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Le premier empire colonial britannique commence à se former au milieu du XVIIe siècle. À la fin du Moyen-Âge, l’Angleterre n’est encore qu’une puissance périphérique, presque secondaire en Europe.

La population totale de la Grande-Bretagne dépasse à peine les 4 millions d’habitants (contre plus de 20 millions pour la France de la même époque à elle seule !). Plus fondamentalement encore, l’Angleterre a encore son âme attachée et tournée vers le Continent : n’a-t-elle pas, durant près de cent ans, cherché à consolider son emprise sur le sol français (dont elle revendiquera encore théoriquement la Couronne jusqu’à la fin du XVIe siècle) ?

De fait, depuis la conquête de l’île par Guillaume de Normandie, la Grande-Bretagne peut être considérée comme une sorte de protubérance insulaire du monde continental, et l’Angleterre une sorte d’excroissance franco-latine dans la sphère culturelle anglo-saxonne.

Cette réalité est en effet un peu oubliée, mais il faut bien en avoir conscience pour comprendre l’histoire de la relation franco-anglaise durant toute la seconde partie du Moyen-Âge : depuis la fin du XIIe siècle (voire à vrai dire depuis la conquête de Guillaume de Normandie de 1066), les rois d’Angleterre sont des… Français ! (ou plus exactement : des Angevins !)

À la fin du XIIe siècle, à la faveur d’une habile politique d’union matrimoniale doublée d’une crise de succession, c’est en effet le duc d’Anjou (lui-même issu d’une branche cadette de la Maison capétienne) qui arrive sur le trône d’Angleterre, fondant alors la dynastie des Plantagenets.

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À son apogée, celle-ci règnera sur un territoire allant de l’Écosse aux Pyrénées (on parle alors d’« Empire Plantagenêt »), et il faudra deux « guerres de Cent ans » successives aux rois Capétiens (dont le pouvoir était jusque-là encore balbutiant !) pour affirmer leur souveraineté sur le sol français.

Pour le résumer autrement : jusqu’au tournant de l’époque moderne, l’Angleterre se projette et se cherche un destin sur le continent, sur le sol français du point de vue territorial et politique, et dans les Flandres sur le plan économique et commercial (les îles Britanniques entretiennent en effet depuis le Moyen-Âge une grande interdépendance avec les grandes cités drapières des Pays-Bas, ces dernières étant très dépendantes de la laine anglaise pour leur florissante industrie ; industrie drapière qui constitue en retour le débouché privilégié de la laine anglaise - de loin la principale exportation de l’Île !).

Le tournant du XVIe siècle

Tout cela va néanmoins changer du tout au tout au XVIe siècle, le siècle qui constitue le grand tournant de l’Histoire anglaise et le moment-fondateur de l’Angleterre moderne. Qu’est-ce qui s’est passé soixante ans avant que l’Angleterre ne se lance sur les océans ? La fin de la guerre de Cent Ans !

Donc l’Angleterre s’est pris une dérouillée sur le continent. L’Angleterre qui jusque là tout au long du Moyen-Âge était un royaume qui avait avant tout des ambitions continentales, qui se pensait comme une sorte de prolongement de la France - avec une Cour royale et une noblesse qui parlaient le français plus que l’anglais et qui se considéraient au moins autant comme des princes d’Aquitaine et d’Anjou ou de Normandie que comme des rois d’Angleterre (prenez quelqu’un comme Richard Cœur-de-Lion : il parlait à peine un mot d’anglais, il détestait l’Angleterre, il se considérait comme angevin, ça l’emmerdait d’être roi d’Angleterre quelque part…).

Donc l’Angleterre était un pays qui était complètement dans le prolongement du continent. Et là, la guerre de Cent Ans met fin à toutes leurs ambitions continentales. En plus, ils sortent de la guerre de Cent Ans pour rentrer dans une guerre civile : la guerre dite « des Deux-Roses ».

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Donc ils [l’aristocratie et la noblesse anglaises] vont sortir de la guerre des Deux-Roses considérablement affaiblis en nombre et cela va considérablement aider à la montée en puissance non-seulement de l’État monarchique centralisé anglais, mais également de cette nouvelle couche socioéconomique qui en Angleterre comme ailleurs en Europe est en train de monter à grande vitesse et à grande puissance qu’est la Bourgeoisie (la guerre des Deux-Roses est en effet “tout bénef” pour eux - dans tous les sens du mot !).

Et donc ils [les dirigeants du Royaume] finissent de régler cette question dynastique et ils se disent « bon, il faut toujours garder un œil en Europe car il y a des dangers d’invasion etc., mais bon globalement, l’Europe, on arrête ! ».

Ils ont gardé un pied, un point d’appui sur le continent - c’est la ville de Calais -, ils conservent encore des réseaux commerciaux dans les Flandres - parce qu’il y a les tisserands flamands qui sont le principal débouché des laines de tous les troupeaux de mouton anglais -, mais à partir de ce moment-là globalement et comme le dit bien le théoricien allemand Carl Schmitt, Henri VIII a « largué les amarres » d’avec le Continent - aussi bien au sens propre qu’au sens figuré !

