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La question des armes à feu aux États-Unis est un sujet complexe, profondément enraciné dans l'histoire et la culture du pays. Différents documentaires se sont penchés sur cette problématique, offrant des perspectives variées et souvent controversées. Un reportage intitulé « Usa… la loi des armes » présentait des enfants éduqués à l'utilisation sportive des armes à feu, juxtaposé à un meeting de partisans du Gun control réclamant une réglementation stricte aux États-Unis.

Pour le Français moyen, la condamnation de ces pratiques réunissant enfants et armes est la conclusion évidente. Mais le sujet traité appelle à quelques commentaires. Il serait intéressant de savoir si les auteurs des drames avaient tous appris à tirer à 7 ans, avec l’enseignement des règles de sécurité, comme dans les familles qui nous ont été présentées. Effectivement nous sommes différents, nos amis américains sont très religieux, très soucieux de la maîtrise de l’éducation de leurs enfants, très attachés aux libertés acquises et à leur indépendance de citoyens. Vu d’ici ce sont des extraterrestres ! Ici, certains de nos politiques trouvent curieux de vouloir défendre sa famille et ses biens contre des cambrioleurs, en se gardant de dire ce qu’il faudrait faire d’ailleurs. Gageons que vu des Etats-Unis nous devons également passer pour de doux dingues.

Cette différence culturelle parmi tant d’autres amène à la conclusion : en ce qui concerne les armes, la France n’est pas les Etats-Unis. La tuerie de l'école d'Uvalde, au Texas, qui a fait 21 morts, souligne tragiquement une fois de plus l'impuissance absolue d'un pays plus divisé que jamais sur la question des armes à feu. Comme un éternel, terrifiant et tragique recommencement. Dix jours seulement après la tuerie de Buffalo, ce mardi soir un homme de 18 ans a ouvert le feu dans une école d'Uvalde, au sud du Texas, tuant au moins 21 personnes dont 19 écoliers. En 2021, au moins quarante-deux actes de violence par arme à feu furent recensés dans les établissements scolaires américains, selon un bilan dressé par le Washington Post. Un record absolu, qui surpassait d'ailleurs de loin les trente cas comptabilisés en 2018. Cette tuerie d'Uvalde est la 222e recensée dans le pays depuis le début de l'année, selon un décompte effectué par l'association Gun Violence Archive.

Le Rôle de la NRA et du Lobbying

Selon la NRA, ces droits font partie des libertés fondamentales, et les exercer est un acte citoyen. Elle pèse d'autant plus lourd qu'elle est en prime une donatrice ultra généreuse de la vie politique américaine : en 2016, elle avait ainsi dépensé par exemple 31 millions de dollars pour aider Donald Trump dans sa course à la Présidentielle. On ne dira jamais assez à quel point le lobby des armes pèse lourd dans la vie politique du pays, en particulier au Congrès américain, là où se joue le jeu législatif.

Au lendemain de la fusillade de San Bernardino, ayant fait 14 morts fin 2015, les sénateurs démocrates déposèrent un amendement visant à interdire la vente d’armes à feu aux individus interdits de vol depuis ou vers les Etats-Unis. La machine de guerre de la NRA, forte de ses 5 millions d'adhérents, se mis rapidement en branle. Sans surprise, le Sénat rejeta massivement la proposition démocrate, ainsi qu’une autre visant à élargir les contrôles des antécédents des acheteurs, pourtant soutenue par 90 % des Américains dans les sondages de l'époque. Les mêmes propositions sont revenues sur la table après la fusillade survenue en juin 2016 à Orlando, en Floride, qui avait coûté la vie à 49 personnes. Même résultat : proposition rejetée.

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Si l'influence de la NRA dans la vie politique américaine n'est évidemment pas sans limite, ni même d'ailleurs la plus importante (les lobbies de l'automobile et de l'industrie de l'armement pèsent bien plus lourd), son pouvoir de nuisance, allié à des relais locaux très efficaces et très réactifs, en fait une machine de guerre impressionnante et redoutable. On se souvient, entre-autre exemples- qu'elle dépensa 20 millions de dollars en 2000 dans l'une des campagnes les plus agressives jamais menées, contre Al Gore, qui briguait la présidence des Etats-Unis.

"Al Gore veut que le gouvernement teste, autorise et enregistre tous les propriétaires d'armes à feu" déclarait le président de la NRA de l'époque, Charlton Heston, dans une publicité. "Cette année, votez d'abord pour la liberté parce que si Al Gore gagne, vous [la] perdez !" Message bien reçu par les américains sensibles à ce discours et inconditionnels du 2e amendement : Gore perdit les élections.

