Un avion de ligne d'Azerbaïdjan Airlines s'est écrasé mercredi 25 décembre dans l'ouest du Kazakhstan, emportant la vie de 38 des 67 personnes à bord. Au lendemain de ce tragique événement, une enquête est activement menée pour déterminer les circonstances exactes du drame.
Cependant, des experts militaires et spécialistes de l'aviation ont rapidement commencé à formuler des hypothèses, incitant les autorités kazakhstanaises à dénoncer des "spéculations" autour de l'accident.
Sur X, Andriy Kovalenko, lieutenant des forces aériennes ukrainiennes, accuse directement Moscou d'être responsable d'avoir tiré sur l'appareil avec un système anti-aérien. "L'avion a été endommagé par les Russes et envoyé au Kazakhstan au lieu d'atterrir en urgence à Grozny pour sauver des vies", attaque-t-il encore.
Un responsable américain sous couvert de l'anonymat et l'Azerbaïdjan, selon des médias, ont pointé jeudi vers une responsabilité russe pour expliquer le crash d'un avion d'Azerbaijan Airlines au Kazakhstan mercredi, faisant 38 morts, mais de nombreuses questions restent en suspens. Les premières informations pointent vers la responsabilité d'un système russe de défense antiaérienne, a affirmé jeudi un responsable américain.
La chaîne internationale Euronews a indiqué qu'un missile sol-air russe avait provoqué le crash, citant des sources gouvernementales azerbaïdjanaises sous couvert d'anonymat. Le missile aurait été tiré durant "une activité aérienne de drones au-dessus de Grozny", capitale de la Tchétchénie où l'avion devait atterrir, a ajouté le média.
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Caliber, un site azerbaïdjanais progouvernemental, a indiqué qu'il s'agissait probablement d'un missile de système de défense antiérienne Pantsir-S, citant, là encore, des sources gouvernementales.
Certains experts soutiennent la piste de l'avion abattu, relevant des impacts visibles sur le fuselage de l'avion sur les photos et vidéos prises sur le site du crash. Sur le réseau social Telegram, un blogueur et expert militaire russe Iouri Podoliaka a assuré que ces marques étaient similaires à des trous possiblement causés par "un système de missiles antiaériens".
Xavier Tytelman, expert aéronautique, juge lui aussi sur X que l'appareil "a été touché par un missile antiaérien" et souligne que "les impacts sur la dérive sont caractéristiques des schrapnels [fragments] des missiles". Le consultant aéronautique de BFMTV, Jean Serrat, abonde sur la chaîne.
« Les traces qu'on voit sur l'avion laissent quand même penser que c'est assez probable » qu'il ait été abattu par un missile, a déclaré à l'AFP Jean-Paul Troadec, ancien directeur du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA).
Un ancien expert du BEA, sous couvert d'anonymat, a aussi cité comme élément "le témoignage d'un passager qui aurait reçu des éclats dans son gilet de sauvetage". Ce drame "rappelle le MH17", a-t-il estimé, en évoquant l'explosion en vol au-dessus de l'Ukraine en 2014 de cet avion de Malaysia Airlines parti d'Amsterdam, imputée par la justice néerlandaise au tir d'un missile russe.
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Pour de nombreux experts militaires et de l'aéronautique, les dommages repérés sur la carcasse de l'avion valident la thèse selon laquelle l'avion a été touché par un système anti-aérien.
« Une explosion »Ces propos interviennent après plusieurs jours de spéculations sur les causes de l’incident, les trous dans la carlingue laissant penser à un tir de missile antiaérien. Un passager ayant survécu au crash a aussi évoqué une explosion à l’extérieur de l’avion. « Il y a eu une explosion. C’est sûr. Tout le monde l’a entendu », a confirmé l’un des survivants russes, d’origine tadjike, Soubkhonkoul Rakhimov, à la chaîne de télévision russe RT.
Les autorités kazakhes ont aussitôt dénoncé des "spéculations" autour de l'accident, alors qu'aucune hypothèse officielle sur les origines du crash n'a été avancée jeudi matin. "Nous devons attendre la fin de l'enquête", a souligné le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Le président du Sénat kazakh, chambre haute du Parlement du Kazakhstan, Maoulen Achimbaïev, a assuré lui qu'il n'était "pas possible" de dire pour l'instant ce qui a abouti à cette catastrophe.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a jugé jeudi qu'il "serait inapproprié d'émettre des hypothèses avant les conclusions de l'enquête".