Henri VIII dit : « ça suffit, on va devenir une puissance navale et maritime » […]. La guerre des Deux-Roses (qui s’apparente donc moins à une guerre civile qu’à une « super vendetta » entre les maisons de York et de Lancastre - dont la rivalité est aussi connu pour avoir inspiré celle entre les Stark et les Lannister dans la célèbre série Game of Thrones… !) a donc débouché, après deux rudes décennies de guerre aristocratique fratricide, par la montée sur la trône d’une nouvelle dynastie à la légitimité contestée du point de vue des règles de la succession royale anglaise : la dynastie des Tudors.

Le nouveau roi d’Angleterre, Henri VII, est en effet un noble du pays de Galles, lointain descendant du roi Édouard III (souverain du temps du début de la guerre de Cent Ans). Devenu par le hasard des choses l’unique héritier de la maison de Lancastre, celui-ci va néanmoins s’imposer durant la fin de la guerre civile comme une alternative sérieuse au dernier prétendant de la maison d’York (Édouard IV - alors très impopulaire).

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Habile politicien et bon stratège, Henri VII réussit ainsi à fédérer autour de lui les adversaires au camp yorkiste (qu’il défait finalement en 1485 à la bataille de Bosworth - où Richard III est tué).

Proclamé roi à l’issue du combat (le dernier grand affrontement de la guerre des Deux-Roses), Henri VII agit rapidement de façon à entériner définitivement la réconciliation entre les deux maisons rivales et à asseoir sa légitimité. Henri VII et son fils et successeur Henri VIII.

Comme le rappelle malicieusement l’historien Bernard Cottret, l’arrivée au pouvoir des Tudors, originaires du pays de Galles, peut-être vue d’une certaine façon comme la récupération du trône anglais par les « Celtes » après un millénaire et demi de domination romaine, anglosaxonne puis franco-normande de l’Île !

L'essor de la marine anglaise

Le règne des Tudors marque un véritable tournant dans l’histoire de la Marine anglaise, et le moment où l’Angleterre commence à s’ériger au rang de puissance navale de premier plan. Jusqu’ici en effet - et à l’instar de la France de la même époque -, l’Angleterre ne s’était jamais véritablement dotée d’une marine permanente (sauf à remonter très loin au temps des rois saxons, c’est-à-dire avant l’invasion normande… !).

Comptant parmi les premiers affrontements de la guerre de Cent Ans, la bataille de l’Écluse (1340) peut probablement être vue comme le premier grand combat naval franco-anglais de l’Histoire.

Au Moyen-Âge, le combat naval se livre en fait peu ou prou comme un siège sur la terre ferme. Les bâtiments de l’époque sont des nefs ou des caraques, c’est-à-dire des navires pourvus de deux grands « châteaux » (l’un à la proue, l’autre à la poupe) que l’on garnit d’hommes de troupe et d’archers pour le combat.

L’idée d’équiper des navires de canons n’est pas une invention de la Renaissance : celui-ci est déjà présent sur les champs de bataille dès le milieu du Moyen-Âge, et on trouve à vrai dire traces de son utilisation ponctuelle à bord de navires de guerre dès le XIIIe siècle.

Mais sa généralisation demeure alors complexe, car les canons de l’époque sont en fer forgé et pèsent très lourds ; ne pouvant être placés que sur les ponts, ils mettent ce faisant en péril l’équilibre du navire en cas de gros temps !

C’est en fait comme souvent une “simple” innovation technique qui va révolutionner l’usage de l’artillerie navale - et avec elle les marines de guerre modernes : l’invention du sabord (attribuée au brestois Descharge, vers 1500).

En permettant d’obturer en dehors du combat le trou ainsi réalisé dans la coque, celui-ci va permettre de placer les canons sur les ponts inférieurs sans nuire à la sûreté des navires - renforçant même leur équilibre en déplaçant le centre de gravité du bâtiment vers le bas.

Inventé puis généralisé dès le milieu du XVIe siècle, le célèbre « galion espagnol » incarne à la perfection tant la nouvelle ère de mondialisation maritime ouverte par les Grandes Découvertes que les progrès et innovations ainsi enregistrés au tournant de la Renaissance en matière de construction et d’armement navals.

Plus stable et plus manœuvrable que les caraques des temps médiévaux (caraques à qui il faudra tout de même reconnaître l’exploit remarquable d’avoir réalisées les premières circumnavigations de l’Histoire !), le galion supplante rapidement cette dernière tant pour le commerce que pour la guerre (les deux activités et leurs navires afférents alors ne se distinguent pas), devenant l’archétype des marines naviguantes des débuts des Temps Modernes.

Bientôt, grâce à l’invention et à la généralisation du sabord, les navires sont armés de toujours davantage de canons, et mutent de simples prolongements sur mer de la guerre terrestre à de véritables unités autonomes (en fait de vastes « plateformes d’artillerie flottantes » !).

