Avec 270 000 malades en France et 25 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année, la maladie de Parkinson est la maladie neurologique qui connaît la croissance la plus rapide.
Le recours à la chirurgie peut être salvateur pour les patients atteints de la maladie de Parkinson. Dans certains cas, quand les traitements médicamenteux ne suffisent plus, il est possible de recourir à la stimulation cérébrale profonde, une opération chirurgicale qui consiste à implanter des électrodes dans le cerveau. Connectées à une pile placée sous la clavicule, elles permettent de délivrer une stimulation électrique et d'atténuer ainsi les symptômes. C'est un peu l'équivalent neurologique du pacemaker.
"Ça leur change radicalement la vie, on appelle ça une seconde lune de miel.
Opéré il y a quatre ans, Jean-Louis Dufloux, 63 ans, président de France Parkinson, évoque une "résurrection": "Je savais que je ne serais pas guéri car la maladie continue d'évoluer mais cela m'a permis de refaire les gestes de la vie courante". M. Dufloux fait partie des 10% de patients atteints de la maladie de Parkinson qui sont réceptifs à une telle opération.
Dans les années 1990, une équipe française de Grenoble découvrait que la stimulation profonde d’une zone du cerveau, le noyau subthalamique, avait un effet thérapeutique important contre les symptômes de cette maladie. Depuis, des centaines de milliers de patients ont été traités dans le monde, avec une amélioration considérable de leurs troubles: tremblements, rigidité, lenteur des mouvements... Les études à long terme ont montré que l’effet bénéfique se maintenait au moins dix ans pour la plupart des malades.
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La technique consiste à implanter dans le cerveau deux électrodes qui vont stimuler les noyaux subthalamiques avec un faible courant électrique. Reliées à un boîtier contenant une batterie implantée sous la peau, elles envoient des impulsions qui restaurent le fonctionnement normal des réseaux de neurones dépendant de la dopamine, laquelle contrôle en particulier la motricité.
L'opération ne guérit pas la maladie qui, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), frappaient en 2019 plus de 8,5 millions de personnes dans le monde. Mais elle fait partie d'un arsenal crucial pour en réduire les symptômes.
Proposés en première intention, des médicaments agissent en palliant un déficit en dopamine. Mais au bout de cinq à dix ans, des complications surviennent, avec l'apparition de phases "on-off": une efficacité du traitement qui varie au cours de la journée. C'est là que peut intervenir la stimulation cérébrale profonde. Chez les patients éligibles, elle peut restaurer l'efficacité des médicaments. Le candidat "idéal" doit être relativement jeune (moins de 70 ans), ne pas avoir de troubles cognitifs importants et des troubles qui répondent encore aux traitements.
Certes, "cette opération, proposée dans seulement 20 centres en France, est restée pendant longtemps une intervention chirurgicale très lourde", souligne Michel Lefranc, neurochirurgien au CHU d'Amiens.
Mais les avancées technologiques récentes sont en train de changer la donne: "les progrès réalisés dans le domaine du guidage par imagerie permettent de cibler de façon optimale le positionnement des électrodes", décrit-il.
Un robot baptisé Rosa assiste le chirurgien en lui indiquant très précisément l'endroit idéal pour placer l'électrode et le chemin à parcourir pour y arriver. "Avant, on ne voyait pas la cible, c'était comme envoyer quelque chose dans l'espace sans savoir, explique le professeur Michel Lefranc, qui est aussi directeur du Groupement d'études et de recherche en chirurgie robotisée. Maintenant, on voit parfaitement la cible, et on a l'outil pour pouvoir descendre l'électrode exactement où on veut. L'opération est non seulement plus sûre, mais elle dure aussi deux fois moins de temps qu'auparavant.
Au CHU d’Amiens, l’intervention dure désormais moins de 4 heures et est suivie d’une hospitalisation de 5 jours en moyenne, contre une chirurgie de 10 heures et une hospitalisation de 15 à 21 jours il y a quelques années. "L’intervention est réalisée sur un patient entièrement endormi, ce qui améliore grandement le confort de ce dernier", souligne Mélissa Tir, neurologue au centre expert Parkinson de cet établissement.
Dans son service, l'utilisation d'un logiciel créant un jumeau numérique du cerveau du patient rend aussi possible des simulations 3D en amont de l’intervention, ce qui épargne aux malades de longs tests moteurs éprouvants.
"L'opération s'est modernisée, on peut désormais se passer d'enregistrements neurophysiologiques au bloc", abonde Marc Zanello, neurochirurgien à Sainte-Anne, à Paris. "Il faut maintenant parvenir à diffuser l'innovation dans tous les centres, ce qui permettra peut-être de traiter davantage de patients", dit-il.
Aujourd'hui en France, environ 400 malades de Parkinson sont "implantés" chaque année sachant que, selon Santé publique France, 175.000 personnes étaient suivies pour cette maladie en 2020.
Trois mois après son opération, Hervé Dedourge ne regrette pas son choix. "Ça en était arrivé à un stade où vous n'avez plus la sensation d'avoir une vie intéressante, c'est quelque chose de pénible du matin au soir. Quand vous vous levez le matin, vous vous dites, 'je vais encore avoir mal, souffrir, être dépendant pendant une journée', ça ne donne plus envie de se lever, raconte-t-il. Ça n'est plus le cas, puisque j'ai récupéré tout ce que je pouvais faire avant, j'ai récupéré la marche, les gestes du quotidien, se doucher sans risquer de se retrouver au sol, conduire sa voiture même. Il ne fallait plus que je conduise, j'en n'avais pas l'envie, c'était trop dangereux.
Comme le prévoit la procédure, il est revenu voir sa neurologue pour un contrôle. Si le médecin estime que c'est nécessaire, il peut ajuster la quantité et l'orientation des ondes électriques à l'aide d'une tablette, ou modifier le traitement médicamenteux.
En revanche, tous les patients parkinsoniens ne peuvent pas bénéficier de cette opération. "Dans certains cas, on la déconseille de manière formelle, précise le docteur Mélissa Tir, neurologue.
Des travaux sont aussi en cours pour permettre une stimulation qui serait déclenchée uniquement en fonction des besoins du patient. "Aujourd'hui, elle a lieu en continu, ce qui peut avoir pour effet de détériorer certaines fonctions, comme la parole ou la marche", explique Romain Carron, neurochirurgien à l'hôpital de La Timone (AP-HM) à Marseille. A l'avenir, "l'idée serait de pouvoir déclencher la stimulation électrique uniquement quand le patient n'arrive pas à initier un mouvement par exemple ou lorsqu’un tremblement est détecté", illustre-t-il.
Les 3 autres Centres Experts Parkinson de l’inter-région : Caen, Lille, Rouen et le CEP d’Amiens coordonnent la prise en charge de la maladie de Parkinson. Cette coordination est organisée au cours de réunions inter-régionales qui ont lieu plusieurs fois par an.
Le Centre de mémoire de ressources et de recherche (CMRR) d’Amiens propose l’évaluation, la prise en charge et l’accompagnement de patients adultes souffrant de troubles de la mémoire et du langage, et de troubles du comportement, secondaires à des maladies neurologiques (comme la maladie d’Alzheimer). Il prend en charge les patients d’Amiens, de la Somme et du territoire du sud des Hauts-de-France, au titre de son activité de recours régional (facilitée par les relations avec les neurologues libéraux et le réseau des Centres mémoires de Picardie).
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