Documentaires et Fictions : Explorations du Thème des Armes à Feu

Les œuvres de fictions, mais pas seulement bien entendu, se sont logiquement emparé, depuis de nombreuses années, de cette brûlante question des armes à feu. Voici quelques recommandations pour étayer le sujet :

Bowling For Columbine

On a pu reprocher à Michael Moore d'avoir, par facilité, fait de nombreux raccourcis lapidaires dans certaines de ses oeuvres passées, et même, parfois, intellectuellement malhonnêtes. Pourtant, force est de constater qu'avec son Bowling For Columbine, il dégoupillait une oeuvre à la déflagration aussi implacable et glaçante que salutaire, même si elle fut aussi controversée.

Sorti en 2002, il prenait comme point de départ la tuerie survenue dans une école à Columbine, dans le Colorado, en 1999, qui avait fait 15 morts. Empruntant son titre à l'activité à laquelle s'étaient livré les deux auteurs, Eric Harris et Dylan Klebold, la veille de la tuerie, mélangeant régulièrement des images d'archives comme la Guerre du Viêtnam avec des procédés cinématographiques qui font appel aux émotions ("manipulations" diront les contempteurs de Moore), le cinéaste développait une réflexion autour d'une question faussement simple : pourquoi il y avait selon lui aux Etats-Unis cent fois plus de meurtres par balles qu'ailleurs ?

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Et de pointer la fascination américaine pour les armes en expliquant que les Etats-Unis ont toujours baigné historiquement, depuis leur naissance, dans une histoire et une culture violente; de la guerre d'indépendance à celle faite aux amérindiens, en passant par les deux guerres mondiales et bien entendu la Guerre du Viêtnam. Couronné notamment par l'Oscar du Meilleur documentaire et le César du Meilleur film étranger, Bowling For Columbine s'achève d'ailleurs par une séquence dévastatrice pour la légende hollywoodienne qu'était Charlton Heston, six ans avant son décès, et qui fut président de la NRA de 1998 à 2003.

Dans un échange final, après avoir joué au chat et à la souris avec lui en se prétendant membre de la NRA pour mieux l'approcher, Heston balance à Michael Moore un "I have only five words for you : from my cold dead hands !" -Vous me retirerez mes armes que lorsque je serai mort !- Des images quoi qu'il en soit ravageuses pour Heston, qui faisait d'ailleurs ici une ultime apparition à l'écran qui ne plaidait pas vraiment en sa faveur...

Elephant

Difficile de ne pas évoquer évidemment le film de Gus Van Sant sorti un an après, Elephant, qui revenait lui aussi sur la tuerie de Columbine. Adoptant le point de vue de plusieurs personnages pour relater, à coups de plans-séquence immersifs et de travellings inquiétants, comment une journée tout à fait ordinaire a basculé dans la tragédie la plus sanglante, Elephant avait lui aussi pas mal divisé; ce qui ne l'avait pas empêché de repartir auréolé de la Palme d'or mais aussi avec le prix de la mise en scène du Festival de Cannes 2003.

Miss Sloane

"Faire du lobbying c’est prévoir. C’est anticiper les coups de l’adversaire et préparer des ripostes. Le vainqueur a toujours un coup d’avance sur l’adversaire. Il s’agit de le surprendre. Sans se laisser surprendre" lâchait Jessica Chastain face caméra, au début du film Miss Sloane. Le film fut un très cuisant échec au Box Office mondial, et c'est assez injuste. Il mérite largement une réévaluation, ne serait-ce justement que pour son sujet : le poids du lobbying dans les arcanes du pouvoir, en l'occurence ici celui des armes à feu.

Car le personnage qu'elle incarne refuse de prêter son talent à un lobby des armes, qui cherche à convaincre les femmes de boycotter un projet de loi visant à durcir la réglementation sur les ventes d'armes. C'est en écoutant une interview diffusée sur BBC News que Jonathan Perera a été inspiré pour écrire le scénario de Miss Sloane. "Il s’agissait d’un homme nommé Jack Abramoff", racontait-il. "Ce lobbyiste avait été envoyé en prison pour des actes répréhensibles. Je ne connaissais pas grand-chose de l’industrie du lobbying, mais je savais que ça ferait une excellente base pour un film. Je me suis dit qu’on ne s’était jamais vraiment penché sur les dessous du trafic d’influence et des tractations politiques qui se trament dans les coulisses de Washington".