Dans le grand contexte d’essor maritime et de « maritimisation économique » qui caractérise la fin du XVe siècle, le roi de la nouvelle dynastie des Tudors se saisit presque immédiatement de la « question maritime ».

D’un règne encore plus long que celui de son père, son successeur et fils Henri VIII reprend et amplifie la politique maritime paternelle (au point d’être traditionnellement désigné comme le « père de la marine anglaise » !).

Sous Henri VIII en effet, le « virage maritime » de l’Angleterre se voit confirmé : dès le début de son règne, le jeune souverain quadruple le nombre de navires de guerre hérités de son père, tout en poursuivant le développement de la flotte marchande (navires de guerre comme marchands dont la facture est en outre améliorée, grâce à l’observation des techniques de construction étrangère).

Au-delà de ces efforts remarquables consentis sur le plan de la marine naviguante, c’est toutefois dans le domaine des infrastructures stratégiques que les investissements les plus décisifs sont réalisés sous Henri VIII.

En plus de devenir une force permanente, la Marine se dote en effet, sous le règne de ce dernier, de ses premières grandes fondations logistiques : des arbres dédiés à la construction navale sont plantés, des écoles consacrés à la navigation et à la formation des officiers sont fondées, et la première importante structure d’organisation de la Marine voit le jour avec la création en 1546 du Conseil de la Marine (futur Navy Board - l’une des principales institutions et organes d’administration logistique de la Royal Navy et l’ancêtre de l’Amirauté !).

Grâce à tous ces efforts et investissements, au milieu du siècle, la marine Tudor flirte avec les cinquante unités permanentes, dotées d’un équipage qualifié (et dont l’essentiel de l’occupation hors temps de guerre consiste à mener la chasse aux pirates - à l’instar de la France en Méditerranée !).

Parti à bord d’un unique navire dans les pas de Colomb pour tenter lui aussi d’atteindre l’Asie et ses précieuses épices par la route de l’Ouest (où il cherche en particulier à découvrir le fameux sinon hypothétique « passage du Nord-Ouest »), Jean Cabot va atteindre l’île de Terre-Neuve (géographiquement la terre la plus proche de l’Europe du côté américain) et en explorer les côtes (dont il prend possession au nom du roi d’Angleterre), avant de revenir rapporter sa découverte à la Cour de Londres (il y signale notamment l’abondance locale de la morue - qui constituera historiquement effectivement le premier moteur de la colonisation européenne de la région !).

Reparti l’année suivante approfondir son exploration (et ayant disparu corps et biens dans la nouvelle expédition…), Cabot sera considéré à l’époque comme le premier européen à avoir officiellement atteint l’Amérique du Nord !

Baptisé au nom du roi Tudor, le Henri Grâce à Dieu (en français dans le texte - quand on vous dit que la cour de Londres vivait encore dans son héritage franco-normand !) symbolise et résume à lui tout seul la nouvelle vocation maritime que le monarque anglais entend insuffler à son pays !

Lancée en 1514, cette massive caraque - qui mesurait 50 m de long et déplaçait de 1000 à 1500 tonnes - constituait alors rien de moins que le plus grand navire du monde !

Comme vous l’avez compris, les projets d’invasion de l’Angleterre ne sont pas l’apanage du règne de Louis XV ! En 1545, dans le cadre des fameuses et fastidieuses guerres d’Italie, François Ier va en effet organiser un vaste projet de débarquement sur le sol anglais, qui va mobiliser une flotte remarquable - plus imposante même que celle de l’Invincible Armada espagnole 43 ans plus tard (200 navires transportant plus de 30 000 hommes) !

N’alignant face à elle que 80 navires, la jeune marine de guerre d’Henri VIII va néanmoins réussir à barrer la route à l’armada français dans le Solent (le bras de mer qui contrôle l’accès de Portsmouth), obligeant les Français à rembarquer et à renoncer à leur projet d’invasion.

Le souverain anglais n’a à vrai dire pas attendu la tentative d’invasion de 1545 pour employer sa jeune marine de guerre contre l’adversaire français (avec lequel il est alors globalement en conflit dans le contexte européen des guerres d’Italie).

Dès les débuts de son règne en effet, Henri VIII va utiliser sa Navy comme un instrument non pas seulement défensif mais offensif, en envoyant une escadre d’une vingtaine de navires opérer le blocus maritime de la rade de Brest (deux siècles et demi donc avant que ceci ne devienne la spécialité du Western Squadron !).

Surprise par l’initiative (ainsi que par les débarquements anglais réalisés préalablement sur la presqu’île de Crozon et la pointe Saint-Matthieu), la flotte franco-bretonne alors au mouillage détache l’une de ses plus grosses unités - la Cordelière - pour aller tenir tête au navire amiral anglais (le Regent) afin de couvrir la retraite du reste de la flotte.

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