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Vladimir Poutine a du reste maintenu de facto cette position, souhaitant samedi que soit menée une enquête « objective et transparente » sur ce crash.
Vladimir Poutine a présenté des excuses samedi sans pour autant dire clairement si l’avion d’Azerbaijan Airlines qui s’est écrasé mercredi au Kazakhstan avait été touché par un missile russe, alors que la défense antiaérienne était en action au moment où il tentait d’atterrir à Grozny, en Russie. Le président russe n’a pas dit si ces tirs avaient touché l’Embraer, comme le suspectent les Etats-Unis et comme le sous-entend le président de l’Azerbaïdjan, mais a présenté des excuses à Ilham Aliev « pour le fait que cet incident tragique se soit produit dans l’espace aérien russe », selon le Kremlin.
Dans un entretien téléphonique samedi avec son homologue azerbaïdjanais, le président russe a indiqué que « l’avion de ligne azerbaïdjanais avait tenté à plusieurs reprises d’atterrir à l’aéroport de Grozny », la capitale de la Tchétchénie, sa destination, dans le Caucase russe. Mais « au même moment, Grozny, Mozdok et Vladikavkaz étaient attaquées par des drones de combat ukrainiens, et les défenses antiaériennes russes ont repoussé ces attaques », a-t-il dit, selon un communiqué de la présidence russe.
De son côté, le président azerbaïdjanais a souligné que l’avion avait été frappé « dans l’espace aérien russe » par « une interférence physique externe », accréditant la thèse d’un tir sans pour autant accuser formellement la Russie, puissance régionale avec qui Bakou entretient des relations étroites.
M. Aliev « a souligné que les multiples trous dans le fuselage de l’avion, les blessures subies par les passagers et l’équipage (...) ainsi que les témoignages des hôtesses de l’air et des passagers survivants confirment les preuves d’une interférence physique et technique extérieure », a indiqué la présidence azerbaïdjanaise dans un communiqué résumant une conversation entre les deux présidents.
Depuis la catastrophe de mercredi, les soupçons se portent vers la Russie, qui a pu abattre accidentellement l’avion. Si M. Poutine n’a donc pas reconnu samedi la responsabilité de la Russie, il a néanmoins présenté des excuses à M. Aliev. "Vladimir Poutine a présenté ses excuses pour le fait que cet incident tragique se soit produit dans l’espace aérien russe", a indiqué le Kremlin. Plus tôt, son porte-parole Dmitri Peskov avait refusé de commenter les propos de la Maison-Blanche qui avait évoqué un tir de la défense anti-aérienne russe.
En outre, plusieurs experts occidentaux estiment que les images montrant un fuselage criblé de trous laissent penser à un telle frappe.
L'avion assurait la liaison entre Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan, et Grozny, capitale de la République caucasienne russe de Tchétchénie. Mais il s'est écrasé de l'autre côté de la mer Caspienne, près du port d'Aktaou, dans l'ouest du Kazakhstan, situé très à l'est de sa destination initiale.
L'agence de l'aviation civile russe Rosaviatsia a expliqué qu'"en raison d'une situation d'urgence à bord de l'avion, son commandant avait décidé de 'se rendre' vers un autre aérodrome" et qu'"Aktaou avait été choisi".
Azerbaijan Airlines a d'abord affirmé mercredi que son avion avait percuté une nuée d'oiseaux. Mais la compagnie a retiré cette information. Cette explication a aussi été avancée par l'agence de l'aviation civile russe Rosaviatsia.
L'avion transportait 62 passagers et cinq membres de l'équipage.
L'ancien directeur du BEA, Jean-Paul Troadec, a estimé que la trajectoire suivie par l'avion était "une grosse inconnue" de l'affaire. Le site spécialisé Flightradar24, qui suit les vols, a indiqué que l'appareil avait subi durant son vol "d'importantes interférences GPS".
Selon le ministère kazakh des Situations d'urgence, 38 personnes ont été tuées et "29 survivants, parmi lesquels trois enfants, ont été hospitalisés". Quatorze survivants sont arrivés jeudi en Azerbaïdjan, selon l'agence Tass, tandis que neuf blessés russes, dont un enfant, ont eux été ramenés en Russie, d'après les autorités de ce pays.
