Les fusils Darne occupent une place de choix dans l’univers des armes à feu. Reconnus pour leur qualité et leur ingéniosité, ces fusils français ont marqué l’histoire de l’armurerie. Les fusils Darne, emblèmes de l’armurerie française, se distinguent par des caractéristiques uniques. Mais comment reconnaître un authentique fusil Darne parmi les nombreuses copies qui circulent ? En tant qu’armurier passionné, j’ai eu l’occasion de manipuler de nombreux fusils Darne au fil des années.
Au XIXe siècle, la France pouvait se féliciter d'avoir des armuriers de génie, et parmi eux l'on comptait Régis Darne. Arquebusier et balisticien, il alliait ses deux qualités pour faire naître des armes de chasse d'une qualité exceptionnelle. En 1878, il met au point un fusil de chasse révolutionnaire : à canons fixes dont la culasse s'ouvre en basculant par rotation sur le côté droit. En 1881, il fonde l'usine Darne. Et en 1893, il crée le fusil qui fera le renom international de la marque : un fusil à culasse à glissière, le modèle R.
Alors simple mécanicien, Régis Darne travailla au retour de son service militaire chez plusieurs armuriers stéphanois, avant de déposer une série de brevets, protégeant les mécanismes sortis de sa fertile imagination. La société Darne fut liquidée en 1979. Depuis, le nom a été repris par l’armurier Paul Bruchet. La marque est retombée depuis 2020 dans l’incertitude, un fond d’investissement n’ayant pu pérenniser, en 5 ans, la suite de Paul et Hervé Bruchet qui l’avaient reprise en 1981, les propriétaires s’étant enchaînés depuis 1955, mais sans pouvoir lui redonner son aura d’avant-guerre.
Voici quelques brevets et modèles notables :
On peut donc estimer en toute logique que les fusils Darne à culasse coulissante sont tous établis sur des brevets antérieurs à 1900, de même que les fusils commercialisés par les établissements Darne sous le nom de « Halifax ». Dans la série des Darne à canon fixe, il n’y a que le modèle Halifax qui soit un brevet Darne. Ceux qui ressemblent au Darne comme les Charlin, Soleilhac et Francisque Darne ont des mécanismes différents qui sont propres aux inventeurs, et qui ne découlent pas du brevet Darne.
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Les fusils Darne les plus souvent rencontrés sont les deux premiers grades de la série R soit R10 et R11 dont on retrouvait encore 3 ou 4 exemplaires à vendre chez chaque armurier de campagne dans les années 70. En 12 et surtout beaucoup en 16, ils avaient la double épreuve (4), puis de R13 à R 17 la triple palmette, et les plus hauts grades (R15-16-17) de meilleures finitions : extrémité du devant, plaque de couche en corne, meilleurs bois.
A partir des années 50, un véritable « sur mesure » offrait une multitude de finitions de bois, de gravures, de bascules à effets cémenté, jaspé, satiné et de modèles hauts de gamme : Classic, Prestige, Rambouillet (en 12-16), Gouverneur (versions canons « Plume » ou Magnum), ou Baronnet, ces deux derniers aussi en 20. A signaler aussi dans ces fusils Darne que l’on rencontre le plus souvent, les Halifax qui sont de « vrais » Darne, mais fabriqués au moment où les brevets tombèrent dans le domaine public et destinés à contrer la concurrence, (en l’organisant en quelque sorte !) un peu comme Manufrance le fit avec ses « Sampa » (pour le Simplex) et le « Costo » (pour le Robust).
Evidemment, tout amateur rêvera de tomber, dans le grenier d’un vieil oncle parti ad patres, sur les « grandes clefs » les séries P et V. La première avec ses chiffres P17 et P 18, montre la filiation avec les R, triple épreuve bien sûr, mais surtout l’ouverture en une étape, glissement d’un seul mouvement, éjection sélective et sécurité bouton cette fois.