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Etats-Unis : les armes de la colère

On terminera notre brève sélection par un documentaire sidérant et glaçant, disponible depuis le 17 mars dernier sur Canal+ Docs : Etats-Unis - Les armes de la colère. Dans ce "voyage dans ces deux Amériques qui se regardent en chien de faïence, dialogue de sourds cinglant et saignant" comme l'écrivait le journal Le Monde, les chiffres assénés ont la vigueur d'un uppercut.

Comment peut-on, dans un pays qui compte 400 millions d'armes en circulation pour une population de 337 millions, enrayer cette progression de ventes d'armes ? A moins que le combat ne soit déjà perdu... Toujours est-il qu'en avril dernier, Joe Biden, le nouveau président des Etats-Unis, présentait un plan contre "l'épidémie des armes à feu", visant notamment les armes faites maison ou "fantômes", sans numéro de série et donc intraçables, qui inquiéteraient au plus haut point les Autorités du pays.

Dans tous les cas, le total d'armes en circulation est vertigineux, et il est même en train d’exploser sous l’effet conjugué de plusieurs événements récents d’actualité. Un lieu illustre ce phénomène, le camp d’entraînement géant de la "Gunsite Academy" dans l’Arizona, où la réalisatrice a été interviewer des américains persuadés qu’il est nécessaire de dépenser plusieurs milliers de dollars et de passer plusieurs jours à s’entraîner à tirer dans toutes les situations pour survivre dans l’Amérique d’aujourd’hui, armés d'une foi inébranlable et indéboulonnable dans un 2e amendement qui date de 1791...

Car ce qui est moins connu du grand public, c’est que le deuxième amendement de la Constitution américaine autorise aussi la population à créer des milices pour garantir "la sécurité d’un Etat libre". Une phrase sujette à interprétation qui permet aujourd’hui à de nombreux américains filmés dans le documentaire d’occuper leur temps à la frontière avec le Mexique équipés comme des militaires pour traquer les immigrés et les remettre à la police.

La dimension raciste du problème des armes à feu est d’ailleurs abordée par le film, puisque ce dernier rappelle aussi que les manifestations en faveur de Black Lives Matter en 2020 ont incité toute une partie de l’Amérique blanche à s’armer jusqu’aux dents par crainte d’une guerre civile. Le documentaire montre que les ventes d'armes ont explosé au sein de la communauté afro-américaine, qui s'équipe désormais activement face à la multiplication des crimes racistes, alors qu'elle était jusque-là plutôt sous représentée dans le secteur de la vente d'armes.

Les Armes à Feu et la Société Américaine

C'est qu'au-delà des drames particulièrement médiatisés, dont la tuerie d'Uvalde constitue un nouvel et tragique exemple, certains quartiers de villes américaines, gangrénés par la violence, comptent quotidiennement les morts par balles, dans l'indifférence quasi générale. Alors que les fusillades de masse continuent de frapper les États-Unis, le débat sur le port d’armes est plus que jamais d’actualité. Sorti en 2002, le documentaire Bowling for Columbine de Michael Moore propose une réflexion sur la culture des armes aux États-Unis.

Bowling for Columbine tire son titre de la fusillade qui a eu lieu le 20 avril 1999 au lycée de Columbine, dans le Colorado, où deux adolescents ont ouvert le feu, tuant 12 élèves et un professeur. Ce drame est le point de départ du documentaire de Michael Moore. Il utilise cet événement pour aborder une question bien plus large, celle de la violence armée et du port d’armes aux États-Unis. Son objectif ? Comprendre pourquoi les États-Unis comptent autant de tueries, alors que d’autres pays, pourtant armés eux aussi, semblent épargnés.

Le film mélange différents types de séquences : des images d’archives, des interviews, des scènes ironiques et même quelques animations. Pour comprendre pourquoi de tels actes de violence sont si fréquents aux États-Unis, Moore interroge les causes profondes de ce phénomène. Moore met en évidence comment l’histoire américaine est marquée par un rapport particulier aux armes à feu, ancré dans la Constitution avec le Second Amendement. Il interroge la nécessité d’un contrôle plus strict, en montrant la facilité avec laquelle il est possible de se procurer une arme et des munitions.

Le film illustre comment la peur est omniprésente dans la société américaine, poussant ainsi de nombreux citoyens à se tourner vers les armes pour se protéger. Cette peur est exacerbée par les médias et les politiques de sécurité, qui stigmatisent notamment les Afro-Américains en les présentant comme des délinquants.

Le message de Bowling for Columbine n’a pas perdu de sa valeur. Plus de vingt ans après, les fusillades de masse restent fréquentes aux États-Unis, et la question du contrôle des armes continue de diviser la société.

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