L’Union européenne a appelé samedi à une enquête « rapide et indépendante » sur le crash, par la voix de sa cheffe de la diplomatie, Kaja Kallas. Elle a évoqué « un rappel brutal » du vol MH17 de Malaysia Airlines, abattu par un missile de rebelles pro-russe au-dessus de l’Ukraine en 2014.
La Maison Blanche avait assuré vendredi disposer d’« indications préliminaires qui suggèrent la possibilité que cet avion a été abattu par des systèmes de défense antiaérienne russes ».
Au Turkménistan, pays riverain de la Caspienne, la compagnie Turkmenistan Airlines a annoncé samedi que les « vols réguliers Achkhabad-Moscou-Achkhabad sont annulés du 30/12/2024 au 31/01/2025 ». Flydubai a annulé ses vols entre Dubaï et les villes du sud de la Russie, Mineralnye Vody et Sotchi, prévus entre les 27 décembre et 3 janvier. La compagnie kazakhe Qazaq Air a elle suspendu jusqu’à la fin janvier sa liaison vers Ekaterinbourg, dans l’Oural.
Elles emboîtent le pas à la compagnie israélienne El Al qui avait indiqué dès jeudi suspendre ses vols vers la Russie pour une semaine.
Selon les autorités kazakhes, 17 experts de différentes nationalités participent aux investigations. Parmi eux, deux Russes et des Brésiliens, Embraer étant un fabriquant brésilien. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) doit également se joindre à l’enquête.
Ce drame "rappelle le MH17", a-t-il estimé, en évoquant l'explosion en vol au-dessus de l'Ukraine en 2014 de cet avion de Malaysia Airlines parti d'Amsterdam, imputée par la justice néerlandaise au tir d'un missile russe.
Le 17 juillet 2014 restera gravé dans l'histoire de l'aviation civile comme l'une des tragédies aériennes les plus marquantes. Ce jour-là, vers 16 heures, le vol MH17 de Malaysia Airlines disparaît des écrans radar alors qu'il survole l'est de l'Ukraine. La dispersion des débris sur un large périmètre révèle rapidement que l'avion a été pulvérisé en vol, écartant l'hypothèse d'une défaillance technique. Le contexte géopolitique de l'époque - les forces ukrainiennes combattent alors les séparatistes pro-russes dans le Donbass - oriente immédiatement les soupçons vers un tir de missile anti-aérien.
En juin 2015, le fabricant d'armes russe Almaz-Antey confirme que l'appareil a été abattu par un missile sol-air BUK sorti de ses usines. Trois ans plus tard, en mai 2018, les enquêteurs franchissent une étape décisive en établissant que ce missile provenait de la 53e brigade antiaérienne russe, basée à Koursk, dans l'ouest de la Russie.
Le 17 novembre 2022, un tribunal néerlandais rend son verdict : trois des quatre accusés sont condamnés à perpétuité par contumace pour meurtre et participation à la destruction de l'avion. Seul Oleg Poulatov, qui disposait d'une représentation légale, est acquitté. La Russie, qui a toujours nié toute responsabilité dans cette tragédie, refuse d'extrader les condamnés.
L'affaire prend une dimension diplomatique en janvier 2023, lorsque la Cour européenne des droits de l'homme déclare recevables les plaintes déposées par l'Ukraine et les Pays-Bas contre la Russie pour les faits survenus en 2014 dans l'est de l'Ukraine, incluant la destruction du vol MH17.
Un mois plus tard, en février 2023, les enquêteurs internationaux franchissent un nouveau cap en révélant avoir de « fortes indications » suggérant que le président russe Vladimir Poutine aurait personnellement donné son accord pour fournir le système de missiles aux séparatistes. Toutefois, faute de preuves suffisantes pour engager de nouvelles poursuites, l'enquête est officiellement suspendue. Le jour du crash, l'espace aérien était fermé du côté russe de la frontière, mais pas du côté ukrainien.
La destruction du vol MH17 a entraîné une prise de conscience mondiale de la part des compagnies aériennes, qui évitent désormais de manière beaucoup plus large les zones de conflit.
L'histoire de l'aviation civile est marquée par de nombreux accidents liés à des défaillances techniques et humaines, et par des actes terroristes. Mais elle est aussi entachée par des crashs causés par des erreurs de tir de la part de militaires ou de groupes armés, ou par des attaques assumées.
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