La première chose que je vérifie toujours, c’est la frette des canons. C’est là que se cache le poinçon « Darne » dans un rond, véritable signature de la marque. Mais attention, le nombre de poinçons ronds est tout aussi significatif ! Un autre élément crucial est le numéro de série. Sur les canons, vous trouverez des indications précieuses sur le chambrage (65 ou 70 mm). Quant au diamètre d’âme, il est généralement de 18,2 mm pour le calibre 12.
Au-delà des marquages, d’autres éléments permettent d’affiner l’identification d’un fusil Darne. L’état des bois est un indicateur précieux. Je porte une attention particulière au niveau du pontet, qui est souvent un point faible. Un vrai Darne a ses secrets. Par exemple, il ne doit pas s’ouvrir quand on le soulève par les « oreilles ». C’est une astuce que j’utilise souvent pour démasquer les copies. Le choke standard d’un Darne est plein à gauche et demi à droite. N’hésitez pas à démonter l’arme. C’est souvent lors de cette opération que l’on accède aux marquages cachés qui confirment l’authenticité.
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Les séries R se distinguent par une « petite clé », tandis que les séries P et V arborent une « grande clé ». Chaque série Darne a ses spécificités.
Série | Type de Clé | Caractéristiques |
---|---|---|
R | Petite Clé | Modèles d'entrée de gamme, robustes |
P | Grande Clé | Finitions plus soignées, gravures possibles |
V | Grande Clé | Hauts de gamme, gravures élaborées, finitions luxueuses |
La valeur d’un Darne varie considérablement selon le modèle et l’état. Elle peut osciller entre 300 et 4000€.
Le Darne, on tombe un peu dedans très vite…ou pas du tout, un peu comme le Bretton car il diffère en tout de ce qui est connu, surtout de nos jours. Son poids est toujours léger c’est donc une merveille à porter à la billebaude, mais son équilibre est particulier.
Tout est concentré sur le « centre » puisqu’on n’ose pas dire « bascule », l’arme ne s’ouvrant pas comme la totalité des congénéres de son époque, la concentration des masses étant même derrière les détentes car tout le « lourd » est dans l’action coulissante.
La crosse est également souvent plus courte que de nos jours, et droite ou très peu pentée du fait de la conception de ses bois et du « tendon d’Achille » de la jonction poignée-pontet à surveiller à la moindre fissure. C’est pour cette raison qu’il est aussi quasiment impossible de jouer sur les bois (huile chaude, etc.) pour modifier la crosse. Il en résulte donc un tir différent où il faut plus coucher la joue sur la crosse et moins de tir « tête haute ».
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Le recul, logiquement avec l’alésage initial très serré de 18.2, surtout en 12, est un autre paramètre souvent évoqué car se conjuguant avec toutes ces caractéristiques de concept particulières qu’il faut entériner. Et tout le monde ne s’y fait pas forcément.
Les détentes sont, en plus, souvent plus dures, et il est difficile de « bricoler » une mécanique où (particulièrement sur les séries hautes P et V) les tolérances et liaisons sont étroites, armement et culasse qui se déplacent de concert et fort effet de levier pour bloquer la face de culasse contre un bourrelet de cartouche épais lors de la fermeture de l’action. La série R est un peu plus simple, le levier d’armement est découplé de la culasse coulissante, c’est certes solide et fiable, mais à ne pas malmener quand même au tournevis et à la pince multiprise, et quoique on en dise, assez compliqué en entretien.
Un autre aspect, cette fois plus actuel est celui de la sécurité qui, déjà avant-guerre se posait avec acuité pour un fusil qui ne se « cassait » pas. Les boutons et leviers, devaient pallier au fait qu’il était inconfortable de le trimballer complètement ouvert, car la culasse pointue fait saillie, et le levier à la verticale peut accrocher partout.
Le fusil Darne, vous l’aurez compris, est un fusil clivant, ou le ressenti de chacun est essentiel, et une forte introspection nécessaire avant de se jeter à l’eau.
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