôde ? L'air sombre, il évoque ces pères de famille ukrainiens rencontrés au creux des tranchées.

"Ils vous montrent en visio à leurs enfants, et deux jours après, tu apprends qu'ils ont été tués. C'est abominable, lâche-t-il. Tu as envie de chialer."

La dernière fois qu'il a eu vraiment peur ? "Quand on a pris le ciel sur la tête. Au-dessus de nous, il y avait 37 roquettes entreposées. Si on avait été touchés, l'abri aurait volé en éclats.

Pas de place pour les inconscients sur le front. Enseignant en France, Franck-Olivier a rejoint l'Ukraine début mars 2022 pour intégrer la Légion géorgienne, un groupe paramilitaire.

Franck-Olivier en profite pour évaluer le niveau d'anglais de chacun. Bien parler la langue de Shakespeare est indispensable. Enfin, officiellement : Nicolas, plutôt à l'aise, est déjà tombé sur une unité où "ça ne parlait qu'ukrainien".

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"En réalité, quand c'est la merde, quand ça pue vraiment la mort ou la défaite, tu le vois vite à leur tête. Certaines mauvaises nouvelles circulent en effet plus facilement que d'autres.

Comme la mort du journaliste français Frédéric Leclerc-Imhoff, le 30 mai, suivie du décès d'un combattant français trois jours plus tard. Plus récemment, l'intention des républiques séparatistes prorusses de condamner à mort les combattants étrangers s'est propagée à toute vitesse chez les volontaires internationaux, forçant la Légion internationale ukrainienne à réagir.

A côté de ça, les rumeurs vont bon train. S'il meurt au combat, un Français a entendu dire que sa famille devrait donner "entre 25 000 et 40 000 euros" aux Russes pour récupérer sa dépouille. "Même prix" pour les Américains.

Rire pour oublier. Comme Franck avec sa barbe touffue, par exemple. L'ancien para passé par le Niger en profite : en Ukraine, "le rasage n'est plus obligatoire".

Nicolas aura mis trois mois avant d'écrire à son meilleur ami. "Je n'y arrivais pas", souffle-t-il. Aujourd'hui, il ne communique plus qu'avec sa grande sœur, parce que "c'était trop dur pour les autres".

"Avoir du contact avec l'extérieur, c'est à la fois bien et pas bien. Là on est en juin, ça m'arrive de rêver d'un mojito sur la plage à La Grande-Motte. Penser à la famille, c'est s'affaiblir."

Et puis pour leur raconter quoi ? Un de ses camarades finira par joindre ses proches pour démentir l'information et les rassurer. Il n'empêche : Ernesto apprendra après coup que son père avait pris contact avec le gouvernement français pour le rapatriement du corps de son enfant.

"J'ai fini par lire tous les messages que mes proches s'étaient envoyés. C'est insoutenable. Ils étaient déjà contre que j'aille en Ukraine. "Après ça", la vie ne sera plus la même. Ce conflit à deux heures d'avion de Paris est en train de les transformer.

A la mi-juin, Ernesto est rentré quelques jours chez lui à Saint-Tropez. "Pour me changer les idées, je suis allé au Grand Prix de Monaco faire la fête avec des potes. J'avais du mal à boire des verres alors que les Ukrainiens se font bombarder.

Aujourd'hui, quand Nicolas entend des trains s'entrechoquer à la gare, "mon premier réflexe, c'est de savoir où est mon arme, mon gilet et mon casque".

Mais tous les volontaires français interrogés ne s'accrochent pas à la guerre. Fred, un ancien de l'Armée de terre chargé du déploiement des combattants tricolores en Ukraine, compte à son actif plusieurs allers-retours entre le sud de la France où il réside et l'Ukraine.

Franck-Olivier, lui, a regagné la France fin mai. "On me disait de rentrer, que tout le monde était à bout", confie l'enseignant. Entre les lignes, il comprend que sa fille de 6 ans "était au maximum de ce qu'elle pouvait supporter".

"J'avais fait le tour des missions que l'on pouvait me confier. Depuis son appartement parisien, il lui arrive fréquemment de se faire du souci pour certains de ses camarades restés au combat.

Pour le moment, ni Nicolas, ni Franck ne pensent encore au retour en France. Le premier s'est fixé "la fin de la guerre" comme horizon.

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